Un contexte propice au développement du numérique
Nous verrons dans cette première partie que le numérique et plus particulièrement les paiements dématérialisés ont pris une grande importance ces dernières années. On peut aujourd’hui parler de contexte propice au développement du numérique pour l’expansion de l’utilisation des MLC car leur usage reste marginal. Plusieurs facteurs rentrent en compte pour expliquer ce faible nombre d’utilisateurs et le peu d’adhésion que rencontrent ces dispositifs monétaires. Nous pouvons néanmoins mentionner quelques-unes des réticences fondamentales à l’utilisation de ces MLC. Tout d’abord, elles sont souvent méconnues et leur intérêt paraît limité, notamment parce qu’elles se cantonnent à un usage territorial et donc l’offre de produits et services est limitée. Ainsi leur utilisation est contraignante et peu rapidement devenir inconvenante pour certains individus. De plus, la contrainte de changer ses euros papier en unités de monnaies locales complémentaires est lourde car elle implique de retirer des billets en euros, d’aller les échanger dans les bureaux de change assermentés et enfin de pouvoir utiliser ces unités de MLC. Enfin, le succès des cartes bancaires est en partie lié à la sécurité prodiguée par le code privé garantissant un usage exclusif à l’utilisateur la détenant ainsi que la facilité d’utilisation qu’elle procure. Cette facilité d’usage et cette sécurité ne sont pas aussi prégnantes lorsqu’il s’agit de monnaie fiduciaire (pièces et billets).
Ainsi nous étudierons la montée en puissance et l’acceptation grandissante des moyens de paiements dématérialisés puis nous détaillerons les réticences pratiques liées à l’utilisation de la monnaie fiduciaire. Nous verrons ensuite que la solution numérique peut être un moyen efficace permettant de résoudre certaines des contraintes pouvant limiter le développement des MLC puis nous étudierons plus particulièrement la solution numérique en elle-même, en se demandant pourquoi celle-ci a été choisie. Nous rendrons compte dans une dernière partie de l’impact que l’introduction d’une monnaie numérique peut avoir sur l’usage d’une MLC avec l’exemple d’une transition vers le numérique réussie par l’Eusko.
Une adaptation nécessaire : les paiements dématérialisés s’imposent comme norme aujourd’hui au détriment du paiement en monnaie fiduciaire
Depuis quelques années, on constate un recul constant de l’utilisation de la monnaie fiduciaire au profit d’une plus grande utilisation des moyens de paiements scripturaux. Les moyens de paiements scripturaux sont définis par la Banque de France comme des « dispositifs qui permettent le transfert de fonds tenus dans des comptes par des établissements de crédit, des institutions assimilées (Caisse des dépôts et consignations, Trésor public, Banque de France…) ou des établissements de paiement suite à la remise d’un ordre de paiement ». Selon une étude menée par une équipe de chercheurs de l’Eurosystème sur la Zone Euro en 2016, 157 milliards de transactions réalisées ont été effectuées par les ménages (households), les paiements en espèces représentaient 79% du volume d’échange mais seulement 54% du montant en valeur. Les paiements par carte représentaient quant à eux 19% du volume des transactions et 39% de la valeur des transactions.
Si l’on regarde plus spécifiquement le cas français, 68% des paiements sont réalisés en monnaie fiduciaire mais ils ne représentent que 28% de la valeur des transactions effectuées en magasins, ce qui est relativement plus faible que le montant en valeur des transactions réalisées en espèces sur le Zone Euro (54%). Ces chiffres confirment bien un goût prononcé pour la faible détention d’espèces en France. En effet, la France se distingue par un montant moyen de transaction en espèces inférieur à 8€, ce qui est la moyenne la plus basse derrière le Portugal. En comparaison, les paiements moyens en espèces à Chypre ou au Luxembourg atteignent 18€.
Les paiements par carte bancaire montent en puissance et représentaient en 2014 plus de la moitié des paiements scripturaux en France. Le nombre de paiements par carte bancaire a plus que triplé entre 2001 et 2014. Pour autant, cette dynamique évolue avec l’arrivée de nouvelles technologies qui accentuent la dématérialisation des paiements, celle-ci étant concomitante avec l’arrivée de nouveaux acteurs. On observe également de nouvelles réglementations venant encadrées ces nouveaux comportements d’achats. Nous entendrons ici par dématérialisation « le processus par lequel la manipulation du papier est supprimée ».
Ainsi, la carte bancaire n’est aujourd’hui plus à la pointe de l’innovation et toutes ces avancées (technologiques, comportementales, règlementaires…) induisent des changements dans les usages de moyens de paiements. On le constate donc depuis quelques années désormais avec l’essor du commerce en ligne représentant aujourd’hui près de « 7,5% du volume total des transactions par carte et 11.6% de leur valeur totale ». Cet accroissement du nombre d’achat en ligne est également lié aux avancées technologiques et à la montée en puissance des géants de l’industrie Internet (GAFAM) qui accentuent la pression sur l’utilisation des portefeuilles virtuels.
De fait, les chiffres de la Banque de France nous montrent l’envolée du nombre de transactions effectuées en monnaie électronique et une évolution corrélée du montant des transactions (augmentation de 45% du nombre de transactions entre 2016 et 2017 pour une augmentation de 52% du montant des transactions, avec un montant moyen de 16€). La progression est importante, mais ces moyens de paiements restent marginaux de par leur nombre de transaction en valeur absolue (55 millions) et le montant total des transactions en valeur absolue (1 milliards d’euros). Si l’on balance ces chiffres avec le nombre de transaction effectué en carte bancaire (12.6 milliards de transactions) et la valeur totale des transactions effectuées par virements (24 milliards euros), on constate l’insignifiance relative des portefeuilles de monnaies électronique .
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