Événements à potentiel traumatique vécus à la Commission Scolaire des Rives-du-Saguenay
Le portrait de la Commission scolaire des Rives-du-Saguenay (CSRS) permet de saisir les risques potentiels liés à l’organisation géographique et aux différentes vulnérabilités. En effet, la CSRS dessert neuf municipalités situées dans la Municipalité régional de comté (MRC) Le-Fjord-du-Saguenay sur un territoire d’environ 212 km de longueur. Elle offre des services d’enseignement dans plus de 45 établissements et participe à des missions sociales par le partenariat avec des organismes comme par exemple, le Centre de réadaptation en déficience intellectuelle (CRDI) et autres partenaires. Pour l’année 2016-2017, cette commission scolaire regroupait près de 11 000 élèves, enfants, adolescents et adultes. En dehors des heures de formation, 22 établissements primaires offrent des services de garde. Pour servir toutes ces clientèles, plus de 1 400 employés réguliers ainsi que près de 800 employés temporaires sont quotidiennement au travail. De plus, plus de 120 autobus transportent les bénéficiaires de services (Commission scolaire des Rives-du-Saguenay, 2017).
Au cours des dix dernières années, des écoles de la CSRS ont été affectées par divers crises ou événements à potentiel traumatique que ce soit des fuites de gaz, des appels à la bombe, des incendies, des décès d’élèves et de membres du personnel par accident ou par suicide, des tentatives de suicide ou des décès d’élèves ou de membres du personnel de l’école causés par des maladies. De plus, des confinements à la suite de menaces potentielles provenant de l’extérieur ou à des opérations policières se déroulant à proximité, des interventions policières dans des cas de trafic de drogues, des désorganisations violentes de parents ou d’élèves, de l’intimidation, des bagarres, des gestes de violence et des menaces sont également des événements qui ont déjà été vécus dans l’un ou l’autre des établissements scolaires qui sont sous l’égide de la CSRS. Les vocations des écoles et des centres de formation sont nombreuses et les responsabilités qui incombent aux enseignants, aux directions et aux autres membres du personnel sont multiples.
Vocations des établissements d’enseignement lors d’événements à potentiel traumatique
La première mission des établissements d’enseignement du Québec en ce qui concerne les mesures d’urgence est de fournir des milieux sains et sécuritaires aux élèves et aux travailleurs. En effet, le plan d’action pour prévenir la violence à l’école propose différentes stratégies de prévention et d’intervention afin de fournir à l’ensemble de la clientèle des environnements sains et sécuritaires (Ministère de l’Éducation du Loisir et du Sport, 2011). Ainsi, des mesures doivent être privilégiées pour : « Déterminer, prévenir et diminuer les risques de voir apparaître les événements violents auxquels peuvent être exposés les acteurs du milieu scolaire et les propriétés (la prévention, la préparation, l’intervention et le rétablissement). Limiter les conséquences physiques et psychologiques sur les personnes ainsi que les dommages sur l’environnement et sur la propriété qui peuvent découler d’événements violents dans le milieu scolaire. Améliorer l’état de préparation et de réponse de tous les intervenants concernés lors de l’irruption d’événements à caractère violent (formation du personnel, communication efficace, etc.).
Élaborer un plan d’intervention en situation d’urgence structuré qui prend en compte tous les éléments considérés dans la démarche, notamment un protocole d’intervention en situation de crise. Établir la collaboration avec les services de police et déterminer les moments, les objets et les modalités de la présence policière à l’école » (p. 17-18). Dans un contexte de promotion des comportements sains et sécuritaires et de prévention concernant les situations en mesures d’urgence, plusieurs écoles développent des stratégies adaptées à leur réalité qui visent à diminuer les risques d’apparition des problèmes liés aux événements traumatiques qui sont décrits dans des sections subséquentes. Le projet d’école en santé, les stratégies de lutte à l’intimidation et à la violence et l’identification des risques sont des exemples concrets des orientations mises de l’avant par le gouvernement (Ministère de l’Éducation Direction des communications, 2003; Ministère de l’Éducation du Loisir et du Sport, 2011). Des stratégies pour préparer les personnes en place à agir sont aussi prioritaires. Des auteurs stipulent que les établissements qui préparent le personnel enseignant à intervenir lors de situations ou événements déstabilisants sont plus efficaces en cas de crise (Waters-Johnson, 2013).
