Les granophyres du Complexe du Lac Doré

Les granophyres du Complexe du Lac Doré

Le Complexe du Lac Doré (CLD), daté à 2728.3 ± 1.2 Ma (Mortensen 1993), est localisé dans la région de Chibougamau, au NE de la Sous-province Archéenne de l’Abitibi (Figure 1.6), qui est la plus vaste des ceintures de roches vertes au monde (Thurston et al. 2008). C’est une intrusion synvolcanique, d’affinité tholéitique, métamorphisée au faciès des schistes verts (Allard 1976; Daigneault et Allard 1990). Il s’agit d’une intrusion anorthositique, localement litée, dont l’épaisseur exposée varie de 5 à 7 km sur une longueur de 55 km dans la direction E-O. Le CLD (Figure 1.7) s’est mis en place dans les roches du premier cycle volcanique (2730 à 2726 Ma; Mortensen 1993; Leclerc et al. 2011) de l’empilement stratigraphique de la région, pour lesquelles il semble avoir servi de chambre magmatique (Bédard et al. 2009; Polat et al. 2018). Cette intrusion représente le coeur de la région de Chibougamau parce qu’en plus d’être le moteur thermique de plusieurs minéralisations de type SMV, elle est aussi l’encaissant du camp minier central à Cu-Au (Pilote et Guha 2006; Leclerc et al. 2012) et l’hôte d’importants dépôts de Fe-Ti-V (Taner et al. 1998; Girard et D’Amour, 2015). A l’instar de plusieurs intrusions litées, le CLD comprend, dans sa partie supérieure, une zone de granophyre connue sous le nom de « zone de sodagranophyre » qui a la particularité d’encaisser des minéralisations sous forme de veines à Cu-Au. Le préfixe « soda » a été ajouté à l’appellation de ces roches par Allard (1976) à cause de leur contenu élevée en Na2O et de leur faible contenu en K2O.

Il s’agit d’une roche felsique très grenue à porphyrique par endroit, dont la minéralogie est constituée essentiellement de quartz et feldspaths et en moindres proportions par la muscovite, l’épidote, la chlorite, et des traces d’amphibole, apatite, zircon et pyrite. Les granophyres sont reconnus sur les deux flancs du CLD, où ils sont communément observés au-dessus des niveaux lités à magnétite et en contact avec les roches volcaniques felsiques de la Formation de Waconichi du premier cycle volcanique du Groupe de Roy (Daigneault et Allard 1990; Figure 1.7). Leur épaisseur varie de 150 à 900m sur le flanc sud (Allard 1976). Cette relation spatiale a amené Allard (1976) et Daigneault et Allard (1990), à suggérer que les granophyres du CLD se sont formés par l’assimilation des roches volcaniques felsiques encaissantes, à l’occurrence, les rhyolites de la Formation de Waconichi. Dans ces travaux, Alfaro (1990) avait distingué deux types de granophyres : 1) le leucogranophyre, qui correspondrait à un magma ayant assimilé des rhyolites de la Formation de Waconichi par le magma du CLD et 2) le mélanogranophyre qui se serait formé par la différenciation du magma du CLD. Ces travaux étaient essentiellement concentré sur le Flanc Sud du CLD. Les granophyres du CLD ont été très peu étudiés, les récents travaux datent des années 1990 (Alfaro 1990; Daigneault et Allard 1990). Cependant, beaucoup d’études restent à faire sur ces unités afin de comprendre les processus à l’origine de leur formation. Les questions suivantes demeurent des problématiques encore débattues :

Cadre stratigraphique

La région de Chibougamau présente une stratigraphie qui est dominée par deux cycles volcaniques bimodaux mafiques-felsiques constituants le groupe de Roy, sur lequel repose en discordance la séquence de roches sédimentaires du groupe d’Opémisca (Figure 1.7 et 1.8; Daigneault et Allard 1990; Leclerc et al. 2011). La description de la géologie de la région de Chibougamau est disponible dans les travaux de Daigneault et Allard (1990),Leclerc et al. (2017). Le lecteur est référé à ces documents pour une description détaillée et une compréhension approfondie de l’histoire géologique de la région de Chibougamau. Le premier cycle volcanique du groupe de Roy comprend, à sa base, la Formation d’Obatogamau (Midra 1989; Leclerc et al. 2011), qui est constituée d’un assemblage de basaltes andésitiques massifs à coussinés, d’affinité tholéitique et localement à macrocristaux de plagioclases. La Formation d’Obatogamau est surmontée par la Formation de Waconichi (2729-2726 Ma; Mortensen 1993; Leclerc et al. 2011), qui est constituée de rhyolites à rhyodacites et de volcanoclastites mafiques à felsiques, d’affinité transitionnelle à calcoalcaline, localement tholéitique (Daigneault et Allard 1990; Leclerc et al. 2011; Clairet et al. 2017; Leclerc et al. 2017).

