Les mineurs isolés étrangers (MIE) : Définition et catégories
Cette partie permet de définir les MIE et le statut juridique qui leur est applicable. Il est important de noter en préambule à l’analyse qui suivra que ce dernier peut jouer un rôle important dans le désir, la volonté et la motivation du jeune à s’intégrer dans la société française. Ces droits résultent de la triple manière dont ces jeunes sont eux-mêmes saisis pas le droit (Infomie, 2009):
➤ Mineurs: Le code civil ne distingue pas les mineurs étrangers et les mineurs français en matière de protection des mineurs. Dans ce domaine, la loi s’applique quelle que soit la nationalité. Un mineur étranger isolé peut donc être reconnu « en danger » et accueilli dans le dispositif de protection de l’enfance, si une autorité judiciaire ou administrative l’estime nécessaire.
➤ Étrangers: Ils sont soumis à des règles d’entrée sur le territoire comme tous les étrangers, adultes ou mineurs. Cependant, une fois entrés en France, les mineurs ne sont pas en situation irrégulière au regard du séjour. A leur majorité, ils peuvent accéder à la nationalité française ou au séjour selon certaines conditions. Ils peuvent également demander l’asile.
➤ Isolés : Un mineur est juridiquement « incapable » : il ne peut faire valoir seul un certain nombre de ses droits et prendre les décisions importantes le concernant. Sans représentant légal, il ne peut pas signer contrats, actes médicaux, documents scolaires… La loi organise la représentation légale des mineurs isolés, pour qu’ils puissent être assistés à leur entrée en France (administrateur ad hoc en zone d’attente) et en cas de demande d’asile (administrateur ad hoc pour la procédure d’asile) mais aussi pour accomplir certains actes de la vie civile (tuteur).
La situation des MIE recouvre donc trois champs qui en droit ne dépendant pas les uns des autre: la protection de l’enfance, le droit des étrangers et la capacité juridique (Infomie, 2009).
Le dispositif français de protection de l’enfance est intégralement applicable aux jeunes étrangers isolés. En principe, tous les mineurs isolés sont soumis à une même procédure: repérage et mise à l’abri, signalement aux autorités administratives et judiciaires et enquête pour déterminer si le migrant est à la fois mineur et isolé. Il doit ensuite bénéficier de mesures de protection au titre de la protection de l’enfance. Ces jeunes sont effectivement accueillis dans le cadre de l’ASE, au même titre que tout adolescent français. Ils peuvent relever des articles 375 et suivants du Code civil lorsqu’il est avéré que leur santé, sécurité, moralité ou les conditions de leur éducation sont compromises. Cela se justifie en ce sens qu’ils sont isolés sur le sol français, sans représentation légale. Les MIE représentent désormais une proportion significative des mineurs accueillis dans les établissements relevant de l’ASE. Ils constituent un public nouveau pour ces établissements initialement conçus pour accueillir des mineurs « en danger » dans leur milieu familial. Avec les mineurs isolés, les professionnels sont conduits à intervenir dans un contexte et selon des modalités nouvelles.
On retrouve dans la littérature l’idée qu’un même terme « mineurs étrangers isolés » désigne des réalités parfois très contrastées (Angélina Etiemble, 2002). En effet, ces jeunes viennent de pays éloignés et ont donc tous une histoire et un parcours différent. Cependant, on remarque dans les travaux d’Angelina Etiemble qu’une connaissance des motifs de départ du pays d’origine renseigne sur cette population, et permet de mieux comprendre les enjeux de leur venue en France. Elle a ainsi pu élaborer une certaine typologie qui recense les six types de parcours des mineurs isolés :
1- Les « exilés » : ces mineurs viennent de régions touchées par des guerres et/ ou des conflits ethniques. Ils quittent leurs pays par crainte des répressions, notamment parfois à cause des activités politiques de leurs proches ou du fait de leur appartenance ethnique. Pour ces raisons, leurs parents sont souvent décédés ou disparus.
2- Les « mandatés » : D’autres mineurs quittent leur pays, incités par des proches, pour des motifs économiques. Le jeune peut donc avoir comme « mandat » de se rendre en France, d’y travailler, puis d’envoyer une partie de l’argent gagné à sa famille restée au pays. Dans d’autres cas, l’entourage du mineur peut décider de le faire aller en France afin qu’il entreprenne ou poursuive des études. Il doit donc réussir scolairement et ensuite économiquement. Dans ce cas, la famille ou des proches de la famille sont à l’origine du financement du voyage (et que le jeune sera probablement amené à rembourser) .
3- Les « exploités » : Ces mineurs sont embrigadés par des trafiquants de toutes sortes, parfois avec la complicité des parents, avant même d’arriver en France. L’exploitation peut être de plusieurs types: prostitution, travail clandestin, mendicité, trafic de drogues ou activités de délinquance.
4- Les « fugueurs » : Ces mineurs quittent leur domicile familial, ou le lieu où ils vivaient pour différentes raisons: conflits intrafamiliaux, maltraitances… Leur fugue les amène à l’errance, de frontières en frontières.
5- Les « errants » : Ces mineurs étaient déjà en situation d’errance dans leur pays d’origine, depuis parfois des mois ou des années avant leur départ pour l’Europe. Ils vivaient de la mendicité, de petits emplois de fortune, voire de prostitution. Ils décident de tenter leur chance dans un pays riche.
6- Les « rejoignants » : Ces mineurs sont des jeunes « rejoignants » de proches ou de compatriotes, ils sont souvent assimilés aux enfants du regroupement familial dit « sauvage », hors procédure légale. Il peut indirectement s’agir de jeunes « exilés » ou « mandatés ». Les contacts familiaux ou communautaires en France sont alors un moyen de réaliser ce voyage et de s’assurer pour les parents de la bonne arrivée des jeunes en France.
En France, la catégorie des « exilés » tend à disparaître devant les rejets nombreux de la demande d’asile. Les démarches de régularisation entreprises par les professionnels pour les jeunes qu’ils accompagnent tendent à imposer la figure du «mandaté », du « migrant économique », dont la présence en France dépend finalement de son insertion et de son utilité à la société française. Ils ne peuvent faire de faux pas sur le plan social et scolaire. Ils doivent être en tout exemplaires et faire preuve de « parcours méritants » pour satisfaire aux critères d’intégration des autorités préfectorales et avoir quelques chances d’obtenir un titre de séjour. La typologie évoquée ne s’incarne pas dans des nationalités spécifiques, elle n’est pas non plus figée, les frontières entre les différentes catégories sont mouvantes. Chaque jeune rencontré peut à un certain moment passer de l’une à l’autre, ou s’inscrire dans deux « profils » différents en même temps. Ces mineurs constituent donc une population particulièrement vulnérable, et sont tous susceptibles d’avoir connu l’errance, la maltraitance des adultes, que ce soit dans leur pays, pendant leur trajet migratoire ou en France. Ces jeunes sont dans une période charnière de leur vie, faite de remaniements psychiques importants. La migration vient ajouter une difficulté supplémentaire dans la construction identitaire.
1. INTRODUCTION |