Approches et classification des systèmes de pronostic
L’élaboration des systèmes pronostique nécessite trois principaux choix : (i)le choix du niveau d’étude (la vision portée sur le système pour l’étudier : composant ou système), (ii)le choix de l’approche (la manière de modéliser le système d’étude) et, (iii)le choix du type de modèle. Ces choix doivent être faits selon les besoins et les ressources disponibles de l’organisation.
Niveau d’étude des systèmes de pronostic
Comme défini par Daigle et al. (M. Daigle, Bregon, & Roychoudhury, 2012), il existe principalement deux niveaux d’étude des systèmes de pronostic : les approches centrées sur les composants et les approches systèmes.
Une grande partie des systèmes de pronostic existants utilise une approche centrée sur la dégradation d’un seul composant du système menant à un maximum de 1, 2 ou 3 modes de défaillance (M. Daigle et al., 2012). Les composants étudiés sont critiques pour le fonctionnement du système et nécessitent une analyse plus poussée de leurs dégradations. Les applications typiques de ce genre d’approche sont la propagation de fissures (Swanson, Michael Spencer, & Arzoumanian, 2000), les batteries (M. Daigle & Kulkarni, 2014) ou encore la corrosion (Kacprzynski, 2006).
Bien que plus rares, différentes contributions proposent des approches système (Abdelwahed & Karsai, 2009; Normand Amyot, Hudon, Lévesque, Bélec, Brabant et al., 2013b; Manuel Chiachío, Chiachío, Sankararaman, Andrews, & Target:, 2017; Cocheteux, 2010; M. Daigle et al., 2012; M. J. Daigle & Goebel, 2013; Garga, McClintic, Campbell, Chih-Chung, Lebold et al., 2001; Gomes, Rodrigues, Galvão, & Yoneyama, 2013; Medina-Olivier, Iung, Barbera, Viveros, & Ruin, 2012; Mooney, 2015; Ribot, 2009). Les approches système sont principalement utilisées pour caractériser des systèmes plus complexes et dont le niveau de certitude demandée sur les résultats est plus faible .
Dans la pratique, comme discuté dans la problématique de recherche, les approches système apportent des possibilités d’utilisation beaucoup plus importantes pour l’organisation. Afin de créer un modèle permettant une vision système, il est nécessaire de définir les interactions existantes entre les dégradations des composants du système.
Approches des systèmes de pronostic
Plusieurs contributions proposant une classification des approches et des modèles de pronostic ont vu le jour ces dernières années et proposent des revues assez exhaustives de l’état de l’art selon les différents secteurs d’activités (Aizpurua & Catterson, 2015; Atamuradov, Medjaher, Dersin, Lamoureux, & Zerhouni, 2017a; BSI, 2004; J. Chiachío, M. Chiachío, S. Sankararaman, A. Saxena, & K. Goebel, 2015; Coble, Ramuhalli, Bond, Hines, & Upadhyaya, 2015; Cocheteux, 2010; Elattar et al., 2016; Heng, Zhang, Tan, & Mathew, 2009; Ribot, 2009; Schwabacher & Goebel, 2007; Si, Wang, Hu, & Zhou, 2011; Sikorska et al., 2011). Les différentes classifications proposées divergent quant à la définition d’une liste exhaustive de catégories comme remarqué par Azura et al. (Aizpurua et al., 2015). La classification des modèles proposée par Elattar et al. (Elattar et al., 2016) représente bien l’ensemble des modèles présents dans la littérature. Les modèles et approches peuvent être classés selon 4 grandes catégories:
• Modèles basés sur les approches de fiabilité;
• Modèles basés sur les données;
• Modèles basés sur la physique;
• Modèle hybride.
Approche de pronostic basée sur les modèles de fiabilité
Les approches basées sur les modèles de fiabilité vont être préconisées pour des équipements dont le risque acceptable de défaillance d’un équipement est peu élevé. Elles consistent généralement à mettre à jour l’estimation de la fiabilité d’un équipement en pondérant sa fiabilité statistique par un ou plusieurs facteurs d’influence spécifiques souvent relatifs au niveau de charge, l’environnement ou bien à l’état de santé. Comparativement au modèle classique de fiabilité uniquement basé sur les approches statistiques, les modèles de pronostic basés sur la fiabilité permettent de tenir en compte de certains paramètres spécifiques et de leur évolution au cours du temps. Ils permettent une meilleure réactivité décisionnelle en cas de changement soudain du comportement de l’équipement.
Ces modèles nécessitent des données de défaillance historiques pour le développement des modèles statistiques ainsi que des données en ligne et historiques des covariables d’intérêt pour chaque équipement d’étude. Une connaissance détaillée de la physique de dégradation n’est donc pas essentielle pour ce type de modèle (Elattar et al., 2016). Par ailleurs, l’utilisation des experts est peut-être requise pour identifier les covariables d’intérêt permettant la pondération des modèles statistiques.
Approche de pronostic basée sur les données
Les approches basées sur les données sont préconisées pour les équipements dont la connaissance de leur physique de dégradation est limitée et les données historiques sont disponibles en grande quantité. Il peut aussi être recommandé d’utiliser ce type d’approche lorsque la physique de dégradation est complexe comme dans le cas où la propagation des mécanismes de défaillance menant aux modes de défaillances est fortement corrélée. Dans ce type d’approche, les modèles sont souvent considérés comme des modèles de type « boîtes noires » dans le sens où il est souvent difficile de comprendre le lien logique entre les données d’entrée consommées par le modèle et les sorties qu’il renvoie (Javed et al., 2017). C’est d’autant plus le cas lorsqu’il s’agit de modèle d’apprentissage comme les réseaux de neurones.
Les modèles basés sur les données sont les plus représentés dans la littérature due à leur facilité d’application, leurs faibles coûts d’implémentation et le peu de connaissances intrinsèques de l’équipement qu’elles requièrent (Elattar et al., 2016).
Approche de pronostic basée sur la physique de défaillance (PoF)
Comment quantifier de manière dynamique la probabilité d’occurrence des modes de défaillance lorsque les données historiques sont rares? . les technologies PHM proposent des approches attrayantes. À la différence des approches basées sur les données, les approches PoF peuvent être appliquées même si les données historiques sont rares. Elles se basent sur la compréhension des processus de dégradation et sont conçues pour modéliser les mécanismes de défaillance des équipements basés sur les connaissances de la physique, en appliquant les lois physiques et les modèles mathématiques existants (Gu & Pecht, 2008). Dans de telles approches, les données de diagnostic sont utilisées pour mettre à jour l’estimation de l’état à la date de prédiction, surveiller les conditions de charge ou affiner certains paramètres spécifiques du modèle (approche hybride) (Javed et al., 2017). Plusieurs travaux notables ont été publiés sur les approches PoF dans la littérature, notamment dans le domaine du pronostic des batteries (C. Kulkarni, Ceyla, Biswas, & Goebel, 2012; C. S. Kulkarni, Biswas, Celaya, & Goebel, 2013), des matériaux composites (Juan Chiachío, Manuel Chiachío, Shankar Sankararaman, Abhinav Saxena, & Kai Goebel, 2015; Manuel Chiachío, Chiachío, Sankararaman, Goebel, & Andrews, 2017) et des métaux (Corbetta, Sbarufatti, Manes, & Giglio, 2014, 2015). Gu et Pecht (Gu et al., 2008) ont proposé une méthodologie générique pour les modèles pronostiques PoF basée sur l’analyse des modes, des mécanismes de défaillance et de leurs effets qui ont ensuite été adaptés par Kwon et al. (Kwon et al., 2016) .
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