La formation des adultes
Afin de préciser davantage le contexte dans lequel s’ inscrit la recherche, il semble essentiel d’ identifier en premier lieu les différentes caractéristiques de celui qui sera nommé adulte ou apprenant adulte. En effet, ce dernier est distinct de l’ étudiant majeur inscrit en formation initiale à l’université qui a un rapport aux études dit « traditionnel » parce qu’il s’investit exclusivement dans ses études et suit un « cheminement ininterrompu, linéaire et collé à la structure éducative nationale» (CSE, 2013, p.I2). L’ apprenant adulte est donc identifié comme toute personne âgée de plus de 24 ans, engagée sur le marché du travail, avec des responsabilités familiales et diverses obligations qui le contraignent, la plupart du temps, à étudier à temps partiel (ACDEAULF, 2012 ; CSE, 2013). Compte tenu de ses différentes obligations et responsabilités, l’apprenant adulte n’ est pas exclusivement engagé dans ses études universitaires, il a donc un rapport aux études dit « non-traditionnel» (CSE). Ce rapport non-traditionnel aux études se retrouve notamment dans le fait que l’apprenant adulte est généralement inscrit à des cours dispensés le soir ou les fins de semaine pour pouvoir concilier plus facilement l’ensemble de ses obligations personnelles et professionnelles.
De plus, contrairement aux étudiants aux profils plus traditionnels qui visent l’obtention d’ un diplôme universitaire, l’apprenant adulte aspire plus souvent à se développer d’un point de vue personnel ou professionnel, sans obligatoirement souhaiter obtenir un diplôme universitaire (ACDEAULF ; CSE). Ainsi, malgré son parcours de formation discontinu, l’ apprenant adulte a minimalement terminé ses études secondaires, voire obtenu un diplôme d’études collégiales ou universitaires, eu une expérience professionnelle plus ou moins longue, et ce, avant de se réinvestir dans une formation universitaire (ACDEAULF/ICEA, 2013 ; CSE, 2013). Qu’ il soit salarié actif, en reconversion professionnelle ou parent désireux de reprendre des études, c’ est donc cet apprenant adulte, au rapport nontraditionnel aux études, qui est le coeur de la présente recherche doctorale.
En second lieu, il convient d’ expliciter ce qui est entendu par formation des adultes. La formation des adultes tend à privilégier un renouvellement rapide du niveau de qualification des adultes, dans un monde où les changements socioéconomiques de plus en plus rapprochés amènent les adultes à acquérir de nouvelles compétences régulièrement, et ce, alors qu’ ils sont déjà sur le marché du travail (ACDEAULF, 2012). Qu’ ils soient employeurs ou employés, tous doivent donc répondre rapidement aux nouvelles réalités et aux nouvelles exigences du marché du travail (ACDEAULF/ICEA, 2013). Ce faisant, les formateurs d’adultes doivent connaître au mieux le monde du travail puisque la formation est un moyen nécessaire et incontournable pour aider les adultes à améliorer leurs compétences. À cet égard, il semble que la formation la plus pertinente serait déterminée par l’ adulte qui l’ entreprend lui-même (Besnard, 1974) en plus d’ être orientée vers des objectifs spécifiques visant à inculquer un nouveau comportement ou à modifier le comportement déjà ancré non seulement pour le perfectionner, mais aussi pour qu ‘ il devienne le plus uniforme possible (Avanzini, 1996; Glaser, 1962 dans Knowles, 1990; Nadler, 1970 dans Knowles, 1990).
Les enjeux sociaux
Dans un récent rapport, l’UNESCO (2010) identifie la formation des adultes comme essentielle à la transformation économique, politique et culturelle des individus, des communautés et des sociétés du XXIe siècle. Parallèlement, l’évolution à la fois continue et rapide de la société actuelle, basée sur un modèle néolibéral variable selon les pays, est un phénomène contemporain auquel la formation des adultes tente de faire face. Combler les besoins émergeant de cette évolution demande à ce que chacun puisse s’ adapter aux changements, notamment pour maintenir et accroître des entreprises productives et compétitives au rang international. Les nouvelles pratiques organisationnelles, les progrès techniques, le vieillissement de la population et la pénurie de main-d’oeuvre rendent nécessaire le fait que les adultes soient de mieux en mieux formés et de plus en plus ouverts à suivre des formations continues pour actualiser leurs savoirs et répondre aux exigences du marché du travail sous peine de se voir rétrogradés ou congédiés (UNESCO, 2009). Un autre élément important doit être pris en compte : le savoir est aujourd ‘hui perçu comme une ressource clé contribuant à l’évolution des sociétés d’un point de vue économique, culturel et social (ACDEAULF, 2012 ; Carré, 2005; UNESCO, 2009).