Lorsqu’il n’y a que quelques personnes qui sont préparées à l’action, les conséquences peuvent être grandes. En l’absence de ces personnes, le milieu se retrouve alors dans la tourmente. De plus, la préparation et la réponse communautaires à plus long terme semblent négligées (Brophy, Maras, et Wang, 2015; Gold et al., 2013). Le terme communautaire est employé ici car le milieu scolaire répond à différents critères rapportés par des auteurs. En effet, Chaskin, cité dans Maltais et Larin (2016), présente certaines façons de voir la communauté qui correspondent au milieu scolaire. Entre autres, il mentionne qu’elle est : « Une unité affective caractérisée par les relations entre ses membres, le partage de normes et de circonstances communes; » ainsi qu’un « réseau de relations entre individus » (Maltais et Larin p. 54). Au-delà des crises qui se déroulent à l’intérieur des murs des établissements scolaires, des événements traumatiques survenus à l’extérieur peuvent influencer le travail quotidien des différents membres du personnel des écoles. Les événements vécus au Québec au cours des 25 dernières années permettent de constater l’instauration d’autres vocations pour les établissements scolaires lorsque survient un événement hors de l’ordinaire. Par exemple, lors du déluge du Saguenay en 1996 ou de la crise du Verglas en 1998, plusieurs établissements d’enseignement sont devenus des centres d’hébergement pour les sinistrés. Dans une autre perspective, des événements extérieurs peuvent obliger le personnel des écoles à mettre en place des actions pour aider leur clientèle à traverser les moments difficiles et à se rétablir après la survenue de sinistres. À ce sujet, une étude réalisée en milieu scolaire concernant l’attentat du Marathon de Boston stipule qu’en réponse aux catastrophes, le personnel scolaire peut identifier et soutenir les élèves présentant des difficultés de santé mentale, ayant besoin de services post-crise et il peut les référer à des services internes ou externes au besoin (Green et al., 2016).
Rôles du personnel des milieux scolaires en mesures d’urgence, en particulier celui des enseignants Au quotidien, les membres du personnel des milieux éducatifs accompagnent les jeunes et les moins jeunes afin qu’ils acquièrent des savoirs, qu’ils développent leur savoir-faire dans un contexte où le savoir-être est déterminant. Les modèles d’attitudes et de comportements transmis quotidiennement par les enseignants influenceront le devenir des apprenants. La relation qu’ils entretiennent avec leurs élèves influenceront leurs résultats scolaires mais aussi leur sentiment de bien-être (Noam, Fiore, Fredriksen, et Rhodes, 2004). Ainsi, « L’acte d’enseignement, loin d’être purement cognitif est d’abord et avant tout un acte social et affectif. Particulièrement, nombre de recherches montrent que le climat scolaire influe sur le bien-être professionnel des enseignants et des élèves et participe à la satisfaction, la motivation, la santé et la performance des acteurs du système ». (Gendron, 2007, p. 3). Dans cette perspective, la Loi sur l’instruction publique stipule que les enseignants contribuent à l’évolution complète de l’individualité de chaque élève et lui transmet l’envie d’enrichir ses connaissances (Loi sur l’instruction publique, RLRQ, c. I-13.3).
Ils lui transmettent les valeurs véhiculées dans le milieu telles que le respect, les droits humains et la justice. Les rôles des enseignants sont multiples et la recherche actuelle n’a pas pour objectif d’établir un portrait exhaustif de toutes ces dimensions. Cependant, il est primordial de comprendre qu’en plus des fonctions liées au contenu pédagogique, à l’enseignement, à la planification, à l’évaluation des apprentissages requis pour l’atteinte des objectifs académiques et à la gestion du groupe-classe, la tâche des enseignants est complexe et les compétences requises s’intéressent au développement intégral des élèves. Le gouvernement du Québec fait état de douze compétences que doivent avoir les enseignants. Entre autres, ils doivent favoriser la socialisation des élèves dans un contexte particulier qu’est l’école en adaptant leur enseignement à chaque élève qui présente des difficultés ou des défis particuliers (compétence 7). Cette compétence vise l’intégration, la réponse aux besoins spécifiques et le développement de stratégies efficaces pour l’évolution de chacun des élèves. Les enseignants doivent également collaborer avec les différents acteurs internes et externes ainsi qu’avec les parents (compétence 9). Cette collaboration favorise des orientations communes et l’implication de chacun des acteurs essentiels au cheminement des élèves. En plus de s’engager dans une démarche réflexive autant personnelle que collective, les enseignants doivent agir de façon éthique dans l’exercice de leurs fonctions quotidiennes (compétence 12) (Grenier, 2008; Martinet, Raymond, et Gauthier, 2001). L’ensemble de ces compétences et de ces rôles représentent une tâche complexe.
Lorsque vient le temps d’agir quand survient un événement à potentiel traumatique, les enseignants doivent procurer un environnement sain et sécuritaire aux élèves et ils se doivent, en compagnie des autres membres du personnel, d’intervenir si une personne est en danger, et ce, sans assumer les rôles et les responsabilités des intervenants psychosociaux. Leur rôle se poursuit aussi même après l’événement car la mission des écoles est vaste. « Ce sont des endroits pour aider les élèves à se remettre de la tragédie car elles sont rarement fermées après un événement traumatisant. Cela aide les étudiants à maintenir un sens de la routine et de la normalité… L’école peut donner un sentiment de sécurité dans une situation chaotique et offre aux enfants un refuge dans lequel ils peuvent guérir et revenir au travail d’apprentissage. » (Love et Cobb, 2012, p. 159). En plus de la gestion même de la crise, le rétablissement commence à se concrétiser dans les premiers instants qui suivent la période de tumulte (Love et Cobb, 2012). Pour ce faire, Brock et Cowan (2004) abordent l’importance des comportements des adultes du milieu scolaire au cours d’une crise. Ils mentionnent que les réactions du personnel, qui agit comme modèle digne de confiance, contribueront à la création d’idées plus subjectives à la suite de l’événement. Ils notent également que l’idée que la personne se fait d’un événement, perçu comme menaçant ou non-menaçant, contribuera à la façon dont elle se rétablira.
RÉSUMÉ |