Le second cycle (2720-2717 Ma; Leclerc et al. 2011) regroupe de la base au sommet, la Formation de Bruneau constituée de basaltes et andésites tholéitiques, la Formation de Blondeau à dominance de volcanosédimentaires d’affinités calco-alcalines, et la Formation de Bordeleau constituée essentiellement de roches sédimentaires (Lefebvre 1991; Leclerc et al. 2011). Enfin, le groupe d’Opémisca est dominé par des roches sédimentaires conglomératiques et subarkosiques, interstratifiées avec des lentilles de laves andésitiques (Leclerc et al. 2017). La région de Chibougamau est marquée par trois activités intrusives de natures variées qui sont reliées au volcanisme de la région. Il s’agit de l’intrusion anorthositique du Lac Doré (Figure 1.8) connue sous le nom de « CLD », le pluton de Chibougamau, qui correspond à des tonalite, trondjémite et diorite, et enfin les filons-couches mafiques à ultramafiques du Complexe de Cummings (Bédard et al. 2009; Leclerc et al. 2011). Le Groupe de Roy est aussi recoupé par plusieurs intrusions syn à tardi-tectnoniques qui sont de compostions intermédiaires à felsiques. L’histoire intrusive de la région de Chibougamau s’est terminée par la mise en place de nombreux dykes de diabases d’âge Protérozoïque qui recoupent toutes les unités (Leclerc et al. 2017).

Secteur Golden Moon

Ce secteur est accessible à partir de la route régionale 113 (Figure 2.1), en prenant le chemin forestier de la baie Demers en direction du nord. Le secteur comprend trois décapages : le décapage de l’indice Golden Moon (Figure 2.4), celui de l’indice AXE (Figure 2.5) et celui de l’indice GRH (Figure 2.6). Ces décapages sont sur une propriété de la compagnie Fieldex Exploration. La distance entre ces décapages varie de 100 à 300 m. Les principaux assemblages lithologiques qui ont été identifiés sur ces décapages comprennent : 1) des unités de granophyres ; 2) des dykes d’aplite granophyrique ; et 3) un dyke mafique. Ce dernier est présent uniquement sur l’indice AXE (Figure 2.4). Les minéralisations présentes sur ces décapages sont principalement sous forme de veines de quartz à textures variables entre laminée, massive et pegmatitique, avec des carbonates ± magnétite ± sulfures. Les attitudes, textures et assemblages minéraux sont variables d’un décapage à un autre et même au sein d’un seul décapage.

Granophyres Deux types de granophyres ont été identifiés dans le secteur de Golden Moon, le granophyre à grains grossiers et celui à grains fins. Ces unités sont massives, de couleur blanc grisâtre à localement rosâtre et elles renferment localement une forte fracturation. Le granophyre à grains grossiers, l’unité la plus abondante, peut occuper jusqu’à > 90% de la surface des décapages. Sur le décapage de l’indice GRH, uniquement le granophyre à grains grossiers est observé (Figure 2.6). Ce granophyre se caractérise par sa texture grossière à localement porphyrique, et les proportions de quartz et de feldspaths sont quasi identiques. Le granophyre à grains fins se distingue par une granulométrie fine et l’abondance des feldspaths par rapport au quartz. Cette unité peut occuper jusqu’à 8% de la surface des décapages, lorsque présente. Elle se présente en injections dans le granophyre à grains grossiers, communément sous forme lenticulaire (Figures 2.4 et 2.5). Le contact entre ces deux types de granophyres varie beaucoup au sein d’un même décapage (Figures 2.4 et 2.5). Le contact est communément irrégulier, mais, par endroit, il peut être net et droit. Localement, le contact forme des demi-cercles discontinus et de tailles millimétriques, qui se matérialisent par une texture de bordure figée en relief positif. Sur l’indice Golden Moon, des petits dykes d’aplite granophyrique occupent le contact entre ces deux unités. Les granophyres du secteur de Golden Moon présentent des cavités miarolitiques de tailles variables (entre 10 à 50 cm), qui peuvent être localement très abondantes. Ces cavités miarolitiques sont occupées par des minéraux idiomorphes de tailles pegmatitiques, localement à texture radiale (Figure 2.6). De nombreuses poches de carbonates fer, de taille centimétrique à décimétrique et de forme subarrondie, ont aussi été identifiées dans les granophyres du secteur de Golden Moon (Figures 2.4, 2.5 et 2.6). Ces granophyres, dans leur ensemble, ont enregistré une altération faible en carbonates, épidote, et localement en séricite.