En ce sens, le savoir semble ouvrir la voie à un monde au coeur duquel le niveau de scolarisation est essentiel (CSE, 2013), et dans lequel les apprentissages doivent se faire tout au long de la vie. En effet, les apprentissages réalisés seront alors les plus actuels possible, les connaissances théoriques et pratiques évolueront et les individus progresseront à un niveau plus personnel (ACDEAULF ; Carré; UNESCO). Ainsi, une société du savoir impliquerait que l’ adulte soit amené à développer continuellement des compétences (Cosnefroy, 2010). De ce fait, puisque « le processus d’ apprentissage est mobilisé au cours de la vie professionnelle » (Deaudelin, Brodeur et Bru, 2005, p.178), le développement professionnel passe, de nos jours, par un apprentissage continu souhaité par l’ adulte ou son employeur. De plus, l’apprentissage continu semble avoir des conséquences au niveau individuel (employabilité, santé, revenus, bien-être). Par ailleurs, dans une perspective collective, les conséquences économiques (productivité, croissance économique, diminution du taux de chômage, diminution des allocations gouvernementales, réduction des dépenses de santé dans les ménages), sociales (cohésion, capital social, baisse de la criminalité) et politiques (activité citoyenne, participation politique) sont les discours sur lesquels se fonde la légitimité de telles formations (Schneller et Holmerg, 2014 ; UNESCO, 2009). À cet effet, les conséquences nommées, même si elles doivent faire l’objet d’une réflexion critique au vu des modèles socioéconomiques prônés, mettent en évidence le fait que la formation des adultes est un dispositif dans lequel toute société contemporaine semble avoir intérêt à investir, ce, pour s’ assurer de répondre adéquatement aux enjeux sociaux sus mentionnés.
Les enjeux éducatifs
Si d’un point de vue social, il a été établi que la formation des adultes était essentielle dans une société qui évolue dans une perspective internationale, il n’en reste pas moins que des enjeux éducatifs sont eux aussi très présents. L’ adulte qui s’engage dans une formation est généralement un professionnel qui cherche à acquérir des connaissances et des compétences (Moskal, Dziuban et Hartman, 2010), qui vise un certain enrichissement personnel et professionnel ou qui souhaite réorienter sa carrière (CSE, 2013). Sa participation à une formation peut donc être issue d’un désir intrinsèque de se voir évoluer, et en ce sens, elle est volontaire. Toutefois, il ne faut en rien négliger qu’elle peut aussi être issue d’une demande formelle de l’employeur, auquel cas, l’ adulte sera motivé par l’obligation de devoir satisfaire à ses exigences. À cet effet, il convient de spécifier que l’apprenant au profil traditionnel (engagé exclusivement dans ses études) est de plus en plus marginal (CSE, 2013, 2015). Ainsi, il n’est pas inaccoutumé de rencontrer des adultes aux parcours de formation non13 traditionnels dans les milieux universitaires, et ce, quelle que soit leur motivation. Ces derniers étant de plus en plus nombreux, au Québec, en 2013, la faculté d’ éducation permanente de l’Université de Montréal comptait près de 1] 000 apprenants adultes. Parmi eux, 80 % travaillaient, 71 % étudiaient à temps partiel, 20 % étaient en réorientation professionnelle et 57 % étaient motivés par un enrichissement professionnel (ACDEAULF, 2012).
La Haute École de Commerce (HEC) de Montréal, quant à elle, comptait 60 % d’ adultes travaillant à temps plein et ayant près de 6 années d’expérience en milieu de travail (ACDEAULF). Ces chiffres témoignent de l’ampleur du phénomène, mais aussi du fait que l’un des défis majeurs de la formation des adultes est de pouvoir répondre à l’ensemble des besoins d’apprentissage de ces adultes, tout en leur permettant de concilier leurs obligations personnelles et professionnelles. Qui plus est, en sus de cette conciliation, il ne faut pas omettre le fait que les expériences d’apprentissage comme les expériences de travail des adultes teintent leurs attentes quant à la finalité de la formation offerte, mais aussi quant aux moyens qui leur sont proposés pour atteindre leurs objectifs de formation (Lefebvre, Pelchat, Levert et Lefevbre, 2005). Dès lors, les établissements éducatifs proposant des formations aux adultes sont tenus d’adapter tant leur offre de programmes que leurs environnements éducatifs et leurs stratégies d’enseignement, non seulement pour répondre aux exigences personnelles et professionnelles des adultes auxquels sont destinées les formations, mais aussi pour satisfaire leurs attentes quant aux finalités des formations proposées. Ainsi, il est du ressort des pédagogues de trouver des moyens de répondre aux besoins d’apprentissage de ces apprenants particuliers, notamment grâce à des stratégies d’enseignement adaptées.
À cet égard, plusieurs conditions ont déjà été identifiées comme éléments favorisant l’ apprentissage des adultes. En ce sens, il a été démontré que la flexibilité (dans le temps et dans l’espace), l’ individualisation des apprentissages et une communication régulière avec le professeur facilitent la participation des adultes dans une fonnation (Maehl, 2000; Parker, 2010). Il est également suggéré aux enseignants d’ incorporer des situations problèmes et de s’ adresser directement à l’expérience de vie des adultes, de leur laisser l’ occasion de jouer un rôle dans le design de la fonnation, d’établir une relation de respect mutuel, de favoriser la coopération et de proposer un environnement d’apprentissage positif en offrant des rétroactions régulières et constructives aux adultes (Maehl). La participation volontaire, les activités collaboratives, la réflexion critique et l’autonomie sont aussi perçues comme déterminantes pour leurs apprentissages (Gravani, 2012). Enfin, l’environnement d’ apprentissage est essentiel pour assurer une atmosphère propice aux échanges entre apprenants et favoriser ainsi l’atteinte des objectifs d’apprentissage fixés (Phillips, Karatza, Tzikopoulos, 2010).
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