Détermination de l’influence de différentes teneurs en oxygène

L’hypoxie en milieu aquatique 

L’oxygène dissous (00) est un des paramètres physico-chimiques important pour la croissance, la reproduction et la survie des organismes aquatiques (Diaz et al. 2009). Dans le milieu aquatique, diverses sources contribuent à l’apport d’oxygène : la diffusion atmosphérique, la photosynthèse phytoplanctonique et le mouvement des masses d’eau, ce dernier permettant surtout un mélange de 1’00 vers les couches profondes de la colonne d’eau (Diaz 2001). Dans les environnements marins et côtiers, aucun autre paramètre d’importance écologique n’a changé aussi drastiquement au cours des dernières décennies, ce changement conduisant parfois à l’apparition généralisée d’hypoxie (Diaz 2001).

Les phénomènes hypoxiques sont principalement observés dans les estuaires et les régions côtières (Diaz 2001). En effet, dans ces milieux, la stratification verticale de la colonne d’eau limite les échanges entre les eaux profondes et celles de surface mieux oxygénées (Diaz et al. 20 Il). L’ hypoxie naturelle est accentuée par l’eutrophisation due en partie aux apports anthropiques de nutriments (phosphore et nitrate principalement) (Gilbert et al. 2005). L’eutrophisation entraine une prolifération excessive du phytoplancton à la surface . Celui-ci chute éventuellement dans la colonne d’ eau, puis se dépose sur le fo nd . La dégradation de cette matière organique via la décomposition bactérienne réduit la disponibilité en OD dans les eaux profondes. Outre l’eutrophisation , l’augmentation de la température de l’eau provoquée par les changements climatiques accroît la demande en OD des organismes (Harris et al. 2006), réduit la solubilité de l’oxygène (Carpenter 1966) et la ventilation des eaux côtières en affectant les patrons de stratification (Stow et al. 2005). Cet accroissement des activités anthropiques et des changements climatiques globaux amplifie ainsi la fréquence et l’ étendue des phénomènes d’hypoxie (Richmond et al. 2006). L’hypoxie est un phénomène commun dans la mer Baltique, la mer Noire, le golfe du Mexique, l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent (EGSL) (Plante et al. 1998; Tomkiewicz et al. 1998; Rabalais et al. 2002).

L’hypoxie dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent (EGSL) 

Le système du Saint-Laurent (estuaire et golfe) compte parmi les écosystèmes où le niveau d’OD est inférieur à 100 %sat dans les eaux profondes. Au niveau de l’ estuaire et du golfe de Saint-Laurent, les eaux profondes (> 200 m) ont un taux de saturation en OD inférieur à 65 %sat (Gilbert et al. 2005). Les niveaux d’oxygène diminuent dans le détroit de Cabot, avec des teneurs de 50 à 60 %sat, à environ 20 à 30 %sat dans l’ estuaire (Thibodeau et al. 2006). Le golfe du Saint-Laurent reçoit à la fois les eaux froides et oxygénées du courant du Labrador et avec une plus grande proportion, celles provenant du Gulf Stream, qui sont chaudes et peu oxygénées (Gilbert et al. 2005). Ces eaux progressent dans le chenal Laurentien et le golfe en direction de l’estuaire. Tout au long de leur parcours, elles s’appauvrissent en OD suite à la respiration des organismes et à la décomposition bactérienne de la matière organique (MO) (Gilbert et al. 2005). Ce phénomène s’est accentué entre les années 1930 et 1980 suite aux changements survenus dans la contribution du courant du Labrador au mélange des eaux profondes, celle-ci passant de 72 % en 1930 à 53 % en 1980 (Faucher et al. 2004). De plus, l’augmentation des flux de MO marins et terrigènes ainsi que les différentes provenances des masses d’eau à densités inégales (Océan Atlantique , fleuve Saint-Laurent et bassins versants des Grands Lacs) ont contribué à la détérioration des conditions d’OD dans les eaux les plus profondes. Les différentes densités des masses d’eau entrainent la stratification de la colonne d’eau en trois couches l’été et deux couches l’hiver (Thibodeau et al. 2006).

Réponse des organismes aquatiques à l’hypoxie 

L’hypoxie devient une menace majeure pour les écosystèmes côtiers dans le monde entier et de faibles niveaux d’OD ont déclenché des mortalités d’organismes marins en de nombreux endroits (Chesney et al. 2000). Ces «zones mortes» sont dépourvues de ressources halieutiques incluant poissons, crevettes et crabes (Chesney et al. 2000; Rabalais et al. 2002). L ‘hypoxie peut entrainer une perte importante de la biodiversité tout en limitant la distribution, la croissance et la reproduction des organismes aquatiques (VaquerSunyer et al. 2008). Le seuil de tolérance à l’hypoxie varie selon les espèces et les écosystèmes (Kramer 1987; Wannamaker et al. 2000). Dans les régions sévèrement touchées, des conséquences comme des migrations forcées, un stress physiologique élevé, une réduction de l’ habitat, une augmentation de la vulnérabilité à la prédation et une perturbation des cycles de vie peuvent être observés (Rabalais et al. 2002; Service 2004). Les espèces benthiques sont plus vulnérables que les espèces nectoniques qui sont mobiles et capables de migrer si l’habitat ne leur convient plus (Diaz et al. 1995). Les organismes benthiques qui vivent dans le sédiment appauvri en 00 sont éloignés de tout contact avec l’apport de l’oxygène atmosphérique et sont contraints à s’acclimater et/ou s’adapter jusqu’au retour aux conditions normales (Vaquer-Sunyer et al. 2008).

