Indices de biodiversité microbienne

Indices de biodiversité microbienne 

Afin de pouvoir comprendre le rôle de la biodiversité microbienne sur le fonctionnement de l’écosystème, il faut obtenir des paramètres décrivant la biodiversité des micro-organismes. Pour obtenir cette biodiversité microbienne, il  serait peu pratique de cultiver et d’identifier les différents micro-organismes du sol, puisqu’il est bien connu qu’il n’y a qu ‘ une seule fraction des micro-organismes qui sont cultivables. La biodiversité serait ainsi grandement sous-estimée. Récemment, la biodiversité microbienne a alors été approchée par la technique de métagénomique, le metabareoding, qui certes peut surestimer la biodiversité microbienne, mais qui est surtout très rapide, de quelques semaines à quelques mois pour extraire l’ADN, l’amplifier, l’interroger et obtenir une liste de séquences, c’est-à-dire une liste d’OTUs (Operational Taxonomie Units). Il est possible de considérer les OTUs comme indicateurs au concept d’espèces en écologie. Plus précisément, les OTUs sont utilisés en génétique afin de regrouper des organismes selon leur niveau de similarité génétique sur une section courte d’un gène de leur génome. Le niveau de similarité est généralement situé à un seuil de 97 % (Blaxter et al., 2005). Si un seuil de fiabilité est trop faible, p. ex. 90-95 %, des séquences appartenant à plusieurs espèces pourraient être regroupées (Blaxter et al., 2005; Caron et al., 2009; Schloss et al., 2009). Cette technologie d’ADN environnementale permet alors d’obtenir une matrice d’OTUs et le nombre de copies séquencées pour chacun d’entre eux.Bien que les OTUs soient considérés comme des proxys aux espèces, on ne peut toutefois pas considérer qu’une copie d’ADN est équivalente à un individu. Cela est principalement dû au fait qu’il est possible chez les champignons que les cellules soient diploïdes, c’est-à-dire qu’il est possible d’avoir deux noyaux contenant l’ADN. Même si les bactéries sont haploïdes, il serait tout aussi erroné de considérer les copies comme des individus puisqu’elles sont multipliées dans l’étape d’amplification de l’ADN. Il est ainsi préférable de transformer cette matrice d’OTUs sous forme de présenceabsence pour obtenir un nombre d’espèces plutôt que leur abondance relative. C’est ensuite avec cette matrice transformée qu’il est possible de mesurer la diversité microbienne selon différents indices de biodiversité.

La diversité alpha (α) 

La diversité a représente la diversité présente localement et peut être observée sous forme de richesse spécifique et/ou d’abondance au sein d’une communauté d’organismes (Mori et al., 2018). Via l’effet combiné de la richesse spécifique et de l’abondance relative des espèces présentes, la biodiversité bactérienne semble avoir un rôle important au sein des écosystèmes (Delgado-baquerizo et al., 2017).

Différents mécanismes permettent d’expliquer l’effet de la biodiversité a sur le fonctionnement de l’écosystème. Bien que nombre de mécanismes aient été proposés (Silvertown et al., 2001), les effets de sélection et de complémentarité sont les mécanismes principaux .

L’effet de complémentarité serait réellement lié à une propriété de biodiversité en postulant qu’une diversité d’organismes, ayant des besoins spécifiques, sera plus à même d’utiliser dans l’espace et dans le temps les ressources de l’environnement. Cette augmentation de prélèvement et d’utilisation des ressources par la communauté permettra alors une maximisation du fonctionnement de l’écosystème. Le mécanisme de complémentarité entre groupes fonctionnels est intermédiaire entre le mécanisme précédent est celui de sélection. En effet, les légumineuses sont le seul groupe de plantes capable de fixer l’azote atmosphérique (complémentarité), augmentant la fourniture azotée au sol pour une meilleure croissance de la communauté (facilitation).

En plus de ces deux mécanismes d’action de la biodiversité sur la multifonctionnalité, il existe aussi une relation entre la diversité et la stabilité de l’écosystème. À une échelle locale, la biodiversité pourrait avoir un effet stabilisant sur son écosystème (Loreau & de Mazancourt, 2013). En effet, la variabilité de la population en présence d’une forte richesse spécifique augmente, bien que la synchronisation des espèces à répondre à une fonction soit réduite (Wang & Loreau, 2014). Autrement dit, une grande biodiversité permettra de répondre à plusieurs besoins fonctionnels des espèces de la communauté et stabilisera le fonctionnement de l’écosystème.

