Portrait démographique général des peuples autochtones et des Premières Nations au Canada
Le terme Premières Nations est apparu au cours des années 1970 afin de remplacer le terme Indien. Aucune définition officielle ou juridique de cette expression n’existe au Canada et le terme Indien continue d’être utilisé pour des raisons juridiques selon le ministère des Affaires autochtones et développement du nord Canada (AADNC, 2013a). Plusieurs communautés se désignent elles-mêmes par cette expression, tout en mettant de l’avant leur appartenance culturelle particulière, souvent exprimée dans leur langue respective – par exemple, Innu, Atikamekw Nehirowisiw, Wendat, Eeyou, Naskapi, Anishinabeg. Les personnes des Premières Nations au Canada désignent les Indiens, qu’elles possèdent ou non le statut d’Indien inscrit ou des traités4. Les Indiens sont, à l’instar des Métis et des Inuits, l’un des trois peuples autochtones reconnus par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 19825. Les expressions autochtones et Premières Nations seront utilisées pour la suite d’après ce cadre de référence. Mentionnons d’entrée de jeu qu’il est difficile d’estimer de façon juste la valeur des indicateurs relatifs aux communautés autochtones au Canada à partir des principales banques de données statistiques disponibles.
Parmi les limites de ces dernières, relevons la faible participation des personnes des Premières Nations aux enquêtes de recensement. Par ailleurs, certaines données recueillies au sein de petites communautés ne sont pas présentées pour des questions de confidentialité. Aussi, les organisations initiant de telles enquêtes utilisent des critères différents et difficilement comparables pour déterminer l’identité des répondants : Statistique Canada compile par exemple des résultats obtenus à partir de déclarations volontaires quant à l’identité culturelle autochtone6, alors que le ministère AADNC fonde ses échantillons à partir de critères législatifs (par exemple, statut d’Indien) et administratifs (vivre à l’intérieur ou à l’extérieur des territoires des réserves) (Dupuis, 2001). Ceci étant dit, 4,9% de l’ensemble de la population canadienne a déclaré être d’identité autochtone dans le dernier recensement national en 2016, soit 1 673 785 personnes (Statistique Canada, 2017b). Cette proportion était de 3,8% en 2006, de 3.3% lors du recensement de 2001 et de 2,8% en 1996 (AADNC, 2013b). En 2006, le Canada était le deuxième pays ayant la plus forte proportion de personnes autochtones au sein de la population, après celle de la Nouvelle-Zélande (15%) (Statistique Canada, 2008).
La population autochtone constituerait, d’après les données disponibles, l’un des groupes au Canada connaissant la plus forte augmentation de leur population. La population autochtone a augmenté de 487% entre 1971 et 2011, alors que la population canadienne augmentait de 52% au cours de la même période (AADNC, 2013b). La population autochtone est aujourd’hui en plus forte croissance que la population totale au Canada. Au cours des dix dernières années, de 2006 à 2016, le taux de croissance de la population autochtone représentait quatre fois celui de la population non-autochtone7. D’après les projections de Statistique Canada (2017b), l’ensemble de la population autochtone atteindrait 2,5 millions de personnes d’ici une vingtaine d’années. Statistique Canada (2017b) attribue la hausse constatée en 2016 à trois principaux facteurs soit, la croissance naturelle de la population, la mobilité ainsi que des changements dans l’auto-identification des personnes. En ce qui a trait aux personnes des Premières Nations plus spécifiquement, elles représentent en 2016 plus de la moitié (58,4%) de l’ensemble de la population autochtone. Rappelons qu’il s’agit de l’ensemble des personnes ayant déclaré cette identité autochtone, qu’elles soient membres ou non d’une Première Nations/bande indienne ou détiennent, ou non, le statut d’Indien inscrit ou des traités. Au cours des dix dernières années, de 2006 à 2016, la population des Premières Nations a augmenté de 39,3% dans l’ensemble du pays8. Plus de la moitié des personnes des Premières Nations vit dans les provinces de l’Ouest canadien (17,7% en Colombie-Britannique, 14,0% en Alberta, 13,4% au Manitoba, 11,7% en Saskatchewan), près du quart (24,2%) vit en Ontario, et 9,5% de la population totale des Premières Nations au Canada vit au Québec9.
Croissance des personnes des Premières
Nations vivant en milieux urbains Globalement, la population autochtone au Canada se caractérise entre autres par une grande mobilité entre les zones rurales, urbaines, métropolitaines et les espaces des réserves (Centre de collaboration nationale de la santé autochtone [CCNSA], 2012). À l’échelle nationale en 2006, 53% des personnes s’identifiant comme membre d’un groupe des Premières Nations, des Métis ou des Inuits, résidaient en milieu urbain et 34% d’entre elles résidaient dans l’une de ces cinq grandes villes canadiennes : Winnipeg, Edmonton, Vancouver, Calgary et Toronto (Statistique Canada, 2010). De 2006 à 2016, la population autochtone a plus que doublé dans sept régions métropolitaines de recensement au pays, dont Saguenay, tout comme Québec et Sherbrooke (Statistique Canada, 2017b). Proportionnellement, davantage de femmes que d’hommes s’identifiant comme membre d’une Première Nation résident hors d’une réserve; en 2006, cette proportion s’élevait à 50% des femmes et 45% des hommes (Statistiques Canada, 2008). Au Québec, plus de 25 000 personnes des Premières Nations (30% de la population totale), inscrites ou non-inscrites, résideraient ailleurs qu’au sein des réserves – en milieu urbain ou rural (SAA, 2012). Plus spécifiquement, plus d’une cinquantaine de villes de la province comptent une proportion significative de personnes autochtones au sein de leur population. Mis à part les grands centres urbains, certaines villes de taille moyenne font figures de pôles régionaux tels que Saguenay, Val-d’Or, Gatineau ou encore Trois-Rivières (Cloutier et Lévesque, 2011).
