La définition canadienne
Les services du Gouvernement du Canada (2002) donnent une définition brève de la déficience intellectuelle et mettent l’emphase sur l’importance de bien utiliser et différencier les termes appropriés: Une déficience correspond à une perte ou une anomalie d’un membre, d’un tissu ou d’un organe (y compris la fonction mentale). Une incapacité constitue une limitation fonctionnelle, une réduction de la capacité d’un individu d’accomplir des activités considérées comme normales pour un être humain. Un handicap est un obstacle lié à l’environnement ou aux attitudes qui a pour effet d’empêcher une personne de prendre pleinement sa place dans la société. Les attitudes négatives des gens et les immeubles inaccessibles représentent des exemples de situations de handicap. (p.3) La définition établie par le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec en conformité avec la Politique de soutien aux personnes présentant une déficience intellectuelle, à leurs familles et aux autres proches (200 1 ): La déficience intellectuelle se réfère à des limitations substantielles dans le fonctionnement actuel d’un individu. Elle est caractérisée par un fonctionnement intellectuel significativement inférieur à la moyenne, et concomitant à des limitations reliées dans au moins deux des domaines suivants d’habiletés adaptatives : la communication, les soins personnels, les habiletés domestiques, les habiletés sociales, l’utilisation des ressources communautaires, l’autonomie, la santé et le travail. La déficience intellectuelle se manifeste avant l’âge de 18 ans. La déficience intellectuelle est donc définie en fonction de l’environnement dans lequel la personne vit, apprend, joue et travaille. La signification de ces limites est donc fonction de l’environnement de l’individu. La connaissance des capacités de la personne et la compréhension des structures et des attentes de son milieu social et personnel sont essentielles pour décrire l’état du fonctionnement de la personne et pour poser un diagnostic de déficience intellectuelle. (p. 29)
Évolution des connaissances et conce]pts depuis la fin du XIXème
Au Canada, après la Première Guerre mondiale, des services offerts aux militaires ayant notamment une déficience intellectuelle se mettent en place. Apparaît alors le premier « mouvement de regroupement des familles et des personnes ayant certaines déficiences [ … ]. La Deuxième Guerre mondiale accélère cette tendance, surtout pour les anciens combattants» (OPHQ, 2001 , p.lO). Grâce aux pressions de ces associations, le gouvernement offrira en 1945, des services à l’ensemble des personnes présentant une déficience intellectuelle et non plus seulement aux militaires. Le gouvernement danois, en 1959, vote une loi prenant sa source dans le concept de normalisation de Bank-Mikkelson (1959). Celle-ci consiste à permettre aux personnes présentant une déficience intellectuelle de vivre une vie aussi normale que possible dans sa communauté (Martin, 2002). La normalisation est basée sur deux notions fondamentales: «les personnes handicapées peuvent et doivent bénéficier des conditions de vie courantes pour les autres citoyens et la façon dont elles sont perçues par la population représente une condition primordiale de leur intégration » (OPHQ, 2001, p.14 ). À partir de 1960, les changements s’accélèrent. Le concept de stimulation précoce devient un principe de base pour l’intégration sociale des personnes présentant une déficience intellectuelle permettant de développer leur plein potentiel s’ils sont pris en charge dès 1′ enfance. Au Québec, la vision et les moyens utilisés auprès des personnes « différentes » se transforment graduellement. Les personnes présentant une déficience intellectuelle qui suscitaient jusqu’alors la crainte ou la pitié commencent à «être plus perçues comme des personnes à part entière avec des besoins à la fois uniques et universels» (Fortin et al. 2002, p.14 7). Martin (2002) précise:
La révolution tranquille donne lieu au développement des sciences humaines et sociales. On pense alors en termes de développement des capacités des personnes et d’accès à l’éducation, au travail, etc. Des approches éducatives se développent et on forme des intervenants et intervenantes. Provenant des pays scandinaves, l’idéologie de la « normalisation» et, dans la même lignée, de la « valorisation des rôles sociaux » inspire les approches en intervention. D’où un remaniement complet des grandes institutions asilaires (p. 21) Vers 1970, la désinstitutionalisation s’amorce ce qui donne naissance à des internats de rééducation. «En 1971, la commission Castonguay-Neuveu fait des recommandations qui aboutiront à la création de la Loi sur les services de santé et les services sociaux » (Martin, 2002, p.22). De là seront créés les centres de réadaptation (CR) qui fourniront des services, entres autres, aux personnes présentant une déficience intellectuelle. En 1975, le gouvernement du Québec crée la Commission des droits de la personne. En 1978 est adoptée la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées d’où naîtra l’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ). À partir des années 80, la désinstitutionalisation est mise de l’avant par l’OPHQ avec la publication, en 1984, du document intitulé À part… égale -L’intégration des personnes handicapées : un défi pour tous. En 1988, le ministère de la Santé des Services sociaux (MSSS) propose des orientations plus avancées en matière de déficience intellectuelle en publiant L’intégration des personnes présentant une déficience intellectuelle, un impératif humain et social. Ces orientations confirment la tendance amorcée dans le réseau sociosanitaire et dans la société en général, fournissant certains objectifs en matière d’intégration et de participation sociale de désinstitutionalisation en misant sur la valorisation des rôles sociaux des personnes présentant une déficience intellectuelle (Lamarre, 1998).
