La coopération intermunicipale, quant à elle, réfère à ce qui est relatif à l’administration ou à l’action mutuelle de deux ou plusieurs entités municipales. Cet instrument est étudié dans de nombreux domaines d’études: administration publique, sciences régionales, géographie, analyse des politiques publiques, économie, anthropologie et sciences politiques (Teles, 2015). Il est étudié dans les pays développés de partout dans le monde, particulièrement en Europe (Hulst & Van Montfort, 2007; Teles, 2015), en Océanie (Dollery, Grant, & Akimov, 2010; Somerville & Gibbs, 2012) et en Amérique (Lesage, McMillan, & Hepburn, 2008; Spicer, 2015b). Par conséquent, les défmitions de l’instrument de « coopération intermunicipale » fusent des quatre coins du globe et il n ‘yen a aucune qui soit universellement reconnue.
Avant de présenter celles qui paraissent être les plus porteuses de sens, il est important pour la suite de ce mémoire de bien faire la distinction entre la coopération intermunicipale en tant que concept et la coopération intermunicipale dans son application concrète, soit «l’entente de coopération intermunicipale ».
La coopération intermunicipale en tant que concept est un instrument de gouvernance, un outil à la disposition des gouvernements locaux afin de répondre à la demande croissante dans leurs champs de compétence, dans un contexte global qui leur ajoute toujours plus de pression (Hulst & Van Montfort, 2007).
De son côté, la coopération intermunicipale comme application concrète prend une forme particulière, ancrée dans un système géographique, administratif, économique, social et culturel spécifique (Hulst & Van Montfort, 2007). Pour la suite de ce mémoire, lorsque nous parlerons de la forme concrète de la coopération intermunicipale, nous parlerons d’une « entente de coopération intermunicipale ». Chacune de ces ententes peut être analysée en fonction de nombreux critères qui sont définis plus loin.
Pour Teles (2015), qui aborde la question du point de vue de la science politique, la coopération intermunicipale peut servir deux objectifs: offrir des services publics efficaces et mettre en œuvre des politiques publiques. Sa définition précise également que la coopération est un instrument de gouvernance et une alternative à la fusion municipale et à la privatisation.
Hulst et Van Montfort (2007) proposent de leur côté une autre définition : « a form of institutionalised interaction between municipalities (that may extend to other public or private actors) concerning a common task or goal that does not result in a completely independent agency or corporation» (p. 13). Bien que complémentaire à celle de Teles (2015), cette définition souligne l’importance des parties prenantes dans la coopération intermunicipale en les plaçant au centre de la définition. Tout comme la précédente, elle précise que la coopération intermunicipale vise une tâche ou un objectif commun, soit offrir des services publics et mettre en place des politiques publiques. Finalement, la défmition d’Hulst et Van Montfort (2007) se distingue en apportant une nouvelle composante. Pour les auteurs, l’interaction entre institutions peut amener à la création d’une entité ou structure d’encadrement, sans que celle-ci devienne indépendante desdites institutions qui la constituent .
Un autre ouvrage sur la coopération intermunicipale apporte des nuances importantes. Dans sa propre revue des définitions existantes, Adkins (2016) avance cinq composantes d’une bonne définition de la coopération intermunicipale: «1) policy activities, 2) based on statutory authority, 3) between two or more governments, 4) that are voluntarily entered into, 5) to achieve a shared goal that could not otherwise be achieved as efficiently or effectively alone» (p.19-20). Unique à cette définition est l’idée que la coopération intermunicipale se base sur le contexte légal et institutionnel du milieu où elle s’installe pour prendre racine et a une légitimité d’action conférée par ce contexte.
En tenant compte de toutes les définitions empruntées plus haut, il est possible de formuler notre propre définition de la «coopération intermunicipale» en tant que concept: La coopération intermunicipale est un instrument de gouvernance dont se dotent volontairement deux ou plusieurs municipalités (auquel participent parfois des acteurs des sphères associative ou privée) à travers une interaction plus ou moins formelle et institutionnalisée, mais qui ne résulte jamais en la création d’une entité totalement indépendante de chacune des parties. Elle permet d’étendre la capacité d’action des parties prenantes au-delà de leurs frontières administratives et vise l’atteinte d’ obj ectifs communs, soit d’offrir des services publics et de mettre en place des politiques publiques de façon conjointe, et ce, à une échelle territoriale plus appropriée à la nature des services ou politiques en question. Ses formes sont variables et modulées selon les lois et réglementations de l’endroit où elle est utilisée.
Les dimensions de la coopération intermunicipale
Si plusieurs se sont intéressés à la coopération intermunicipale, tous ne cherchent pas à en comprendre les mêmes dimensions ou à en mesurer les mêmes indicateurs. La recension des écrits effectuée pour ce mémoire a permis de révéler un certain nombre de dimensions et d’angles d’étude de la coopération intermunicipale : les conditions favorables à son émergence, le design des ententes, les bénéfices engendrés et les acteurs impliqués dans la coopération.
Conditions favorables à l’émergence de la coopération intermunicipale
L’étude des conditions favorables à l’émergence de la coopération intermunicipale est l’une des dimensions fréquemment retrouvées dans la littérature. Adhikari (2015) démontre dans son étude que la fragmentation territoriale, la pauvreté, le ralentissement de l’ économie régionale, la forte densité de population, 1’homogénéité des populations des communautés (aussi supporté par Lee (2016)) et la présence de personnes âgées sont positivement associés à la présence d’ententes de coopération. Par contre, l’auteur est surpris de ne trouver aucune corrélation entre la proximité géographique des localités et la présence d’ententes de coopération. Sinon, il mentionne dans ses écrits l’importance de minimiser les coûts de transaction: « For localities to engage in cooperating with one another, the transaction cost for participating in such an endeavor needs to be sufficiently low » (Adhikari, 2015, p. 4). Cette théorie des coûts de transaction est fréquemment utilisée dans la littérature, entre autres dans les travaux sur les problèmes liés à l’action collective institutionnelle de Feiock (2013). Elle stipule que pour que les institutions s’engagent dans une action collective, les coûts reliés à la communication et à l’information, à la négociation, à la mise en application et à la perte d’autonomie doivent être minimisés et être moindres que les bénéfices dégagés de cette action collective (Feiock, 2013). Une autre condition favorable à l’émergence de la coopération est, comme l’écrit Adhikari (2015), le constat par les représentants municipaux que des bénéfices peuvent être dégagés d’une action collective. À ce sujet, Feiock (2013) ajoute: « Collaboration to resolve ICA [institutional collective action] dilemmas begins with recognition of interdependencies among governments in which actions of one government affect the actions of others » (p.40 1). Ainsi, la sensibilisation des acteurs municipaux est une condition favorable à l’émergence de la coopération. D’autres caractéristiques, comme la présence d’institutions de capital social à la Putnam9 (Han, 2016), un nombre restreint de partenaires dans une entente (Spicer, 2015a), la proximité géographique (lm, 2014; Spicer, 2015a) (toutefois contredit par Adhikari (2015)), l’absence d’un sentiment de compétition entre municipalités (Spicer, 2015a), les contraintes fiscales municipales (Adkins, 2016; Bel & Wamer, 2015), le succès de collaborations précédentes (Teles, 2015) et la confiance entre les partenaires (lm, 2014) sont aussi positivement corrélés avec la présence de coopération intermunicipale.
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