Greenpeace: un groupe d’intérêts engagé depuis plus de 40 ans
Dans ce contexte d’ urgence climatique expliqué précédemment, le groupe qui retient notre attention est Greenpeace et plus spécifiquement leurs groupes du Canada et de la France. Fondé en 1971 , ce groupe d’ intérêt environnemental « existe parce que notre terre fragile a besoin d’une voix. Elle a besoin d’une solution. Elle a besoin de changements. Elle a besoin d’action » (Greenpeace, 2019a). Plus précisément, c’est une organisation internationale qui représente un véritable contre-pouvoir indépendant. Cette association reconnue mondialement jouit d’une indépendance financière et politique qui a fondé sa notoriété en menant des actions directes non violentes et médiatiques (Frérour, 2003 : 421). Depuis plus de quarante ans, Greenpeace a contribué à d’ importants changements à travers le monde et a remporté de nombreux succès grâce à un réseau international d’ organisations indépendantes qui agissent selon les principes de non-violence pour protéger l’ environnement, la biodiversité et pour promouvoir la paix. Le tout en s’appuyant sur un mouvement citoyen engagé pour construire un monde durable et équitable. Afin d’agir sur les causes des atteintes à l’ environnement, des inégalités et des conflits, ils travaillent avec des communautés du monde entier pour responsabiliser les gouvernements et les entreprises. En plaçant le pouvoir citoyen au coeur de leurs campagnes, ils donnent une résonnance au travail de toutes celles et tous ceux qui partagent leur vision, leurs espoirs et leurs convictions qu’un monde durable et équitable est possible. De nos jours, Greenpeace est l’ organisation environnementale la plus connue au monde. Elle est présente dans plus de 55 pays et compte des millions d’adhérent.e.s (Greenpeace, 2019b).
Pour Éric Dacheux (1997), le succès de Greenpeace repose sur quatre facteurs centraux: l’ indépendance financière et politique (idée également avancée par Nadège Frérour), une organisation bien huilée, un positionnement clair et stable ainsi qu’une communication parfaitement maitrisée (Dacheux, 1997 : 196-197). Afin d’ assurer une présence accrue aux quatre coins du globe, Greenpeace possède des bureaux dans plusieurs pays tels que le Canada, la France, les États-Unis, l’Inde, le Pérou et au sein de plusieurs autres (Greenpeace, 20 19c). Toutefois, dans l’optique d’optimiser leurs services, la coordination des actions de communication est assurée par le bureau central situé à Londres (Frérour, 2004 : 430). Comme mentionné, en ce qui concerne notre mémoire, nous nous intéresserons précisément à Greenpeace Canada et à Greenpeace France. Ces deux factions agissent selon des principes de non-violence afin de protéger l’environnement et la biodiversité. Leur mission principale est d’ assurer la capacité de la Terre à nourrir la vie dans toute sa diversité.
Cela signifie qu’ ils désirent protéger la biodiversité sous toutes ses formes, prévenir la pollution et l’abus des océans, des terres, de l’air et de l’eau douce, mettre fin à toutes les menaces nucléaires, promouvoir la paix, le désarmement mondial et la non-violence (Greenpeace, 2019d). Au fil des années, Greenpeace a fondé sa notoriété en menant des actions directes non violentes et médiatiques qui ont marqué les esprits. Par exemple celle portée contre l’oléoduc Trans Mountain au Canada (Greenpeace, 201ge) ou même celle visant à sensibiliser aux déchets nucléaires en France (Greenpeace, 2019f). Lors de ces coups médiatiques, Greenpeace veille toujours à la maitrise de son image afin de mobiliser l’ opinion publique à l’échelle de la planète par l’ intermédiaire des médias de masse (Dieye et al., 2018). Additionnée à leur recours aux appuis d’études scientifiques, la stratégie de communication médiatique de l’ organisation facilite le travail de publicisation des problèmes environnementaux et permet d’ investir l’espace politique en pesant davantage dans les rapports de force (Dieye et al., 2018). Face à leurs nombreuses campagnes, il est pertinent de se demander de quelles façons ces deux groupes de Greenpeace communiquent et sensibilisent aux nombreux enjeux environnementaux sur leurs réseaux socionumériques? Du fait que ce groupe environnemental a réussi, depuis des années, à sensibiliser la population et les gouvernements aux différents enjeux écologiques. Ci-dessous deux clichés de campagnes récentes (Figure 6 et 7) au Québec et en France.
Les mouvements sociaux
Avant même d’aborder le concept de groupe d’ intérêts, nous devons nous intéresser aux mouvements sociaux, car ce concept est parfois confondu avec celui de groupes d’ intérêts. Est-ce deux entités différentes? Non, nous ne croyons pas que ce sont des entités différentes. Nous soutenons plutôt l’ idée de chercheurs tels Erik Neveu (2015) ainsi que Sabine Saurugger et Emiliano Grossman (2006), comme quoi les mouvements sociaux englobent différents groupes d’ intérêts. Selon Neveu (2015), les mouvements sociaux s’ attardent à la connotation d’ alacrité et de publicité, c’ est une dynamique qui vient du bas possédant un potentiel démocratique. Il ajoute que les mouvements sociaux se mobilisent autour d’une cause précise, en utilisant un répertoire d’actions protestataires 1 qui se distingue de la participation politique électorale et qui comporte une dimension de confrontation organisée face à un adversaire. La plupart du temps, les mouvements sociaux n’existent que contre un adversaire qui peut être une administration, une entreprise, un lobby quelconque et même un groupe social, explique Neveu (2015 : 61). Ceci dit, qu ‘ est-ce qui différencie les groupes d’intérêts des mouvements sociaux? Pourquoi affirmons-nous que les mouvements sociaux englobent les groupes d’ intérêts? La page web, Le Poliliste, offre une définition grand public des groupes d’ intérêts qui sont alors présentés comme « des organisations cherchant à influencer le pouvoir, mais qui, contrairement aux partis [politique], ne participent pas directement à la compétition politique » (Le Politiste, 2019).
