LA NATURE ET L’AMPLEUR DU SUICIDE
Afin de mieux comprendre le phénomène du suicide, nous présenterons quelques données sur l’évolution du suicide au Canada et au Québec, selon le sexe et les différents groupes d’âge.
L’évolution du taux de suicide
L’acuité du problème du suicide, surtout chez les jeunes, préoccupe la population et les intervenants dans le domaine de la santé et des services sociaux. En 1983, le Québec présente le troisième plus haut taux de suicide au Canada se situant à 18,5/100 000 habitants (Caron et al., 1993 : 8) et devient le taux le plus élevé parmi les dix provinces canadiennes, soit 17,1 pour 100 000 habitants, pour l’année 1985 (Lavoie et al., 1990: 3). Les décès par suicide l’emporte sur toutes les autres causes de décès quant au nombre d’années potentielles de vie perdues. De plus, le taux des décès par suicide a augmenté d’une façon effarante au Québec (Kouri, 1990 : 1). Selon Boyer (1991 : 234), le suicide a plus que triplé au cours des trois dernières décennies, passant de 5/100 000 habitants en 1960 à 18/100 00 habitants en 1987 (Graphique 1.1 «Taux de suicide selon le sexe, pour les personnes âgées de 10 ans et plus, Québec, 1960-1987).
Chez les hommes, ce taux a fait un bond de 370 % (J,7/100 000 habitants en 1960 à 28/1 00 000 habitants en 1987). Chez les femmes, le taux de décès par suicide est beaucoup moins élevé, même si une croissance similaire a été observée (350 %), se situant à 2,2/100 000 en 1960 et à 7,7/100 000 en 1987. Depuis 1979, le taux de mortalité par suicide chez les hommes a progressé de 24 % alors que celui des femmes a diminué de 5% (Boyer, 1991 : 234). Le rapport entre le taux de suicide des hommes et celui des femmes s’accroit d’année en année, passant de 3,0/1 00 000 au cours de la période 1975-1979 à 3,7/100 000 en 1987, toujours selon Boyer (1991).
Les décès par suicide chez les jeunes
la hausse du taux de suicide chez les jeunes, entre 15-24 ans au Québec, est particulièrement frappante. Cette augmentation, observée par Charron jusqu’en 1979, a continué de progresser jusqu’en 1987 (Boyer, 1991 : 234). D’après L.avoie et al. (1990 : 3), les décès par suicide, pour ce groupe d’âge, se situent au deuxième rang de l’ensemble des causes de décès, après la mortalité par accident de la route. Selon ces derniers, le taux a été multiplié par 9 entre 1950 et 1979-1980 passant de 1,9 à 17,1 pour 100 000 habitants et ce, toujours pour les 15-24 ans. Les deux graphiques présentés par Boyer (1991 : 236, 23n s’appuyant sur les données de Statistique Canada (198n illustrent cette augmentation des taux de suicide, d’abord chez les hommes (Graphique 1.2 «Taux moyen de suicide pour les hommes âgés de 10 ans et plus, Québec, 1960 à 1987») et chez les femmes (Graphique 1.3 «Taux moyen de suicide pour les femmes âgées de 10 ans et plus, Québec, 1960-1987»), À partir de ces graphiques, Boyer (1991 : 234) fait remarquer l’augmentation progressive des taux de suicide selon l’âge, chez les hommes, pour les années 1960-1964 et 1965-1969. Par contre, l’auteur souligne que toutes les périodes entre 1970-197 4 et 1985-1987 sont chacune marquées par un accroissement très rapide du taux de suicide et ce, jusqu’à 24 ans.
Par ailleurs, Boyer (1991} signale, tel qu’on peut le voir au Graphique 1.3 ••Taux moyen de suicide chez les hommes âgés de 10 ans et plus, Québec, 1960-1987• que le taux de suicide, selon l’âge chez les femmes, ne révèlent pas cette progression du taux de mortalité observé chez les hommes de 15 à 24 ans.
Si on se penche plus spécifiquement sur les 15-19 ans, les données disponibles au Bureau du Coroner pour les années 1978-1987, le recensement des écrits effectué par I’A.Q.S. (1990 :11) révèle que le taux québécois de suicide pour ce groupe d’âge, dépasse le taux national de suicide, pour cette même période (de 9,8 en 1978, il passe à 17,9 en 1987, alors qu’au Canada, il passe de 12,0 en 1978 à 12,8 en 1987) comme le démontre le prochain graphique.
Les 15-19 ans se situent au septième rang en 1987, par rapport aux autres provinces canadiennes pour cette même tranche d’âge (Hanigan, 1987 : 9). Ce groupe d’âge se trouve derrière les Territoires du Nord-Ouest (56,6), le Yukon (52,6), le Manitoba (15,4), l’Alberta (14,4), la NouvelleÉcosse (13,6) et la Saskatchewan (13,5). Selon les données du Bureau du Coroner de Québec, publiées en 1992 pour l’année 1989, le pourcentage de suicide chez les 15-19 ans représente 7,5 % de l’ensemble des suicides du Québec pour cette même année alors que les 20-30 ans en génèrent 24 %, les 35-44 ans, 22,9 % et les 45-64 ans 25 % (Caron et al., 1993 : 9). Malgré un taux moins élevé chez les 15-19 ans que chez les autres groupes d’âge, Pronovost (1990) souligne que les 15-19 ans accusent la plus importante augmentation (taux de 7,1 en 1976 et de 15,4 en 1986), les taux ayant doublés en dix ans ce qui représente un décès sur cinq survenu pour ce groupe d’âge, dans cette même période.
Hanigan (1987 : 11), dans sa synthèse critique concernant le suicide des jeunes, attire toutefois l’attention sur les groupes d’âge de 5-10 ans et les 10-14 ans, lesquels groupes sont peu mentionnés dans la littérature. Les taux de suicide seraient relativement faibles, d’après cette auteure, ce qui correspond aux données du ministère de la Santé et du bien-être social Canada (1985). En effet, les statistiques publiés en 1981 établissent le taux à 1,0/100 000 habitants chez les 5-10 ans. Chez les 10-14 ans, le taux québécois de décès par suicide, en 1985 était de 1,4/100 000 habitants. Toujours selon Hanigan (1987), le Québec ne possède pas de statistiques récentes et, de ce fait, il est difficile de connaître l’ampleur et la progression des décès par suicide chez ces deux groupes d’âge.
Les données précédentes permettent de constater que le décès par suicide est une réalité tangible chez les adolescents du Canada et du Québec. Les 15-19 ans se situent au dernier rang parmi l’ensemble des décès par suicide au Québec, mais ils ont par contre enregistré la plus importante augmentation parmi les autres groupes d’âge sur une période de dix ans. Ceci témoigne de l’importance des décès par suicide chez les adolescents.
INTRODUCTION |