Variabilité des eaux douces et ses implications scientifiques
La section précédente a décrit les éléments clefs de l’état moyen des mers arctiques, en particulier le stockage de l’eau douce, et la présence d’un flux moyen dirigé vers les mers nordiques et subarctiques. Ces paramètres ne sont toutefois pas fixes dans le temps, et fluctuent constamment autour de leur valeur moyenne. Cette variabilité temporelle est encore largement inconnue (voir Melling et al., 2008), tout d’abord à cause de la difficulté d’échantillonner de façon adéquate ces systèmes, et aussi à cause de la complexité inhérente aux systèmes non-stationnaires (variables dans le temps). Cela nous mène à la question centrale de la thèse : Quels sont les impacts de la variabilité des eaux douces arctiques, et quels processus la contrôlent? Le but de cette thèse est donc de mieux comprendre ce qui contrôle la variabilité saisonnière et interannuelle des eaux douces arctiques, et quels sont ses impacts. Cette recherche a plusieurs portées scientifiques. Tout d’abord, la variabilité du stockage et de l’export d’eau douce des mers arctiques est particulièrement intéressant dans le contexte de la circulation méridionale atlantique (Meridional ûverturning Circulation, MûC) et son rôle dans le climat global. Le parcours des eaux douces arctiques traverse des régions où une convection profonde se produit normalement durant l’hiver (e.g., Dickson et al., 2008), ces sites convectifs étant notamment présents dans les mers du Groenland et du Labrador (Marshall and Schott, 1999). Des apports anormalement élévés d’eau douce peuvent accroître la stratification de ces régions et inhiber la convection hivernale et la formation d’eau dense (e.g., Lazier, 1980). Dépendant du synchronisme et de l’amplitude de l’anomalie en eau douce au dessus des sites convectifs, la MûC peut être affectée de façon importante, avec des impacts potentiellement importants pour le climat de l’Hémisphère Nord (Rahmstorf et al., 2005; Stouffer et al., 2006; Huisman et al., 2009).
Une autre question qui implique l’ensemble des mers arctiques est le changement climatique induit par le réchauffement global. Malgré que ces changements s’effectuent sur de longues échelles temporelles (30 ans et plus), ils sont clairement visibles dans les enregistrements expérimentaux, et l’Arctique est appelée à être une des régions les plus touchées par le réchauffement (Bernstein et al., 2007). Un tel réchauffement mène à une couverture glacielle réduite, signifiant qu’une proportion plus grande des mers est libre d’effectuer des échanges d’eau douce avec l’atmosphère (via l’évaporation et les précipitations). La libération graduelle des eaux douces autrefois stockées sous phase solide (neige et glace) contribue aussi à des échanges accrus entre l’atmosphère et la surface terrestre. Ces changements résultent en une variabilité accrue des échanges air-surface, c’est-à-dire en l’accélération du cycle hydrologique. Bien que ce genre de changement à grande échelle soit difficile à ob17 server avec un nombre limité d’instruments, des observations récentes montrent que la variabilité croissante des précipitations est détectable dans les jauges de débit des rivières tout autour de l’Arctique (Déry et al., 2009).
Outre son rôle dans la modulation des échanges air-océan, le cycle de croissance et de fonte glacielle modifie de façon profonde le champ de densité et sa stratification verticale à travers le rejet de sel lors de la croissance ou le rejet d’ eau douce lors de la fonte (e.g., Prinsenberg, 1987). De par cette modulation saisonnière de la stratification, la glace de mer est susceptible d’aussi moduler les échanges turbulents entre les couches profondes riches en nutriments et les couches plus superficielles où la lumière est disponible, ceci ayant des conséquences sur la production primaire (e.g., Sibert et al., 2010). La couverture glacielle peut aussi jouer un rôle important dans la modulation saisonnière de la circulation océanique au sein des mers arctiques. Là où elle est épaisse et suffisamment rigide pour résister à la traction du vent, la couverture glacielle agit tel un isolant qui inhibe le transfert de momentum des vents à l’océan. Une couverture glacielle immobile peut aussi agir telle une surface rugueuse contre laquelle les courants océaniques sont amortis (e.g. , Prinsenberg, 1988a). L’advection des différentes masses d’eau s’en trouve alors substantiellement modifiée pendant la période hivernale.
Le cas de la baie d’Hudson Les sections précédentes ont procuré un aperçu général des eaux douces des mers arctiques et des questions scientifiques s’y rapportant. Un examen approfondi de ces questions dans l’ensemble des mers arctiques est bien évidemment au delà des objectifs du présent travail, et c’est pourquoi cette étude se concentre plutôt sur une mer arctique en particulier, la baie d’Hudson. La section présente montre que ce bassin inclut les composantes nécessaires d’une mer arctique, et donc que l’étude de la baie d’Hudson en particulier représente une avancée pour la compréhension des mers arctiques en général. La baie d’Hudson est une large (~ 900 x 900 km2 ) mer, peu profonde (~ 100 m), partiellement refermée, et située au nord-est du Canada (Fig. 1; NOAA, 2006). Bien qu’elle soit située au sud du Cercle arctique, Maxwell (1986) note que « in comparison with most other lands around the globe at the same latitude in the Northem Hemisphere, those in the vicinity of Hudson Bay and James Bay are abnormally cold ».