L’HYGIÈNE ET LES SOINS PERSONNELS
Dans le cadre de ce projet, le domaine des soins personnels est spécifiquement décortiqué afin d’appuyer le scénario pédagogique du cédérom ludoéducatifsur le sujet. Le projet développé se réfère au premier sous-domaine de celui-ci, qui consiste à permettre à l’apprenant de suivre les procédures courantes relatives aux soins corporels (Dever, 1997, p.25). Il se limitera au cadre spécifique du maintien de la propreté du corps et abordera succinctement comment se vêtir convenablement. De plus, ce projet s’inscrit dans le contexte quotidien soit celui de la routine en semaine de Dever (ibid) et s’attardera au développement particulier des habiletés liées aux points en gras 1; 2; 3; 5; 6 et 12 ; présentés dans le tableau 1. D’après ever (1997): «si des personnes qui ne sont pas autonomes apprennent les routines comme celles qui sont présentées au tableau 1, elles auront moins besoin de supervision et deviendront plus autonomes» (p.35-36). Ce domaine englobe les habiletés que doit maîtriser une personne (dans lesquelles sont inclues les personnes présentant une déficience intellectuelle) pour être en mesure de prendre som d’elle-même. Toujours selon Dever (1997), une grande proportion de personnes présentant une déficience intellectuelle et des difficultés à fonctionner ont des problèmes dans le domaine des soins personnels. Un bon nombre d’entre elles ont une apparence négligée. Dever précise que « c’est un fait que certaines personnes doivent paraître plus normales que les personnes dites « normales », ne serait-ce que pour se fondre dans la foule. Par conséquent, il est très important [ … ] d’avoir une apparence soignée» (p.78). Ce point de vue pourrait paraître péremptoire pour certain, mais il se justifie, entre autre historiquement, et est plus présent que jamais dans notre socioculture. La propreté, les soins corporels et vestimentaires ont, de tout temps, représentés une grande part de l’identité, notamment sociale, de la personne.
Pour Ruano-Borbalan (1998), la construction sociale de l’identité résulte de l’ensemble des interactions sociales de l’individu, «le groupe socialise l’individu et l’individu s’identifie à lui» (p.7). Depuis l’Antiquité, l’hygiène et les soins personnels sont affiliés aux statuts sociaux, aux appartenances religieuses et à l’image sociale. Vigarello (1987) soutient que selon les époques, la notion de propreté est perçue tour à tour comme un vice ou une vertu. Sacralisée par l’Église pendant l’Antiquité (se laver entièrement est signe de purification de l’âme) l’eau devient ((maligne» au xvnème siècle (utiliser de l’eau était faire preuve d’un déséquilibre psychologique). Les bains publics jusqu’alors très prisés à Rome comme en Grèce sont alors vus comme des propagateurs d’épidémie et des lieux de désordres moraux en raison de la promiscuité des corps .. Toujours selon Vigarello, à cette époque apparaît également la toilette sèche et tout ce qui consiste en la propreté de 1 ‘apparence (chemise propre, poudre de visage, cheveux et parfums de toutes natures), il n’est plus nécessaire de ce nettoyer le corps, car la saleté permet de se conserver des humeurs et autres «maladies». À partir XVIIIème siècle le rapport à l’eau comme élément nettoyant reprend une certaine popularité, les cabinets de toilette et les bidets font leur apparition. La fin XIXème systématise l’injonction de fermer rigoureusement les accès à l’intimité des salles de bain et des cabinets de toilettes et« c’est au même moment que se confirme le plaisir de l’ablution qui n’ose encore totalement se dire» (Vigarello, 1987, p.246). Notre conception de l’hygiène est en constante évolution. Ces dernières années sont par exemple marquées par l’explosion des produits cosmétiques en tout geme et l’arrivée sur le marché de toute une gamme de produits pour les hommes, alors que le XIXe soulignait un retour au naturel. L’homme ne cesse de modifier son rapport au corps, les codes changent, et par conséquent, le rapport à l’hygiène. Se baigner, se laver, se nettoyer, se sécher, se maquiller, autant d’actes dont le sens change selon les périodes. (Constantin, 2006, Section dossier, para. 7)
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