Les droits fondamentaux de l’Homme, parmi lesquels figure le droit à l’intimité de la vie privée, font l’objet d’une protection particulière. Cette dernière passe bien évidemment, par le droit interne, mais également par le droit européen et international, qui permet d’assurer de manière quasi-universelle, l’effectivité des droits fondamentaux. Le droit à l’intimité de la vie privée est donc présent dans diverses sources, qu’elles soient internes, européennes, ou internationales. Constamment, le lien est fait entre domicile et droit à l’intimité de la vie privée – bien que ce droit existe endehors et bien au-delà du domicile.
La création d’une infraction protégeant la vie privée
La condition préalable et sine qua non à la caractérisation du délit de violation de domicile, est la mise en cause d’un domicile. Le domicile se distingue de la propriété. En effet, la propriété ne constitue pas une condition nécessaire ou même suffisante, à caractériser le domicile. La protection de ce dernier ne coïncide pas avec la protection de la propriété. La Cour de cassation dispose à ce titre, que l’article 226-4 du Code pénal « n’[a] pas pour objet de garantir, d’une manière générale, les propriétés immobilières contre une usurpation » . La caractérisation du domicile ne requiert pas non plus qu’une résidence ait été légalement établie.
Un local sera reconnu comme un domicile lorsqu’il entretiendra des liens établis et suffisants avec son occupant. « A cet égard, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que la perspective d’hériter une propriété ne constitue pas un lien concret suffisant pour que cette propriété puisse être considérée comme un domicile». Le domicile n’est qualifié que lorsque l’occupant a entendu faire d’un endroit, le siège de son intimité. A ce propos, la Cour européenne des droits de l’homme, dans un arrêt du 25 septembre 1996, Buckley c. Royaume-Uni, a déclaré que « la notion de domicile au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ne se limite pas au domicile légalement occupé ou établi, mais qu’il s’agit d’un concept autonome qui ne dépend pas de sa qualification en droit interne. La question de savoir si une habitation particulière constitue un domicile relevant de la protection de l’article 8 dépend des circonstances factuelles, notamment de l’existence de liens suffisants et continus avec un lieu déterminé. » C’est également pour cette approche qu’a opté le droit interne, puisque la Cour de cassation se livre à une appréciation subjective du domicile. Une appréciation in concreto s’agissant du délit de violation de domicile, est totalement fondée. En effet, cette infraction vise en réalité à protéger l’intimité de la vie privée de tout individu. Apprécier un domicile de manière objective, in abstracto, peut amener à qualifier de domicile, un endroit où la personne n’aura pas déposé son intimité. Ce type d’appréciation irait alors à l’encontre du but poursuivi par l’article 226-4 du Code pénal. En procédant à une appréciation in concreto, les juges sont amenés à qualifier de domicile, tous les lieux en lien concret avec l’occupant.
La définition large de la notion de domicile conférant une protection étendue de l’intimité de la vie privée
Le domicile constitue « le cadre privilégié dans lequel l’intimité se renferme et s’exprime ».
La notion de domicile n’a pas été définie textuellement par le Code pénal, que ce soit dans l’ancien, ou le nouveau. Pour autant, les juges répressifs n’ont pas opté pour la définition établie par le droit civil. En effet, ils ont dressé leur propre définition du domicile, notion bien plus large que celle retenue en droit civil (comme étant le «principal établissement »). Les juges répressifs ont alors adopté une définition se rapprochant de celle utilisée en procédure pénale, tout en gardant une certaine autonomie. La définition de domicile retenue est alors commune aux articles 226-4 et 432-8 du Code pénal.
Le domicile a tout d’abord été défini par les juges répressifs comme « toute demeure permanente ou temporaire occupée par celui qui y a droit, ou, de son consentement, par un tiers ». Cette définition fut reprise dans nombre d’arrêts, qui disposent notamment que le domicile n’est pas uniquement le lieu où une personne a son principal établissement, mais constitue encore le lieu où, qu’elle y habite ou non, elle a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux. La définition du domicile de la personne physique colle en tous points à cette définition jurisprudentielle (A). En revanche, les contours de la définition du domicile de la personne morale diffèrent quelque peu (B).
A) La protection du domicile de la personne physique
La définition adoptée par la Haute juridiction amène trois constats : premièrement, tout individu peut se dire chez lui, que ce soit dans un local d’habitation, ou ses annexes (1) ; deuxièmement, une occupation effective est nécessaire à la qualification du domicile (2) ; troisièmement, le titre juridique de l’occupation est indifférent (3).
1) La protection des locaux d’habitation et des annexes
Le domicile est « le lieu où une personne a le droit de se dire chez elle », et ce, peu importe qu’il s’agisse d’un local d’habitation ou non. « Le sentiment personnel de l’individu est […] déterminant », car le domicile est protégé au titre de l’intimité de la vie privée. De ce fait, peu importe qu’il s’agisse d’une occupation temporaire, constante, ou pérenne, du moment que l’individu se considère chez lui, dans son intimité.
En premier lieu, et de façon logique, peut constituer un domicile, un local d’habitation. Il peut s’agir d’une maison, d’un appartement (même momentanément inoccupé en raison de travaux), d’une chambre… Il peut également s’agir de tentes, caravanes et d’une manière générale, des abris de camping (C. urb., art. R.443-16).
Ont également été considérés comme domicile par les juges répressifs, les locaux affectés à l’exercice d’un travail ou d’une profession, solution conforme au droit européen.
Au contraire, la Cour de cassation a refusé de reconnaître comme domicile, un immeuble détruit par un incendie, un atelier de ciselure et une fonderie dépourvus des équipements nécessaires à une habitation effective, ou encore, une maison en construction. Les juges répressifs refusèrent de reconnaître la qualité de domicile à ces locaux du fait de leur inhabitabilité patente.
Une voiture automobile n’est pas non plus assimilée à un domicile, comme le dispose un arrêt rendu par la Chambre criminelle, le 11 septembre 1933. Il pourrait toutefois en être autrement dans le cas où la voiture « se trouvait dans un garage ou une cour d’une propriété privée », ou dans le cas où elle serait aménagée à usage d’habitation, comme le soutient notamment le Professeur André VITU.
De la même manière, une cellule de maison d’arrêt où une personne est détenue, n’est pas considérée comme un domicile, tout comme la pièce du domicile d’un tiers, dans laquelle un inculpé s’est fait clandestinement héberger pour se soustraire aux poursuites dont il est l’objet.
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