Cette définition simple, mais utile, peut tout de même être très édifiante pour des gens qui ne connaissent pas le concept. De leur côté, les chercheurs Saurugger et Grossman (2006) définissent le groupe d’ intérêts comme une « entité qui cherche à représenter les intérêts d’une section précise de la société dans l’espace public » (2006 : 7). Selon eux, en ce qui concerne les groupes d’ intérêts environnementaux, de manière générale, ils ont à coeur des « intérêts publics ». Ceux-ci, selon Cédric Polère (2007: 6), représentent « des intérêts non économiques [ .. . ] fondés sur une croyance ou un principe [ … ] et agissent pour le bien de l’ensemble de la communauté ». Par exemple, notons dans ce sens, le groupe québécois Équiterre qui agit pour le bien commun en : « Propos[ant] des solutions concrètes pour accélérer la transition vers une société ou les citoyens, les organisations et les gouvernements font des choix écologiques qui sont également sains et équitables. [ … ] Par des projets de démonstrations, d’ éducation, de sensibilisation, de recherche, d’accompagnement et de mobilisation, Équiterre mobilise des citoyens, groupes sociaux, entreprises, organisations publiques, municipalités, chercheurs et des élus qui influencent les politiques publiques des gouvernements » (Équiterre, 2019).
Toujours selon Polère (2007), à l’opposé, nous retrouvons les groupes d’ intérêts privés qui « défendent un intérêt commun à leurs membres » (p. 6). Au Québec, comme exemple de groupe d’intérêts privés, on peut penser au Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE), qui est un lieu de réseautage pour les divers organismes voués à la protection de l’environnement ainsi qu’ à l’émergence d’une société verte et écologique: « Le RQGE favorise la mise en commun des connaissances et des actions des membres. Le RQGE représente les groupes dans leurs revendications communes auprès du gouvernement, notamment concernant une reconnaissance concrète et un financement adéquat du mouvement environnemental pour ses apports à la protection du patrimoine naturel, à la santé publique et au mieux-être de la société québécoise » (Réseau québécois des groupes écologistes, 2019). Dorénavant, à la lumière des conceptualisations récemment présentées, nous considérons Greenpeace Canada et Greenpeace France comme des groupes à intérêts environnementaux, mais également comme étant des « groupes d’ intérêts publics » comme qu’envisagé par Saurugger et Grossman (2006).
Toutefois, est-ce que les Français.e.s possèdent la même définition des groupes d’ intérêts que les Canadien.ne.s? Peuvent-ils.elles avoir recours à un autre concept? De façon générale, en Europe, il utilise plutôt le terme ONG lorsqu’il est question de groupes d’ intérêts. De plus, en France, les spécialistes utilisent également le terme Association loi de 1901 qui réfère explicitement aux ONG. Par définition, une association loi de 1901 peut exercer ou non des activités commerciales (Service-public, 2019). Nous pouvons donc soutenir l’idée qu ‘une association loi de 1901 englobe les concepts des groupes à intérêts publics et privés. Selon Jenny Etzell (2005), en France, un certain nombre d’ONG centrées sur la protection de l’environnement jouent un rôle essentiel dans le débat sur le changement climatique, ainsi qu’au niveau de la politique où elles ont les moyens d’ exercer une influence sur le processus de prises de décisions des gouvernements et des entreprises (Etzell, 2005: 5-6). Nous pouvons utiliser le scandale Kit Kat à titre d’exemple. En 2010, Greenpeace a poussé le géant Nestlé à renoncer à l’ usage de l’ huile de palme dans ses produits (Seibt, 2010). Cet exemple démontre que les ONG jouent un rôle de premier plan puisqu’ elles exposent au public la situation environnementale actuelle et dévoilent certaines pratiques douteuses de grandes entreprises. Dans le même ordre d’ idées, Sandra Mellot (2017) cite le sociologue français Pierre Bourdieu en ajoutant que « :[ … ] la magie performative du pouvoir d’ instituer, pouvoir de faire voir et de faire croire ou, en un mot, de faire reconnaitre [ … ] » (Bourdieu, 1979 : 5), dont les ONG sont investies, s’appuie sur un constat de défaillance individuelle dans la construction de valeurs durables pour l’existence (Mellot, 2017 : 399). Les ONG apportent « des images et du sens » (Aubertin, 2002 : 112) à la notion de mode de vie durable et sensibilisent les individus à des formes de représentation du monde légitimant des modes d’action estime Mellot (2017 : 399).
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