Le climat froid au dessus du bassin résulte chaque année en la formation d’une couverture glacielle complète en décembre, cette couverture demeurant en place jusqu’à l’été où elle disparait complètement (Hochheim and Barber, 2010). L’épaisseur de la couverture de glace n’est connue que de quelques mesures effectuées près des côtes, et d’estimations qualitatives (e.g. le type/catégorie de la glace) obtenues d’images satellitaires; des épaisseurs variant entre un et deux mètres sont rapportées au plus fort de l’hiver (Markham, 1986; Prinsenberg, 1988b), comparable à l’épaisseur moyenne actuelle dans l’océan arctique (1.75 m, Kwok and Rothrock, 2009). Une autre composante du bilan des eaux douces du basin est celle des précipitations nettes (précipitation moins évaporation). Les précipitations nettes sont difficiles à évaluer avec le peu de mesures disponibles, mais la littérature suggère des valeurs autour de 290 kg m-2 y-l ~ 220 km3 y-l à 600 N (Gill, 1982, sa Fig. 2.5). Cette valeur est beaucoup plus faible que, par exemple, l’apport annuel des rivières qui est estimé à 635 km3 y-l en moyenne dans les baies d’Hudson et de James. On note aussi que cet apport des rivières représente une proportion substantielle (12%) de l’apport total des rivières arctiques (Lam mers et al. , 2001). Les rivières de la baie d’Hudson sont spatialement distribuées sur le bassin, les principales sources étant les rivières Thelon, Nelson, et un groupe de rivières situées dans la baie James (Fig. 24 de cette thèse; voir aussi Déry et al., 2005).
La baie d’Hudson échange aussi de l’eau douce avec les bassins avoisinants, mais ces échanges sont difficilement quantifiables à partir des connaissances limitées des conditions océaniques et de leur circulation (voir Prinsenberg, 1984, 1986a,b, 1987; Ingram and Prinsenberg, 1998; Granskog et al., 2007, 2009; Lapoussière et al., 2009). Pratiquement toutes les données sont recueillies pendant la période libre de glace (août à octobre) et très peu d’instruments sont demeurés mouillés et fonctionnels sur des périodes d’une année ou plus. Malgré ces difficultés, les observations suggèrent que la baie d’ Hudson reçoit peu d’eau douce des bassins voisins. Suivant l’analyse de Straneo and Saucier (2008a), le flux d’ eau douce provenant de l’archipel canadien est environ 88 km3 y-l relatif à 33 psu, ce qui est beaucoup plus faible que, e.g., l’apport dû aux rivières (635 km3 y-l ; voir aussi la section 2.3 pour une discussion sur le choix de la salinité de référence). De façon similaire, des sections latérales dans le détroit d’Hudson (ce détroit permettant le lien avec l’océan Atlantique) suggèrent que bien peu d’eau douce y entre étant donné que les salinités du côté nord (où l’eau entre) sont relativement élevées (S ~ 33 psu, voir Straneo and Saucier, 2008a).
Numerical Simulations
The results from a numerical model (Saucier et al., 2004a) are used to further investigate the M2 variations. The model solves the 3-D hydrostatic primitive equations over the whole HBS do main (Foxe Basin, Hudson Bay/Strait, James and Ungava Bays, see Fig. 5). The horizontal resolution is 10 km and bathymetry is reproduced using 36 z-levels and partial cells at the bottom (e.g., Adcroft et al., 1997). The ocean model is coupled to a dynarnic and thermodynamic two-layer sea ice model (Semtner, 1976; Hunke and Dukowicz, 1997), and a single layer snow model. Landfast ice is not included in the model. According to Markham (1986), landfast ice is important in only two locations, east of the Belcher Islands, and in northern Foxe Basin. The simulated ice velocities (Fig. 12a) are particularly small in these regions which is consistent with the behavior of landfast ice. The absence of landfast ice in the model should thus not represent an important limitation. The simulation is conducted under realistic atmospheric, hydrologic, and oceanic forcing for the August 2003-August 2004 period.
These forcing, initial salinity and temperature, momentum and scalar diffusion, and comparison with observations are discussed in Saucier et al. (2004a). Tides are introduced by prescribing the sea elevation at open boundaries according to nine tidal constituents: M2′ S2, N2, K2′ 0 1, Kt. PI, M4, and MS4. These constituents are held constant throughout the simulation and astronomical forcing over HBS is neglected (see Freeman and Murty, 1976). The free surface is treated using a semi-implicit time discretization and a 5 min timestep. Modeled harmonics are computed as with the observations but this time using modeled water levels sampled at the model timestep. Table 2 shows a comparison between the simulated M2 wave (Fig. 6) and observations. The largest relative errors are found in Roes Welcome Sound and in James Bay, and sensitivity experiments have shown that these errors can be attributed to the poorly constrained bathymetry of the basin. Significant variations in depths are visible when comparing common bathymetric databases and the nautical charts from the Canadian Hydrographic Service. The amplitude and phase in specific locations (Roes Welcome Sound, James Bay, and western Hudson Strait) were found particularly sensitive to changes in bathymetry, perhaps because of significant wave interference. The results from this study are obtained using Etop02’v2 (NOAA, 2006) and the nautical charts from the Canadian Hydrographic Service. The ocean currents and sea ice interact through a stress at the ice-ocean interface:
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