Les croyances normatives chez les adolescents

Les croyances normatives chez les adolescents 

Le motif de consommation le plus fréquent chez les adolescents québécois est la consommation de leurs amis (Dubé, Tremblay et Traoré, 2006). On observe chez eux un fort désir d’affiliation avec les pairs. Ils veulent maintenir leur relation avec ceux-ci et vont parfois adapter leurs opinions et leurs comportements afin d’être acceptés dans le groupe (Collins et Steinberg, 2006). Ils sont donc particulièrement influencés par les comportements de leurs pairs (Brown, 2004; Elek, Miller-Day et Recht, 2006) et préoccupés par l’opinion que leurs amis ont d’eux (Collins et Steinberg, 2006).

Mais qu’en est-il de la justesse de la perception des adolescents quant à la fréquence et l’importance de l’usage de substances chez leurs pairs? Différentes observations indiquent que ces croyances normatives sont souvent erronées chez les adolescents, ceux-ci ayant tendance à surestimer la consommation de leurs pairs (Blevins, Walker, Stephens, Banes et Roffman, 2018; Pedersen et al., 2013). Ces croyances erronées constituent un prédicteur de l’initiation à la consommation (D’Arnico et McCarthy, 2006), d’une plus grande intention d’accepter une offre de consommation (Elek et al., 2006) et [malement, de l’usage de SPA chez les adolescents (D’Arnico et McCarthy, 2006; Eisenberg, Toumbourou, Catalano et Hemphill, 2014; Elek et al., 2006; Epstein, Griffin et Botvin, 2008; Er et al., 2019; Juvonen, Martino, Ellickson et Longshore, 2007; Voogt, Larsen, Poelen, Kleinjan et Engels, 2013; Walker, Neighbors, Rodriguez, Stephens et Roffman, 20 Il; Wu, Swartz, Brady et Hoyle, 2015).

Cette tendance à la surestimation, combinée à une grande sensibilité aux croyances normatives, entraîne donc chez l’adolescent une pression à la hausse, au regard de l’intention d’utiliser les substances diverses. Cibler une modification de ces croyances erronées chez l’adolescent surconsommant des substances pourrait augmenter les probabilités qu’il en réduise l’usage.

Dans le cadre du présent mémoire, l’intervention développée Vise à influer l’intention du jeune à modifier sa consommation par le biais de la modification de ses croyances normatives, plus particulièrement des normes descriptives. Une des stratégies prometteuses pouvant être utilisée pour modifier ces croyances erronées est l’utilisation de la rétroaction normative (RN).

La rétroaction normative 

La RN consiste à donner une rétroaction quant aux résultats à une ou des évaluations. Certains auteurs parlent de rétroaction personnalisée lorsqu’ils incluent de l’information quant à la situation du jeune en comparaison à des seuils cliniques (e. g., consommation cannabis qui est qualifié de légère, modérée ou élevée) (Auer et Griffiths, 2016). Une rétroaction est dite normative lorsqu’on informe l’adolescent sur sa situation, et ce, en le comparant à des normes populationnelles (e. g., on l’informe de son percentile quant à sa fréquence d’usage de cannabis) (Smith, Davis, Ureche et Tabb, 2015). Dans le cadre de ce mémoire, le terme de RN est utilisé puisque la majorité des informations transmises aux participants dans la rétroaction sont de nature normative.

La RN vise à créer une dissonance cognitive. L’inconfort psychologique en découlant motive l’individu à réduire cette incohérence en utilisant différentes stratégies pour y arriver (Festinger, 1957). Selon Miller et Rollnick (2013), la perception d’un écart entre la situation actuelle et la situation souhaitée, qu’ils appellent divergence, s’avère un point de départ au processus de changement chez les clients qui ne sont pas motivés à changer. On tente ainsi d’aider le client à progresser dans sa démarche de changement.

