Les contextes nationaux de l’économie sociale
En termes de sémantique et de définition, l’aspect différentiel le plus marquant est la notion d’économie sociale et solidaire qui est largement utilisée en France, le Québec reprenant davantage les notions d’entrepreneuriat collectif et d’économie sociale.
L’économie sociale et solidaire en France
En science politique française, une définition est donnée par Jean-François Draperi, directeur du Centre d’économie sociale du Conservatoire des Arts et métiers : « L’ESS est une organisation économique qui vise l’épanouissement de la personne humaine, qui réunit des groupements de personnes (ayant une activité économique marchande, non-marchande, monétaire ou non-monétaire) adoptant des règles, fréquemment statutaires, traduisant les valeurs de la démocratie. » L’agence Avise, référent national français en méthode d’accompagnement des entreprises d’économie sociale et solidaire (ESS), énonce que « l’Économie sociale et solidaire regroupe un ensemble de structures qui cherchent à concilier utilité sociale, solidarité, performance économique et gouvernance démocratique, avec pour ambition de créer des emplois et de développer une plus grande cohésion sociale. » L’économie sociale française regroupe principalement trois familles : mutuelles, coopératives, associations auxquelles s’ajoutent les « marges » (comité d’entreprise et d’établissement, caisse d’épargne et de prévoyance, organisations culturelles, etc.). Le terme de « Solidaire » a été incorporé par un décret du 22 octobre 2010, incluant dans le champ de l’ESS des initiatives axées vers le développement local, la réinsertion et la lutte contre l’exclusion.
Historique de l’économie sociale et solidaire en France
L’auteur Chateaubriand, dans le roman Atala publié en 1802, utilise en premier la notion « d’économie sociale », c’est-à-dire une façon de concevoir l’économie autre que par le profit. Les mouvements ouvriers du 19e siècle réunis en association, mutuelles et coopératives sont les ancêtres des structures d’ESS. Ils promouvaient parfois des valeurs proches de l’économie sociale, quasiment un « dogme », en réaction au capitalisme naissant de la Révolution Industrielle. L’État français n’a commencé à intervenir dans le social (sécurité sociale etc…) qu’à la fin du XIXe siècle, et c’est donc la société civile qui a porté la première les germes de la future économie sociale et solidaire. La première grande étape dans le développement de l’économie sociale sera la loi du 20 juillet 1983. Le 23 juillet 1984, un corps institutionnel unique et durable pour l’économie sociale et solidaire en France est créé, le Secrétariat d’État chargé de l’Économie Sociale. En 2002, ce Secrétariat deviendra un Ministère avec Benoît Hamon aux commandes, avant de revenir à un Secrétariat en 2014.
Le 6 septembre 2017 le Secrétariat et le Ministère spécifiques s’effacent au profit d’un corps à compétence interministérielle, le Haut-Commissariat à l’Économie sociale et solidaire et à l’Innovation sociale auprès du ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire. Le passage d’un Ministère de l’Économie sociale français à un Haut–Commissariat à compétence interministérielle équivaut à placer le sujet à l’intersection de différents corps ministériels dans le but de lui assigner une certaine transversalité, plutôt que de confier le sujet de l’ESS à un Ministère spécialement dédié.
Tandis que 11 200 entreprises d’économie sociale sont recensées au Québec, il est fait état en France de plus de 200 000 établissements. Comme cela sera développé plus loin, la comparaison des chiffres n’est pas pertinente dans le sens ou les définitions française et québécoise de l’économie sociale diffèrent sensiblement, notamment en termes de champ d’application et des types de structures incluses dans les définitions.
Cadre juridique de l’économie sociale et solidaire en France
La loi de 2014 vient cristalliser le travail de la loi du 20 juillet 1983, dont l’un des apports fut la consécration législative du concept « d’économie sociale, » qui s’impose alors largement en France, comme partout ailleurs en Europe ou dans d’autres pays. Un cadre juridique et fiscal incitatif est par exemple donné aux coopératives d’artisans, d’entreprises de transport et aux coopératives maritimes.
La loi-cadre française fut adoptée sous un gouvernement socialiste, par l’impulsion du ministre Benoît Hamon. L’ESS y est définie comme un « mode d’entreprendre et de développement économique ». Cette loi de 2014 instaure une définition de l’économie sociale, les moyens d’insertion de l’économie sociale dans les politiques publiques, et la détermination des organismes partenaires pour l’élaboration de ces dernières. Elle assigne différents rôles aux institutions politiques et aux acteurs-clefs de l’économie sociale et solidaire. Comme énoncé plus loin, l’échelle régionale est la plus mise en valeur, notamment par l’octroi aux Chambres Régionales de l’Économie Sociale et Solidaire (CRESS) d’un rôle primordial de représentation et d’interface entre les intérêts locaux et les directives nationales. Par exemple, la loi prévoit en son article 8 alinéa 1 la tenue d’une conférence régionale de l’ESS, au moins µ biennale, réunissant acteurs de l’ESS, élus territoriaux et partenaires sociaux. Elle détaille également les critères permettant de déterminer si une organisation peut intégrer le champ de l’ESS, et les formes juridiques qui y sont associées. Les critères français de qualification pour l’ESS sont au nombre de trois : 1) Un but poursuivi autre que le seul partage des bénéfices ; 2) Une gouvernance démocratique, définie et organisée par les statuts, prévoyant l’information et la participation ; 3) a) Les bénéfices sont majoritairement consacrés à l’objectif de maintien ou de développement de l’activité de l’entreprise ; b) Les réserves obligatoires constituées, impartageables, ne peuvent pas être distribuées. Parallèlement à ces critères, une organisation d’ESS en France doit être constituée sous l’une des formes suivantes :
– Coopératives, mutuelles, unions, sociétés d’assurances mutuelles
– Associations et fondations
– Sociétés commerciales respectant statutairement les principes de l’ESS, recherchant une utilité sociale et à adopter des principes de gestion spécifiques.
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