Il existe de nombreux indices de biodiversité en écologie microbienne. Parmi tous ces indices, on retrouve dans plusieurs articles la richesse spécifique, l’hétérogénéité de Shannon, l’exponentielle de Shannon, Simpson et la réciproque de Simpson pour mesurer la richesse taxonomique (Tableau 2.2) (Delgado-baquerizo et al., 2016; Colombo et al., 2016; Hill, 1964). La diversité phylogénétique est aussi importante à mesurer et se fait à l’aide de la construction d’un arbre phylogénétique (Delgado-Baquerizo et al., 2016).

L’indice de l’hétérogénéité de Shannon (H’) est régulièrement utilisé dans la littérature portant sur la relation BEF avec les micro-organismes (Delgado-Baquerizo et al., 2016; Li et al., 2019; Delgado-Baquerizo, Reith, et al., 2018). Elle permet de calculer la diversité spécifique d’un milieu donné (Éq. 1) et d’obtenir une mesure de l’hétérogénéité de la biodiversité d’une parcelle (Spellerberg et Fedor, 2003). Plus l’abondance des espèces est semblable dans les parcelles, plus la valeur de Shannon sera élevée. Au contraire, si l’abondance est très inégale H ‘ tendra vers zéro.

L’ une des limites importantes de ces deux indices de diversité microbienne se retrouve au niveau du dénombrement des OTUs. Comme mentionné précédemment, le nombre d’OTUs retrouvé dans un échantillon ne peut pas être considéré comme un nombre d’individus, bien qu ‘ il soit toutefois discuté et utilisé ainsi dans la littérature. Afin de pouvoir obtenir un nombre effectif d’espèces, c’ est-à-dire d’obtenir une mesure continue et non pas un compte d’individus, il est préférable d’ utiliser comme indice l’ exponentielle de l’ entropie de Shannon, la réciproque de l’indice de Simpson ou bien tout simplement la richesse spécifique (Hill, 1964).

La diversité bêta (β) 

Le taux de renouvellement des espèces entre sites d’une région, ou diversité β, indique à quel point un site partage les mêmes espèces que les autres sites de la région. Il définit ainsi la spécificité d’une communauté au sein d’une région. Plus le taux de renouvellement sera élevé, plus la communauté aura un caractère unique au sein de la région. Tout comme la diversité a, la diversité β est calculée avec le nombre d’espèces et l’abondance, mais permet toutefois de comparer la variation au sein de ces assemblages (Mori et al., 2018). Récemment, des études ont démontré que la diversité β était importante afin de pouvoir moduler la multifonctionnalité (Grman et al., 2018; Hautier et al., 2018) et que ce taux de renouvellement pourrait stabiliser les dynamiques écosystémiques régionales (Arago et al., 20 Il ; Wang & Loreau, 2014).

Récemment, Mori et al. (2018) ont réalisé une synthèse de mécanismes et processus par lesquels la diversité β pourrait avoir des effets sur la multifonctionnalité des écosystèmes. On retrouve en premier lieu les processus déterministes qui impliquent de tenir compte de l’ajustement des espèces selon leurs caractéristiques aux différents habitats présents dans un milieu. Il y a par la suite les processus stochastiques qui sont principalement reliés à l ‘histoire évolutive des régions et qui vont faire varier la diversité d’une région à une autre. Afin de comprendre comment ces mécanismes diffèrent entre la diversité a et la diversité β , il est important de se rappeler que la β représente la différence entre les parcelles entre les espèces de micro-organismes. Dans des parcelles très homogènes entre elles (faible diversité β ) , un milieu donné possèdera plusieurs espèces abondantes qui sont des généralistes et seront sensiblement les mêmes d’une parcelle à une autre. À forte diversité , les espèces généralistes-spécialistes pourraient diverger entre parcelles, mais ce sont surtout les espèces rares qui sont davantage spécialistes des micro-écosystèmes qui risquent d’être unique à l’écosystème de la parcelle et d’élever la diversité β . Plus la communauté d’une parcelle s’éloignera de la communauté de la parcelle « moyenne », plus il y a de chance que cette dernière puisse réaliser de fonctions ou des fonctions différentes des parcelles moyennes.

De plus, on retrouve le phénomène de dispersion des micro-organismes dans les différents environnements où une diversité β élevée proviendrait d’un milieu où il y a beaucoup d’ espèces spécialistes. Sriswasdi et al. (2017) ont réussi à bien illustrer ce phénomène évolutif. En effet, prenons un milieu donné séparé d’un deuxième milieu par des barrières environnementales; Dans chacun de ces milieux habite une communauté microbienne spécialiste de son environnement. Par les phénomènes d’évolutions, de ces spécialistes pourrait émerger des généralistes capables de se disperser au-delà des barrières environnementales existantes entre les deux milieux. Ces généralistes pourront coloniser plusieurs milieux et à leur tour devenir spécialistes d’ un milieu. Ce cycle permet  ainsi d’introduire beaucoup d’espèces dans plusieurs types d’habitats (Sriswasdi et al., 2017).

Ainsi, la diversité β peut jouer sur le fonctionnement écosystémique principalement VIa le mécanisme de complémentarité qui permet une différenciation entre les communautés microbiennes. Les espèces rares qui permettraient une telle différenciation (hétérogénéité vs homogénéité) vont ainsi permettre une meilleure captation et utilisation des nutriments disponibles. Il est toutefois possible qu’ avec l’effet de sélection environnementale, une communauté diffère des autres parce qu’elle contient des espèces abondantes généralistes et généralistes-spécialistes très différentes des autres communautés.

Les différents mécanismes et processus décrits ci-dessus sont importants au niveau de la stabilisation des écosystèmes. En effet, il existe différents milieux au sein d’un même écosystème et ces derniers peuvent être à un stade de développement différent des uns aux autres. Les organismes présents sont donc adaptés à l’âge et au stade de développement actuel de leur milieu de vie plutôt qu’à celui de l’écosystème global. Une étude réalisée en 2019, à l’aide de la métagénomique, on réussit à démontrer l’importance de la diversité β sur la multifonctionnalité puis les auteurs expliquent leurs résultats à l’aide des différentes notions présentées ci-dessus (Almoyna et al., 2019 ) .

Table des matières

CHAPITRE 1 INTRODUCTION
1.1 Problématique
1.2 Objectifs détaillés et prédictions
1.3 Références
CHAPITRE II ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE
2.1 La multifonctionnalité et ses indices
2.2 Biodiversité microbienne
2.2.1 Les champignons
2.2.2 Les bactéries
2.3 Indices de biodiversité microbienne
2.3.1 La diversité alpha (α)
2.3.2 La diversité bêta (β )
2.4 Description de 1 ‘habitat
2.5 Potentiel hydrogène (pH), redox (Eh) et fonctions écologiques
2.6 Potentiel hydrogène, biodiversité et théorie du pool d’espèces régional
2.7 Références
CHAPITRE III – ARTICLE SCIENTIFIQUE 1 BOREAL FOREST MUL TIFUNCTIONALITY IS PROMOTED BY LOW SOIL ORGANIC MATTER CONTENT AND IDGH REGIONAL BACTERIAL BIODIVERSITY IN NORTH-EASTERN CANADA
3.1 Contribution des auteurs
3.2 Résumé de J’article
3.3 Article complet en anglais: Boreal forest multifunctionality is promoted by low soil organic matter content and high regional bacterial biodiversity in VB North-Eastern Canada
Abstract
Introduction
Materials and methods
Study sites
Forest polygons Sampling
Abiotic measurements
Ecosystem functions
Extraction and PCR amplification
Multifunctionality and microbial diversity indexes
Statistical analysis
Results
Dimensions of the ecosystem functioning
Response of ecosystem functioning dimensions to microbial
biodiversity
Causal effects of biodiversity and environ ment on ecosystem
functioning
Microbial biodiversity and the multifunctionality of boreal forests
Discussion
Multifunctionalityand microbial diversity
A predominant role of the environment on ecosystem
multifunctionality
Environmental role in determination of microbial biodiversity
Conclusion
Supplementary Materials
References
CHAPITRE IV AUTRES ASPECTS DU PROJET ET CONCLUSION

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