Une des premières études expérimentant l’impact de la RN dans le domaine de l’abus de substances nous vient du groupe de recherche du Projet Match (Miller, Zweben, DiClemente et Rychtarik, 1992), qui a mené plusieurs études dans le cadre de ce projet. Le but de ce projet était de voir si certains sous-groupes de l’échantillon répondaient différemment à trois approches cliniques différentes : une approche cognitivocomportementale, un traitement basé sur les douze étapes, et un traitement ayant pour approche l’augmentation de la motivation (Motivational Enhancement Therapy – MET) .

La MET est l’utilisation de la RN intégrée à des entretiens motivationnels (Miller et Rollnick, 2013). Dans cette première version de la MET, cela consistait en quatre rencontres manualisées avec le client, lors desquelles la RN était utilisée à la première et à la deuxième rencontre. L’une des études du projet MATCH révèle que les participants présentant une faible motivation à changer et qui ont reçu des interventions de type MET, avaient plus de jours d’abstinence que les participants ayant reçu des interventions de type cognitivo-comportemental (Diclemente, Carbonari, Zweben, Morrel et Lee, 2001).

Après cette première expérimentation, la RN a été étudiée à maintes reprises aux États-Unis, mais sans nécessairement recourir à la procédure de la MET. L’utilisation de la RN a été étudiée auprès d’étudiants universitaires ou collégiaux, et ce, dans différents contextes. Les études témoignent de son efficacité pour la modification des croyances (Neighbors, Larimer et Lewis, 2004), mais aussi pour la modification de comportements, dont la réduction de la consommation d’alcool (Cronce et Larimer, 2011; Dotson, Dunn et Bowers, 2015; Larimer et Cronce, 2007; Larimer et al., 2007; Neighbors et al., 2004; Walters et Neighbors, 2005).

Quant à la RN auprès des adolescents, son utilisation semble plutôt intriquée parmi un ensemble de stratégies d’interventions ou d’autres approches thérapeutiques (e.g. Martin et Copeland, 2008; Schulte, Monreal, Kia-Keating et Brown, 2010). Peu d’études menées auprès d’adolescents se sont penchées sur les effets spécifiques de la RN en contexte d’intervention individuelle sur les composantes de la AAR, plus particulièrement sur les croyances erronées et l’intention de modifier sa consommation.

Malgré le peu d’étude, certaines ont révélé qu’après avoir reçu une RN, des adolescents avaient modifié leurs croyances erronées (Agostinelli et Grube, 2005; Thush et al., 2009). Dans l’une de ces études, bien que les croyances avaient été modifiées, la RN n’avait cependant pas eu d’impact sur la motivation des adolescents à changer leur consommation (Thush et al., 2009), cela étant en contradiction avec le modèle de la AAR. Une autre étude chez les adolescents révèle quant à elle une diminution de la volonté de changer à la suite de la RN, ces résultats étant cependant non significatifs (Smith et al., 2015a).

Bien qu’une diminution non-significative de la motivation fut observée à la suite de la RN, il est étonnant de constater que les participants de ce même échantillon aient tout de même diminué leur consommation (Smith, Ureche, Davis et Walters, 2015). D’autres chercheurs ont également observé chez des adolescents une diminution de la consommation à la suite d’une RN (Spijkerman et al., 2010; Davis et al., 2015). Quant à eux, Davis et ses collègues (2015) concluent que la RN est efficace pour la diminution de la consommation, mais seulement chez les jeunes qui sont initialement motivés à modifier leur consommation.

Table des matières

Chapitre 1 : Introduction générale
Portrait de la situation au Québec
L’ approche de l’action raisonnée
Les croyances normatives chez les adolescents
La rétroaction normative
Évaluation de la consommation des adolescents en milieu scolaire
Objectifs de recherche
Développement de la rétroaction normative
Contenu de la rétroaction normative
Déroulement
Formations des intervenants
Intégration de la rétroaction normative à la pratique clinique
Chapitre 2: Article scientifique
Abstract
Introduction
Methodology
Recruitment
Sample
Procedure
Analysis approach
Results
Really? Are you sure?
l’ve gone too far
1 am okay
1 want to take more drugs than the others do
Other results drawn from the students’ comments
Expressions ofmetacognition
The social work team’s viewpoint
Interventi on sequence
Digitalization of the NF measurement tool
Discussion
Study limitations
Conclusion

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *