Dans cet article, nous allons aborder la thématique des violences conjugales. Cette thématique apparaissant comme vaste et étant sujette à de nombreuses études, nous avons décidé d’innover un minimum. Afin d’apporter de la nouveauté à ce sujet et au vu des circonstances actuelles, ce travail portera sur les violences conjugales et l’isolement social subi durant cette pandémie de Covid-19 et plus précisément sur les caractéristiques de cette « nouvelle » violence. Quelques articles sont déjà apparus sur le lien direct entre les mesures de restriction de mouvement dû à la pandémie et l’augmentation des violences conjugales dans de nombreux pays.
Concernant la prévalence de ce phénomène, d’après Amnesty International (2020), en Belgique ce sont environ 45 000 dossiers de violence conjugale qui sont enregistrés chaque année par les parquets. Lorsque nous ciblons plus précisément la Wallonie, le site de l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (IWEPS) nous indique que 16 029 plaintes ont été déposées pour des faits de violences conjugales en 2015. De plus, toujours d’après l’IWEPS (2016), 1femme sur 4 aurait subi des violences physiques et/ou sexuelles au cours de sa vie.
En Belgique, une politique criminelle a été mise en place afin de lutter activement contre les violences conjugales. C’est la circulaire commune de la ministre de la Justice et du Collège des procureurs généraux relative à la politique criminelle en matière de violence dans le couple, aussi appelée, COL 4/2006. Celle-ci détermine la ligne de conduite des différents intervenants gravitant autour de ce type de situation.
Les objectifs de cette circulaire sont de plusieurs natures. En ce qui concerne les victimes, les plaintes doivent toutes être prises au sérieux, la discrétion doit être de mise et si besoin, les victimes doivent recevoir des soins médicaux en urgence. La victime doit être mise en contact avec le service d’assistance policière aux victimes de sa zone de police rapidement afin que les intervenants puissent lui prodiguer une aide pratique comme l’orientation vers des services spécialisés, la prise de contact avec les proches ainsi que l’appui et le soutien émotionnel et pratique. De plus, ils sont compétents pour conseiller la victime afin qu’elle puisse porter plainte si elle y consent.
Une nouvelle circulaire datant du 26 juin 2020 et apparaissant comme complémentaire à la COL 4/2006 est entrée en vigueur le 1 er janvier 2021. Cette circulaire concerne principalement les policiers ainsi que les magistrats. Elle vise à la mise en place d’un outil d’évaluation des risques en matière de violences conjugales. Cet outil permet, dans un premier temps, aux policiers de visualiser les facteurs de risque les plus alarmants et d’avertir le plus rapidement possible le parquet. Dans un second temps, le magistrat sera informé du dossier et de l’urgence de la situation. Ainsi, il pourra appréhender la situation et l’analyser correctement afin de trouver une solution adaptée.
En réalité, qu’entendons-nous par « violences conjugales » ? Si nous nous référons à la COL 4/2006 vue précédemment, celle-ci définit la violence conjugale comme étant : « toute forme de violence physique, sexuelle, psychique ou économique entre des époux ou personnes cohabitant ou ayant cohabité et entretenant ou ayant entretenu une relation affective et sexuelle durable » (p. 3).
L’Organisation Mondiale de la Santé adopte une appellation différente, celle des « violences entre partenaires intimes » et ce terme est défini comme suit : « Tout comportement au sein d’une relation intime qui cause un préjudice ou des souffrances physiques, psychologiques ou sexuelles aux personnes qui sont parties à cette relation » (OMS, 2002, p.99). Il existe une certaine connexité entre ces deux définitions, les violences conjugales ou violences entre partenaires intimes sont des comportements produits sous différentes formes mais ils sont tous considérés comme « violents » et cause au moins un préjudice. De plus, ces comportements se produisent dans l’intimité. Même si les termes utilisés diffèrent, ils définissent et abordent bel et bien la même problématique. De plus, nous constatons que les mêmes formes de violences sont abordées : la violence physique, sexuelle et psychique/psychologique. La violence économique est ajoutée dans la circulaire de 2006.
D’après Coutanceau (2006), les violences physiques tout comme les violences sexuelles sont les plus objectivables puisqu’elles laissent des traces, des preuves qui ne peuvent être réfutées par l’auteur des faits. Les violences physiques englobent un ensemble de comportements comme : gifler, bousculer, frapper, étrangler, blesser avec ou sans arme, etc. (Glowacz, 2020). D’après Pieters et al. (2010) le fait d’empêcher l’accès au domicile, de laisser la personne sur le bord de la route ou de la séquestrer apparaît également comme étant de la violence physique entre partenaires. Concernant les violences sexuelles, Nicarthy et Davidson (2006, chapitre 1) définissent l’abus sexuel comme étant : « un mauvais traitement au moyen d’actes sexuels, d’exigences ou d’insultes ». La violence sexuelle peut donc se révéler sous la forme d’actes sexuels forcés (Myers et al., 2018), de prostitution forcée et comprend également la traite des êtres humains (OMS, 2002). La pornographie sous n’importe quelle forme fait partie du viol conjugal, repris lui-même dans les violences sexuelles (Glowacz, 2020). D’après Glowacz (2020), la violence psychologique est un comportement intentionnel et répétitif. Cette violence s’exprime au travers de différents canaux de communication comme la communication non verbale qui comprend par exemple la posture, le regard, les gestes ainsi qu’au travers de la communication verbale avec des dénigrements par exemple. Même un silence peut apparaître comme étant de la violence psychologique. En effet, rappelons que d’après Watzlawick (1967), on ne peut pas ne pas communiquer. Un silence a, lui aussi, une signification. Intimidations, injures, critiques, contrôle des relations, mépris (Pieters et al., 2010) sont des formes de violences psychologiques et verbales, tout comme le manque de considération, la manipulation, l’humiliation et la moquerie (Glowacz, 2020). Enfin, la violence économique concerne plutôt la privation des ressources ou la surveillance des activités économiques par exemple.
Passons ensuite à une autre définition, celle de la Covid-19. Ainsi nous pourrons entrer dans le vif du sujet de notre recherche. La Covid-19, cette maladie ayant fait son apparition en novembre 2019 dans la ville de Wuhan en Chine est causée par un virus qui se transmet par petites gouttelettes que nous propulsons dans l’air lorsque nous parlons, toussons ou encore éternuons. Ce virus se transmet donc facilement et se propage rapidement. Après une année entière de doutes et d’incertitudes, la vaccination pourrait figurer comme étant solution la plus adaptée pour espérer reprendre le cours de notre vie. À l’heure de la rédaction de cette recherche, la Covid-19 a causé plusieurs milliers de décès en Belgique en peu de temps. Des mesures sanitaires strictes et urgentes ont donc été instaurées par le gouvernement. Parmi ces mesures, la mise en place d’une quarantaine de toute la population ce qui amène à une forme d’isolement social général. En effet, la distanciation sociale est un des meilleurs moyens de limitation de la propagation du virus. Vous le constaterez dans cette recherche mais la protection de cette maladie par la progressive restriction de mouvement a entraîné d’autres problématiques, notamment au sein du domicile conjugal.
Le paradoxe de la protection
Comme nous venons de l’aborder précédemment, la pandémie de covid-19 a, petit à petit, contraint le gouvernement à prendre des décisions drastiques. Parmi celles-ci, la progressive restriction de mouvement. Un confinement a été instauré, les contacts ont été limités et un couvre-feu était en application pour l’ensemble du pays. Ces mesures ont été mises en place dans le but de limiter, voire de stopper, la propagation du virus. Celles-ci ont eu un impact sur la diminution des contaminations mais inévitablement aussi sur l’augmentation des conflits voire des violences dans les cas les plus extrêmes au sein du domicile conjugal. Certains auteurs, déjà violents auparavant, ont profité des mesures restrictives pour empêcher les victimes de quitter le domicile conjugal ou d’aller chercher de l’aide extérieure et d’exercer ainsi une surveillance plus extrême (Bradbury‐Jones & Isham, 2020). Avant la pandémie, l’isolement de la victime par l’auteur était déjà un souci récurrent, les conditions actuelles n’ont fait que renforcer le contrôle qu’avait l’auteur sur la victime (Campbell, 2020).
C’est à ce niveau que le paradoxe se situe puisque le gouvernement tente de protéger la population d’un virus mortel et à contrario, il condamne certaines victimes à vivre enfermées avec leur conjoint violent. Concernant la pandémie récente de Covid-19, certaines informations restent floues et de nombreuses questions subsistent. De cette façon, les auteurs peuvent utiliser des informations erronées pour effrayer leur partenaire et garder le contrôle sur la relation (Peterman, et al., 2020). De plus, les mesures de distanciation sociale aggravent l’isolement social vécu par certaines victimes qui n’ont plus la possibilité d’être soutenues et aidées par leurs proches (Morgan & Boxall, 2020). En plus de l’isolement social, il existe d’après van Gelder et al. (2020) un isolement fonctionnel auquel les victimes doivent faire face. Cet isolement est représenté par le fait que des pairs qui auraient pu représenter un soutien moral et affectif à la victime soient en réalité alliés à l’auteur. Pour pallier ces violences trop peu entendues durant cette pandémie, van Gelder et al. (2020), estiment qu’il est nécessaire de sensibiliser le public au maximum à cette thématique afin que les personnes victimes aient la possibilité de contacter les bons services. La sensibilisation des professionnels est également nécessaire afin que chacun soit en mesure de reconnaître une situation de violence conjugale et d’y apporter une réponse sécuritaire et adaptée.
1. Introduction |