Dans l’EGSL, des espèces de foraminifères tolérantes à l ‘hypoxie ont été retrouvées dans le fond de l’estuaire (Thibodeau et al. 2006) confirmant la baisse des niveaux d’OD. Malgré l’ampleur du phénomène d’hypoxie dans cette région, ses impacts n’ont été étudiés que pour la morue franche (Gadus marhua) dont le seuil létal a été établi à 28 %sat (Plante et al. 1998). Certaines espèces comme la crevette nordique (Pandalus borealis) ou le flétan du Groenland (Reinhardtius hypoglossoides) , encore abondantes dans les chenaux profonds de l’EGSL, semblent plus tolérantes à l ‘hypoxie (Gilbert et al. 2005). Cependant aucune étude n’ a encore déterminé les effets de l’hypoxie sur celles-ci.

Le flétan du Groenland (Reinhardtius hypoglossoides) est un poisson plat d’un grand intérêt commercial. En effet cette espèce représente 53 % de la biomasse des captures totales des poissons dans l’EGSL (DFO 2008). Les juvéniles, entre 15 et 30 cm, se concentrent principalement dans l’estuaire et au nord de l’île d’Anticosti alors que les poissons de plus grande taille (> 33 cm) sont répartis dans les différentes régions de l’EGSL (Treble et al. 2008). Ces observations suggèrent d’une part, que la tête du chenal Laurentien est la principale pouponnière pour cette population (DFO 2006) et d ‘ autre part, que le flétan du Groenland tolère la baisse du niveau d ‘OD avec un seuil létal pouvant se situer sous les 20-25 %sat communément mesuré dans l’estuaire. Les juvéniles semblent donc se retrouver dans des zones bien circonscrites. La principale période de frai du flétan du Groenland est en hiver entre les mois de janvier et de mars, mais peu d’informations sont disponibles sur les zones précises de reproduction dans l’EGSL (DFO 2006) .

Malgré le grand intérêt pour la pêche de cette espèce, la biologie de la reproduction de celle-ci est encore peu connue (Gundersen et al. 2001). La connaissance des facteurs influençant la reproduction et la viabilité des œufs du flétan du Groenland est encore clairsemée. Cependant, nous savons que les œufs sont bathypélagiques (Àdlandsvik et al. 2004) ce qui augmenterait l’exposition de ces derniers à de faibles niveaux d’OD pendant leur développement.

Le développement embryonnaire (DE) des œufs de poissons plats comme le flétan du Groenland n’est pas très documenté et les stades de développement embryonnaire ont été partiellement définis (Stene et al. 1999). Toutefois, Stene et al. (1999) ont utilisé un nombre très limité d’ échantillons d’œufs provenant d’une seule femelle. De plus, lors de cette expérience, seulement huit œufs ont complété leur DE et ont éclos. Aucune étude n’a encore relié le DE du flétan du Groenland dans l’EGSL aux facteurs environnementaux tels que la température et l’OD ou des facteurs biotiques, tels que la qualité des œufs. Cependant, des études sur l’impact de l’hypoxie sur l’éclosion et la survie des œufs de poissons ont été effectuées sur diverses espèces comme la morue franche (Godus morhua) (Avery et al. 2009), le saumon Atlantique (Salmo salar) (Oppen-Berntsen et al. 1990), le flétan de l’Atlantique (Hippoglossus hippoglossus) (Helvik et al. 1993), le corégone Lavaret (Coregonus lavaretus) (Czerkies et al. 2002) et Acanthopagrus butcheri (Hassell et al. 2008).

Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE 1 INFLUENCE OF DIFFERENT LEVELS OF DISSOLVED OXYGEN ON THE SUCCESS OF GREENLAND HALIBUT (REINHARDTIUS HIPPOGLOSOIDES) EGG HATCHING AND EMBRYONIC DEVELOPMENT
1.1 INTRODUCTION
1.2 MATERIALS AND METHODS
1.2.1 Fish sampling
1.2.2 Fertilization and incubation
1.2.3 Experimental design
1.2.4 Egg samplings
1.2.5 Laboratory analysis
1.2.6 Definition of developmental stages
1.2.7 Statistical analyses
1.3 RESULTS
1.3.1 Physiological variables
1.3.2 Hatching rates
1.3.3 Early development
1.3.4 Variations in embryonic developmental
1.3.5 Lipid class analyses
1.4 DISCUSSION
1.4.1 Hatching and embryonic development
1.4.2 Characterization of Greenland halibut eggs and Iipid class dynamics
DISCUSSION GÉNÉRALE

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