LES ENJEUX DE L’IMMIGRATION ECONOMIQUE AU CANADA ET AU QUEBEC
L’immigration est un important vecteur de diversification économique et culturelle du Canada, tant le pays est bâti sur des vagues successives d’immigrants. Comme l’ont constaté Evra et Prokopenko (2018, p. 13), « la proportion des Canadiens nés à l’étranger a augmenté, passant de 14,7 % en 1951 (2,06 millions de personnes) à 21,9 % en 2016 (7,5 millions de personnes) ». Cela indique à quel point l’immigration gagne en ampleur d’année en année au Canada.
Autrefois fondés sur des critères ethno-raciaux, les systèmes de sélection des immigrants ont évolué avec le temps. Aujourd’hui, le capital humain des candidats à l’immigration devient le critère essentiel d’admissibilité. Il est évalué à travers l’instruction, la qualification professionnelle ainsi que la compétence linguistique (Piché, 2003 : voir Beaublanc, 2019). Non seulement cela a aidé à l’abolition des discriminations raciales (Boudarbat & Grenier, 2014), mais aussi à l’enrichissement des forces économiques du pays par la diversité. Ayant ainsi pris corps au niveau fédéral depuis les années 60, cette vision se déclinera plus tard au niveau provincial du Québec.
C’est au travers de l’accord Cullen-Couture des années 70 ainsi que de l’accord Gagnon-Tremblay-McDougall de 1991, que le Québec a obtenu de la part du gouvernement fédéral, des pouvoirs élargis en matière de sélection de ses immigrants économiques. La compétence ainsi partagée a permis à la Province de poursuivre en matière d’immigration, ses propres intérêts économiques, démographiques et culturels (Boudarbat & Grenier, 2014; Reichhold & Jacob, 2012).
En fait, le Québec, outre le double défi de la prospérité économique et du « redressement démographique », trouve en l’immigration, un moyen de garantir la «pérennité du fait français » (Morin, 2015). Cela se comprend par la quête du maintien de l’identité francophone, encore minoritaire sous la domination de l’anglais à l’échelle nationale, voire continentale. Dans ce contexte, l’accueil de jeunes francophones hautement qualifiés devient un plan de court mais aussi de long-terme pour la Province. En fait, intégrées dans la société québécoise, ces personnes participent d’une part au renforcement de l’identité francophone, et d’autre part au développement économique en occupant des emplois, en consommant des biens et services, et en payant des taxes (Boudarbat & Ebrahimi, 2016). On comprend donc que les proportions d’immigrants reçues au Québec ne cessent de croître d’année en année .
INVENTAIRE DES IMMIGRANTS ECONOMIQUES AU QUEBEC
La législation canadienne reconnaît trois grandes catégories d’immigrants permanents : le regroupement familial, les réfugiées et catégories assimilées et enfin l’immigration économique (Beaublanc, 2019). Toutes ces catégories confondues, les immigrants proviennent de pays de naissance très diversifiés. En 2017, au niveau provincial du Québec, on compte dans l’ordre d’importance proportionnelle : la Chine (9.8%), la France (8.6%), la Syrie (7%), l’Inde (6.3%), l’Algérie (4.7%), la Philippine (4.4%), le Maroc (3.8%), Haïti (3.7%), l’Iran (3.6%), le Cameroun (3.6%) alors que l’ensemble des autres pays de provenance confondus font 44.5% (Institut de Statique Québec, 2018).
La catégorie dominante est celle de l’immigration économique. En 2014, sur les 260 411 personnes reçues au Canada, 63.4% sont de la catégorie économique (Dioh & Racine, 2017) . Au Québec, le chiffre total d’admis s’élève à 49 024 personnes en 2015, dont 61,1% dans la catégorie de l’immigration économique (MIDI, 2015) . En 2017, sur 52 388 immigrants reçus dans la Province, 30262 sont également de cette catégorie (Institut de la Statistique Québec, 2018) . Ils représentent ainsi à eux seuls près de 58% de la population immigrante, contre 50.6% au début des années 2000.
Sur le plan qualitatif, l’accent est souvent mis sur le niveau de qualification des nouveaux arrivants. C’est connu que la population immigrante est en moyenne plus qualifiée que la population native, et que ce taux va en progressant (Boudarbat & Ebrahimi, 2016). Déjà en 1999, 45% des immigrants arrivèrent avec un diplôme postsecondaire, contre seulement 20% en 1980 et 29% en 1990 (Thompson, 2000). En 2001, 60% des immigrants en âge de travailler détenaient un diplôme post secondaire, contre 44% chez les natifs (Viprey, 2003). En 2006, les Immigrés au Québec étaient 51% à détenir un diplôme de premier cycle universitaire, contre seulement 15,4% en 1981 (Boudarbat & Boulet, 2010). En 2008, on constate que plus de 60% de ces populations arrivées au Québec parlaient déjà le français. La francisation étant désormais intégrée comme un volet stratégique du ministère en charge de l’immigration, les immigrants non francophones à l’arrivée trouvent de l’appui linguistique et deviennent opérationnels en français lors de leurs premières années d’installation.
Par ailleurs, la possibilité offerte aux résidents temporaires d’accéder à la résidence permanente par le biais du Programme de l’Expérience Québécoise (PEQ) semble améliorer la qualité des populations immigrantes sur le marché du travail. La résidence temporaire paraît en fait comme une démonstration probatoire de la capacité du futur résident permanent à s’intégrer sur le marché du travail québécois. Les étudiants internationaux – qui constituent la plus grande partie de cette catégorie – font preuve d’un niveau d’études et de langue satisfaisant en obtenant un diplôme post-secondaire complété en français. Selon le Ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI, 2018) , le nombre d’étudiants étrangers de tous les niveaux d’études confondus est passé de 26 040 en 2012 à 38 205 en 2017.
Depuis sa mise en route en 2010, le PEQ a permis à de nombreux immigrants temporaires d’obtenir le Certificat de Sélection du Québec (CSQ), puis la résidence permanente au Canada (Beaublanc, 2019; Boudarbat & Boulet, 2010). Il est important de rappeler que ce programme est actuellement en cours de révision, et pourrait connaître d’importantes modifications au cours des années à venir. D’après le gouvernement, ces changements permettraient de mieux faire face aux difficultés d’intégration des immigrés au marché du travail québécois. En voici d’ailleurs quelquesunes.
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