Lorsque nous constatons les ravages que font les ouragans sur les collectivités humaines, lorsque nous faisons le décompte de la mortalité civile lors d’attaques terroristes, lorsque nous voyons des centaines de milliers de personnes mourir dans une épidémie ou lorsque nous entendons les résultats d’ une enquête concernant les actions d’ un meurtrier en série, nous pouvons difficilement nous retenir de porter des jugements sur ces événements et leurs conséquences, jugements qui prennent souvent une forme morale. Nous considérons les catastrophes naturelles, les meurtres et la mort comme « mauvais », que ce soit absolument ou du moins « pour nous ». En fonction des croyances de chacun, nous considérons cependant ces maux et leur origine de façon différente. Pour un scientifique athée, ils seront généralement réduits à une suite de causes à effets sur laquelle nous n’avons aucune influence réelle. Mais pour quelqu’ un qui croit en l’existence d’ un dieu créateur, infiniment sage, puissant et surtout, bon, l’ existence des maux dans notre vie entraîne des conséquences importantes théologiquement et moralement parlant.
S’ il existe du mal dans un monde créé par un être unique, infiniment bon, infiniment sage et infiniment puissant, cet être ne devrait-il pas en être la cause? L’importance de cette question a été capitale dans l’histoire de la théologie et de la philosophie, entraînant un très grand nombre de réponses et de nuances, allant du rejet de la possibilité de l’existence d’ un ou de plusieurs dieux par l’athéisme au rejet de l’existence du mal absolu chez certains « optimistes », en passant par des concessions intermédiaires qui sacrifient au moins l’ un des attributs infinis de Dieu pour le déresponsabiliser du mal, comme le manichéisme, qui prétend que le dieu créateur n’est pas infiniment puissant, en ce que ses actes de bonté et de sagesse sont éternellement contrebalancés par les actes tout aussi puissants d’une seconde entité, elle-même infiniment mauvaise.
La volonté de déresponsabilisation de Dieu envers le mal dans l’histoire philosophique et théologique occidentale remonte à loin, mais ce sont les penseurs chrétiens, dès saint Augustin (354-430), qui lui ont accordé le plus d’importance. li faudra cependant attendre le tout début du XVIIIe siècle pour qu’un terme original soit inventé pour référer à cette tentative de résolution du paradoxe de l’existence du mal dans un monde créé par un dieu unique infIniment bon, sage et puissant, et nous devons ce terme à Gottfried Leibniz (1646-1716), qui intitula l’un de ses principaux ouvrages philosophiques Essais de Théodicée (1710, dorénavant E.T.). Leibniz aurait construit ce nom des racines grecques theos (8eoa), «dieu» et dikè (oiKll), «justice », pour former un néologisme signifiant « de la justice de Dieu» ou «de la justification de la perfection de Dieu malgré l’existence du mal dans le monde». Le terme est depuis resté et aujourd’hui toute tentative de déresponsabilisation de Dieu face à l’existence du mal est caractérisée comme une « théodicée ».
Mais, il faut le rappeler, Leibniz fut loin d’être le premier ou le seul à s’ intéresser à la question. Leibniz s’ inscrit même parfaitement dans son époque, en ce que l’époque moderne fut l’ une des plus actives et productives en ce qui concerne la question de la justification de l’existence du mal. Plusieurs auteurs majeurs de l’ époque y mirent leur grain de sel en plus de Leibniz en Allemagne, tels les Français Pierre Bayle (1647-1706) et Nicolas Malebranche (1638-1715), le Hollandais Baruch Spinoza (1632-1677) ainsi que les Anglais Samuel Clarke (1675-1729) et David Hume (1711 1776), liste qui ne se veut en aucun cas exhaustive. Ces débats forcèrent les auteurs à se positionner sur différents axes à propos de diverses questions particulières au problème de la théodicée, principalement en ce qui concerne le libre arbitre et la détermination ainsi que la prescience divine et la grâce.
Vie de William King
Comme il a été mentionné en introduction, la majorité des ouvrages contenant des informations biographiques sur William King concernent principalement sa vie politique et ecclésiastique, plutôt que sa vie philosophique. King lui-même a laissé une autobiographie originellement rédigée en latin sous le titre Quaedam Vitae Meae Insigniora, qui a été partiellement traduite en anglais en 1880, puis éditée en 1906 par l’un de ses descendants, Charles S. King, et qui sera ici utilisée autant que faire se peut et complémentée par d’ autres biographies lorsque nécessaire.
William King nait en 1650 dans le comté d’Antrim en Irlande du Nord, d’une famille écossaise presbytérienne de classe moyenne qui s’y est nouvellement établie . La guerre civile fait alors rage en Irlande et le jeune William est continuellement malade, état qui le suivra toute sa vie. Il n’apprend réellement la lecture et les mathématiques qu’à 12 ans, après avoir changé plusieurs fois d’école, mais à 15 ans, il a lu La Bible et d’autres ouvrages classiques en latin . TI est admis au College of the Roly Trinit y de Dublin en 1667 et suite à une crise existentielle et spirituelle, il se convertit à l’anglicanisme . En 1670, King devient bachelier, puis en 1674, il est ordonné prêtre et quitte le collège avec une maîtrise pour entreprendre ses tâches cléricales dans le comté de Kilmainmore. Dès son entrée en fonction, il néglige ses études, mais son supérieur le pousse à continuer à étudier, croyant qu’il a le potentiel de gravir les échelons . En 1676, il devient prévôt de la cathédrale Ste-Marie à Tuam et en 1679, l’ archevêque de Dublin John Parker lui offre le poste de chancelier de la cathédrale St-Patrick de Dublin et la direction de la paroisse de St-Werburgh. Effrayé par l’ampleur de la tâche, il l’ accepte néanmoins et déménage à Dublin, où il sera reconnu pour sa charité et sa participation à de nombreux projets. TI apprend à apprécier ses nouvelles tâches, mais sa santé en écope et il est plusieurs fois très malade. TI devient aussi, en 1683, l’un des membres originaux de la Dublin Philosophical Society.
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