Le fonctionnement du réseau internet est basé sur le principe « end-to-end » ou « bout en bout », et c’est pour cette raison qu’il est qualifié de neutre. Ainsi, les données circulent sur le réseau sans altération, sans tri et sans égard à leur contenu. Ces informations sont transmises selon la règle du best effort, qualifiable d’obligation de moyen : chaque maillon du réseau fait de son mieux pour transporter les données, sans se soucier de leur contenu ou de leur destination. L’appellation « couche réseau » désigne cette particularité de l’internet, où chaque connexion peut donc communiquer librement avec toutes les autres. La « couche usages » (parfois appelée couche application) utilise la « couche réseau » sans que celle-ci lui impose des contraintes. Il est primordial d’insister sur le fait que c’est la couche réseau qui est neutre et non la couche usages : la couche réseau permet de faire circuler les données alors que la couche usages connaît des évolutions constantes et est gouvernée par le libre-arbitre des utilisateurs de l’internet. Toute forme d’intelligence, mise à part celle indispensable à la transmission des informations, est absente de l’intérieur du réseau et se trouve uniquement à ses extrémités. Cette intelligence, en marge du réseau, est à la fois liée à la conception des programmes qui y transportent des données mais aussi à l’attitude de ceux qui les utilisent. En résumé, « la neutralité d’un réseau renvoie à l’idée que d’un point de vue technique, toutes les données sont transportées et traitées de la même manière, de leur point d’origine jusqu’à leur destination finale ». Cette constatation émane d’une Request for Comments, le mode d’élaboration des normes techniques qui régissent l’internet. La conception du réseau pointe la connectivité comme objectif central et comme dénominateur commun de chacun des protocoles qui ont été créés grâce à cette méthode. En effet, les protocoles de base, TCP/IP, ont la faculté de s’adapter à tout moyen de transmission, qu’il soit filaire, radio ou terrestre. Le concept de NI dépeint le mode de fonctionnement de cet environnement.
LA NI AU SENS JURIDIQUE
Le concept de neutralité juridique provient du domaine technique et est né en 2003 de la plume de Tim Wu, professeur de droit à l’Université de Virginie. Il définit la NI de la façon suivante : « La NI est mieux définie comme un principe de conception du réseau. L’idée est qu’un réseau public d’informations le plus utile possible aspire à traiter tous les contenus, sites et plateformes de manière égale. Cela permet au réseau de distribuer toute forme d’information et de supporter tous types d’application. » Le droit n’est intervenu qu’une fois que la pérennité de la neutralité technique s’est trouvée menacée. La première menace pour la pérennité de la NI réside dans l’asymétrie grandissante des échanges. Les FAI considèrent que leurs abonnés et les diffuseurs de contenus en ligne devraient apporter une contribution financière afin que la transmission de données s’effectue de manière optimale. Ainsi, Edward Whitacre, l’ancien directeur général d’AT&T, avait déclaré à ce propos : « ils souhaiteraient à présent utiliser mon réseau gratuitement, mais je ne les laisserai pas faire parce que nous avons investi du capital et nous devons en tirer des bénéfices. Alors il va y avoir un mécanisme pour ces gens qui se servent de ce réseau afin qu’ils paient pour la part qu’ils utilisent ».Une interférence entre la couche réseau et la couche usages apparaitrait alors et la NI s’en retrouverait compromise, vu que les données seraient traitées de manière différente en fonction de leur origine. Quant aux services gérés, qui sont des services autres que l’accès à l’internet, comme la téléphonie, la télévision sur IP ou encore la fourniture d’un accès à un réseau privé virtuel, ils entrainent un système d’administration du trafic différent du best effort, malgré que ces services utilisent la bande passante du réseau internet. D’aucuns craignent donc que ces services gérés absorbent l’internet neutre. Dans le même temps, le développement de l’internet par données cellulaires progresse également et devient une menace supplémentaire pour le futur de la NI, étant donné que le nombre de fréquences constituant le spectre radiofréquence est limité.
QUELQUES DÉFINITIONS PLUS PRÉCISES DU CONCEPT DE NI
LE PRINCIPE D’INTERDICTION DE BLOCAGE
Un FAI doit offrir à tous ses clients un accès à l’ensemble des sites légaux présents sur internet ainsi qu’à tous les services et applications. Ainsi, le blocage consiste, dans le chef du FAI, à dresser un obstacle entre un utilisateur final et un diffuseur de contenus en ligne, que ce soit dans un sens ou dans l’autre ou même dans les deux sens. C’est un des principes les moins controversés de la NI tant il est difficile de justifier le blocage pur et simple d’un site internet, même quand ce blocage n’est pas catégorique, étant donné la distorsion de concurrence patente qu’il engendre entre les entités bloquées et celles qui ne le sont pas. Cette interdiction de bloquer du contenu spécifique ou des types de contenus spécifiques figurait parmi les quatre « libertés du web » énoncées en 2004 par Michael Powell alors qu’il était directeur de la FCC aux EtatsUnis.
LE PRINCIPE D’INTERDICTION DE DISCRIMINATION EN FAVEUR DES CONTENUS INTÉGRÉS VERTICALEMENT
Une autre pratique qu’il convient de prohiber afin de sauvegarder la NI consiste, pour un FAI, à avantager ses services intégrés verticalement. Comme exemple, on peut citer la discrimination par un FAI entre des diffuseurs de contenus tiers et ses propres contenus. Cette pratique consiste, notamment, pour un FAI qui propose des services de VoIP, à bloquer un FS VoIP tiers, tel que Skype. Une telle pratique a fait l’objet d’un cas devant la FCC : Madison River, un petit opérateur américain, bloquait prétendument les ports utilisés par les applications de VoIP. Une autre forme de discrimination de ce type est le ralentissement du trafic lié aux services VoIP d’un fournisseur tiers, et non de ses propres services VoIP, par un FAI.
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