Synthèse

La zone d’étude est caractérisée par une variété d’unités géologiques. Les granophyres représentent les unités dominantes. Néanmoins, les deux secteurs cartographiés exposent, globalement, les mêmes types de roches. Deux types de granophyres ont été distingués dans le secteur de Golden Moon, le granophyre à grains grossiers et celui à grains fins. De petits dykes d’aplite granophyrique recoupent ces deux unités. Dans le secteur de Ramsey, seul le granophyre à grains grossiers est présent. Ce dernier est recoupé par un dyke felsique aphanitique qui présente des caractéristiques minéralogiques semblables aux dykes d’aplite présents dans le secteur de Golden Moon. Les granophyres se démarquent aussi par la présence d’importante poches et cavités miarolitiques à minéraux pegmatitiques, qui témoignent de la présence de fluides dans ces unités et d’une mise en place à faible profondeur. Des injections de granophyre dans l’unité d’andésite de la Formation de Waconichi indiquent une mise en place intrusive des unités de granophyre. Des dykes mafiques, d’épaisseur variant entre 10 cm à 5 m, recoupent les granophyres du décapage de l’indice AXE et celui de l’indice Ramsey. La texture et la minéralogie de ces dykes sont très semblables. Il pourrait s’agir de la même famille de dyke. Un de ces dykes a été retrouvé au coeur de la structure minéralisée principale de l’indice Ramsey. Les minéralisations du secteur de Ramsey et celles du secteur de Golden Moon sont de nature, de forme et de style contrastés. Dans le secteur de Ramsey, la minéralisation est est sous la forme de fracture rouillée et sulfurée. Dans le secteur de Golden Moon, la minéralisation est sous la forme de veines de quartz-carbonates ± magnétite ± sulfures, mais avec des styles, textures et assemblages variables au sein d’un même décapage.

Table des matières

RÉSUMÉ
REMERCIEMENTS
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES ANNEXES
CHAPITRE I MISE EN CONTEXTE ET PROBLEMATIQUE
1.1 Introduction
1.2 Problématique générale
1.2.1 Les intrusions litées
1.2.2 Granophyres dans les intrusions litées
1.2.3 Processus de formation des granophyres
1.2.3 Minéralisations associées aux granophyres des intrusions litées
1.3 Les granophyres du Complexe du Lac Doré
1.4 Objectifs
1.5 Méthodologie
1.5.1 Travaux de terrain
1.5.2. Travaux de laboratoire
1.6 Géologie régionale
1.6.1 Cadre stratigraphique
1.6.2 Complexe du Lac Doré
1.6.3 Formation de Waconichi
1.6.4 Géologie structurale
1.6.5 Géologie économique
CHAPITRE II GÉOLOGIE LOCALE DE LA ZONE D’ÉTUDE
2.1 Introduction
2.2 Secteur Ramsey
2.3 Secteur Golden Moon
2.3.1 Granophyres
2.3.2 Dykes d’aplite granophyrique
2.3.3 Dyke mafique
2.4 Autres affleurements
2.4.1 Ferrodiorite du CLD
2.4.2 1.3 Les granophyres du Complexe du Lac Doré
CHAPITRE III CARACTÉRISATION PETROGRAPHIQUES DES UNITÉS LITHOLOGIQUES
3.1 Introduction
3.2 Unités du Complexe du Lac Doré (CLD)
3.2.1 Granophyre à grains grossiers
3.2.2 Granophyre à grains fins
3.2.3 Mélanogranophyre
3.2.4 Ferrodiorite
3.3 Formation de Waconichi
3.3.1 Rhyolite porphyrique
3.3.2 Andésite
3.4 Les dykes
3.4.1 Dyke d’aplite granophyrique
3.4.2 Dyke felsique de l’indice Ramsey
3.4.3 Dykes mafiques de l’indice Ramsey
3.4.4 Dyke mafique de l’indice AXE
3.5 Synthèse
CHAPITRE IV CARACTÉRISATION GÉOCHIMIQUE DES UNITÉS LITHOLOGIQUES
4.1 Introduction
4.2 Classification lithogéochimique des principales unités étudiées
4.2.1 Granophyres du CLD
4.2.2 Ferrodiorite et anorthosite du CLD
4.2.3 Formation de Waconichi
4.2.4 Dykes
4.3 Diagrammes Harker
4.4 Comparaison lithogéochimique entre les granophyres du CLD et les rhyolites de la formation
de Waconichi
4.5 Altérations hydrothermales
4.5.1 Bilan de masse par modélisation de précurseur
4.5.2 Indices d’altération de la Consonorm-LG
4.6 Synthèse
CHAPITRE V MINERALISATIONS DANS LES GRANOPHYRES DU CLD
5.1 Introduction
5.2 Styles des minéralisations
5.3 Pétrographie des minéralisations en sulfures
5.4 Signature en éléments traces des pyrites
5.4.1 Discrimination des pyrites de la zone d’étude
5.4.2 Comparaison aux systèmes minéralisateurs de Chibougamau
5.5 Synthèse
CHAPITRE VI DISCUSSIONS
6.1 Introduction
6.2 Origine des granophyres du CLD
6.2.1 Évidences de terrain et typologie de granophyres.
6.2.2 Évidences pétrographiques
6.2.3 Évidences chimiques
6.2.4 Modélisation géochimique
6.3 Minéralisations dans les granophyres du CLD
6.3.1 Typologie des minéralisations et relation avec l’encaissant
6.3.2 Affinités avec les systèmes minéralisateurs de la région
6.4 Modèle évolutif pour la formation des granophyres du CLD.
CHAPITRE VII CONCLUSION

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