L’augmentation de la population des Premières Nations serait davantage marquée « à l’extérieur qu’à l’intérieur des communautés » (Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador [APNQL], 2014). La croissance statistique de la population des Premières Nations en milieu urbain relève d’une multitude de facteurs. Certains soulignent que la migration des jeunes adultes ou familles des Premières Nations vers les villes s’est accentué plus récemment au Québec que dans d’autres provinces du pays. « Dans l’Ouest canadien, ils en sont à une troisième génération à vivre en ville, alors qu’au Québec, les autochtones en sont aux premières générations10 » (Coté, Girard, Leblanc et Kurtness, 2013). Néanmoins, les données statistiques disponibles à propos de la démographie des Premières Nations en et hors réserve permettent de réfuter l’hypothèse de leur migration massive vers les villes (AADNC, 2013c). Certains facteurs ont conduit à une plus grande reconnaissance et visibilité de la présence des Premières Nations en milieu urbain. La hausse démographique de cette population au sein des villes depuis le milieu du 20ème siècle, l’émergence d’organisations communautaires urbaines y étant dédiées, de même que certaines actions de résistance politique, ont forcé l’attention croissante des différentes instances politiques à l’égard des enjeux touchant cette population (Newhouse et Peters, 2003; Peters, 2011a). La hausse (apparente) des Premières Nations au sein de plusieurs villes et municipalités canadiennes au cours des soixante dernières années peut être expliquée par nombre de facteurs d’ordre démographique, mais aussi socioéconomique, juridique et identitaire.
Appréhender le chez soi
Les significations retenues pour qualifier et définir le chez soi sont multiples. Dans le cadre de cette étude, certains thèmes retiennent davantage l’attention: identités et territoires apparaissent intimement liés au chez soi dans l’ensemble des travaux consultés. Au sens commun, le chez soi peut signifier un refuge, un attachement, une affection, la liberté personnelle ou encore une possession (Porteous et Smith, 2001). Somerville (1992) soutient que le chez soi peut revêtir au moins six ou sept sens, lesquels peuvent être compris en considérant leur portée symbolique, la façon dont ils évoquent un sentiment de sécurité, et les modes de relations à soi et aux autres. Le chez soi peut signifier un refuge (shelter), un foyer pour le corps (hearth), un foyer pour le coeur (heart), un espace privé (privacy), des racines (roots), là-où-je-vis (adobe – minimal meaning), et enfin un paradis (paradise). Bien que ce paradis réfère à une conception idéale du chez soi, l’auteur a préféré l’inclure en considérant que dans l’une ou l’autre des diverses significations retenues, un flou similaire existe entre l’idéal et la réalité : chaque personne tente de construire sa réalité en fonction de ce qu’elle considère comme se rapprochant d’un idéal (Somerville, 1992). La notion de chez soi serait une réalité physiquement, psychologiquement et socialement construite à la fois dans sa forme réelle qu’idéale (Somerville, 1997).
Parler du chez soi implique presque toujours une part d’idéal, d’une valorisation de l’identité des personnes en faisant partie (Zielinski, 2015). La notion de chez soi idéal est donc souvent mise en opposition avec celle du chez soi réel (Mallet, 2004). Certains auteurs avancent que ces deux aspects font partie intégrante du concept du chez soi et préfèrent ainsi parler d’une relation de tension plutôt que d’une opposition; la réalité et l’idéal influençant conjointement les représentations de ce concept et les expériences vécues (Jackson, 1995). Le chez soi idéal ne constitue pas une expérience fixe, une « vérité éternelle », pouvant être utilisée comme référence dans la définition du chez soi (Massey, 1994). Les frontières d’un espace nommé chez soi sont perméables et instables. De plus, la conception du chez soi n’est pas uniquement attribuable aux sentiments et expériences vécues, mais repose aussi sur des cognitions et des constructions mentales : une personne peut ainsi avoir une conception du chez soi sans avoir l’impression d’en avoir jamais fait l’expérience directe (Gurney, 1990, cité dans Somerville, 1992). Les représentations du chez soi se construisent à partir d’un contexte donné, à partir des valeurs et besoins et idéaux d’une personne, de la société dans laquelle elle vit, de même que de la culture à laquelle elle s’identifie (Veness, 1993).
RÉSUMÉ |