LES CONSÉQUENCES QUANTITATIVES DE L’IDENTITÉ BRETONNE SUR LA VIE ASSOCIATIVE
Le manque de données fiables d’observation des associations
Il y a une grande difficulté à compter le nombre d’associations. «L’accès aux données n’est pas facile et il y a une pénurie d’informations, en particulier dans les territoires » me précise Viviane Tchernonog . Puisque personne ne sait quand une association s’arrête ou est en sommeil et qu’elle n’a aucune obligation de le signaler, il est difficile de les estimer. C’est la raison pour laquelle j’utilise avec vigilance les chiffres proposés ci-après. Ils sont à prendre comme des marqueurs indicatifs dont la fiabilité sera à vérifier lorsque des observatoires de territoires, en cours de développement par l’INJEP , donneront leurs résultats.
Il faut de surcroît souligner que le fait d’avoir beaucoup d’associations n’est pas réellement un indicateur de vitalité associative. Cela pourrait même indiquer le contraire : des divisions ou des associations qui font la même chose et qui n’arrivent pas à se fédérer par exemple. Enfin, la vie associative bretonne ne se réduit pas aux associations déclarées. Elle comporte des «associations de fait» qui rassemblent des collectifs informels, des personnes voulant faire des choses ensemble d’une manière très souple sans déclaration à la Préfecture. Elles sont, bien entendu, impossibles à comptabiliser.
Le nombre d’associations, un chiffre à relativiser
Comme le document 11 l’indique, ce n’est pas en Bretagne qu’il y a le plus d’associations, même quand les données brutes sont ramenées au nombre d’habitants. Concernant la création d’associations , les chiffres sont importants en Bretagne mais ce n’est pas l’endroit de l’hexagone où il y en a le plus qui se crée. C’est dans le sud de la France qu’il se crée le plus d’associations. « Certes relativise Jacques Malet mais elles sont fragiles […] Elles se divisent et peuvent aussi se concurrencer alors qu’il n’y a pas souvent de la place pour deux. Plus on va vers le nord, plus la solidarité profite à la longévité des associations. Je ne peux pas le démontrer à 100 % mais ça se ressent par les témoignages et dans les chiffres. Il y a de l’intuitif et aussi quelques chiffres. On crée plus d’associations qu’ailleurs en Bretagne par rapport à ses régions limitrophes car il y a plus d’ambition (à la différence de nombreuses créations du sud), l’envie de faire des choses, de faire avancer sa région, son village, son intercommunalité […]. On trouve les mêmes phénomènes qu’en Bretagne, en Alsace, en Pays Basque, dans le Bearn et inversement en Picardie, dans la Beauce, dans la couronne qui entoure Paris où il y a beaucoup moins de notion d’appartenance qui est importante pour la vie associative.» .
La Bretagne historique est, dans la partie nord de la France, la région où il se créer le plus d’associations. Il se crée proportionnellement, en Bretagne, un peu plus d’associations dans la culture (26,7 % contre 24 % en France), le sport (18,3 % / 17,4 %), l’économie (6,4 % / 5,6 %) et l’environnement (4,5 % / 3,8 %) ; un peu moins dans le social, les amicales et l’éducation. La culture est également repérée comme un secteur dynamique par les nombreux DLA qui s’y font.
La Région Bretagne est, avec la Région Pays de la Loire, la première région sportive de France : 959 000 licenciés, soit 30,33% de la population ou 274,29 licenciés pour 1000 habitants. Ces licenciés investissent 9 500 clubs animés par 200 000 bénévoles et 21 000 salariés en postes équivalents temps plein.
Le poids de l’emploi associatif dans l’économie régionale est de 11,4 % de l’emploi privé. Il est au-dessus de la moyenne nationale qui est de 9,8 % en 2016. Cela s’explique, en partie, par la place importante des emplois liés à l’enseignement privé (17 % en Bretagne contre 12,1 % au niveau national pour 60 % d’élèves dans le public et 40 % dans le privé) mais aussi grâce aux associations de sports, culture et loisirs qui sont particulièrement bien développées.
Qu’elles s’appellent OGEC , APEL pour les écoles privées confessionnelles, AEP pour les écoles laïques et gratuites en langue bretonne Diwan ou MFR , les associations proches des écoles privées ne sont pas à négliger. Elles participent, à l’instar des amicales laïques, à la vitalité des territoires en gérant des centres d’hébergements ou en organisant parfois de très grandes manifestations populaires.
À noter, qu’après 20 ans de croissance, l’évolution de l’emploi associatif est négative en 2018 et le sera aussi en 2019 selon les prévisions, en particulier dans les secteurs de l’enseignement privé, du spectacle vivant, de l’animation, du sport et de l’aide à domicile. Différentes raisons identifiées lors de la rencontre de la plateforme de coordination de la stratégie régionale de l’ESS le 17 octobre 2019 l’expliquent : prise de « parts de marchés » par le privé lucratif, baisse des emplois aidés d’État, inflexion des politiques publiques dans la sphère médicosociale, arrêt des temps d’activités périscolaires par des mairies … Toutefois, cette tendance reste plus modérée en Bretagne que dans les autres Régions françaises, à l’exception de l’Ile de France.
Si l’on ouvre les chiffres aux autres familles de l’ESS (coopérative, mutuelles, fondations), la Bretagne est la première Région de France pour l’emploi et de loin : 14,3 % pour 148 000 salariés, avant les Pays de Loire où l’ESS représente 13,1 %. Cette situation s’explique notamment par l’importance de l’ESS dans les secteurs marchands et plus particulièrement des coopératives agricoles et bancaires. En son sein, les associations sont le premier statut de l’ESS en volume d’emplois. C’est également le statut le plus diversifié en termes de secteurs d’activités. Elles représentent 72 % de l’emploi de l’ESS et 79 % des établissements. Une singularité qui a fait dire à l’économiste Maurice Baslé qu’en Bretagne « nous ne sommes pas dans une économie pure et dure.».
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