Évaluation de la toxicité d’une substance
Le degré de résistance des organismes vivants à une substance nocive est évalué à 1 ‘aide de tests toxicologiques. Les mécanismes d’action d’un composé chimique sur un organisme vivant sont liés à sa spéciation, c’est-à-dire aux formes chimiques sous lesquelles il se présente. La spéciation d’un composé est fonction des propriétés physicochimiques du milieu tels le pH et les conditions d’oxydoréduction (Howard, 1998).0n détermine le potentiel toxique d’une telle substance en caractérisant son action auprès d’une population. L’estimation de la mortalité provoquée par une substance toxique dans des conditions expérimentales standardisées sur un échantillon d’une population d’une espèce de référence permet l’évaluation des diverses formes de toxicité du composé toxique donné (Environnement Canada, 2002). Plusieurs types d’essais visant à évaluer la toxicité aiguë, sublétale et chronique existent. Cependant, la durée actuelle de la plupart des tests (96 heures) permet surtout de déterminer la toxicité aiguë et sublétale (Chevalier, 1995).
L’évaluation de la toxicité des effluents m1mers à l’aide d’organismes macroscopiques comme les daphnies, des invertébrés aquatiques et des poissons présente plusieurs désavantages. En effet, il existe d’importantes lacunes au niveau de la reproductivité des résultats. De plus, ces tests ne permettent pas d’évaluer la toxicité des effluents faiblement contaminés, car leur exécution est complexe et ils sont dispendieux (Gray et O’Neill, 1997). La nouvelle réglementation fédérale sur les effluents des mines de métaux suit les recommandations proposées par Whitlock et Mudder (200 1 ), en exigeant des compagnies minières qu’elles effectuent un suivi des effets sur l’environnement aquatique. Dans le cadre de ce suivi, les entreprises doivent analyser l’eau des effluents, afin de respecter les limites prescrites dans la loi (Environnement Canada, 2002). Elles doivent également effectuer des tests de létalité aiguë chez les truites arcen- ciel et les daphnies. Afin de vérifier si l’effluent de la mine affecte les poissons, les invertébrés ou les plantes aquatiques, les entreprises doivent effectuer des tests de toxicité sublétales sur des organismes dulcicoles ou marins, selon le type de milieu récepteur étudié. Les compagnies minières sont également dans l’obligation de réaliser des études de suivi biologique des poissons et des communautés d’invertébrés benthiques (Environnement Canada, 2002).
Sources potentielles de contamination des eaux
Lors des activités d’extraction de minerai et de traitement des métaux précieux et de base, la principale source de contamination des eaux provient de l’oxydation des minéraux sulfurés contenus dans les murs des galeries souterraines, les parois des fosses à ciel ouvert, les parcs à résidus et les haldes de roches stériles. Les minéraux sulfurés, lorsqu’ils sont exposés à l’air, subissent une oxydation provoquant une acidification des eaux. Cette eau très acide dissout les métaux contenus dans certains minéraux. Lorsqu’ils se retrouvent dans le milieu récepteur, ces métaux peuvent affecter grandement la faune et la flore. Les mines de métaux de base sont en première ligne de la génération d’acidité des eaux, mais certains sites miniers de métaux précieux sont également concernés (Ministère de l’Environnement et de la Faune, 1998). Une autre source potentielle de contamination du milieu aquatique provient de l’activité de traitement du minerai. Lors du traitement de minerai, les divers réactifs organiques et inorganiques utilisés sont susceptibles de se retrouver dans l’effluent de l’usine de traitement du minerai et, par la suite, dans celui du parc à résidus. Dans les effluents des usines de traitement de métaux précieux, des cyanures ainsi que des produits de leur dégradation, tels que l’ammoniac, sont parfois observés à l’effluent final (Ministère de l’Environnement et de la Faune, 1998; Ritcey, 1989). Les effluents miniers peuvent aussi contenir des matières en suspension et divers autres polluants. Ainsi, certains composés azotés, dont l’ammoniac, sont générés lors des activités de dynamitage. Par ailleurs, les activités d’extraction peuvent occasionner la présence d’huiles et de graisses dans les effluents ( e.g. U.S. Environmenta] Protection Agency, 1994a, 1994b et 1994c; Ministère de l’Environnement et de la Faune, 1998).
Réactifs de flottation
Après que les minéraux d’intérêt soient séparés de la gangue lors de la flottation, les résidus contenant de 20 à 50 % de solide sont éliminés. En plus des minéraux de la gangue, on y retrouve de faibles concentrations de minéraux économiques. La partie liquide est, quant à elle, composée d’eau, de solides dissous ainsi que de faibles quantités des réactifs non consommés lors du processus de flottation (U.S. Bureau of Mines, 1984). Différents auteurs se sont intéressés à la toxicité des différents réactifs utilisés lors de la flottation des minerais de métaux de base. L’étude la plus exhaustive est celle effectuée par Hawley (1972). L’auteur s’est intéressé à la toxicité létale de la plupart des réactifs utilisés lors de la flottation. Il ressort de cette étude que tous les réactifs utilisés amènent une mort chez 50 % des individus de différentes espèces de poissons et d’organismes aquatiques à des concentrations variant entre 0.05 et 10 000 ppm (TLso). Les composés les plus toxiques sont le cyanure de sodium (TL50 de 0,05 à 10 ppm) ainsi que les xanthates (TL50 de 0,18 à 1,8 ppm pour Na isopropyl xanthate chez la truite arc-en-ciel) et les dithiophosphates (TL50 de 0,1 à 1,0 ppm pour le Na diisopropyl dithiophosphate chez Daphnia magna). L’information apportée par ces tests de toxicité doit être analysée en tenant compte des conditions rencontrées dans l’industrie minière.
Les résultats de ce type d’étude doivent donc être analysés en tenant compte des dosages et des concentrations résiduelles avant de poser un jugement (Ritcey, 1989). Ainsi, les concentrations de réactifs habituellement rencontrées dans les effluents miniers sont inférieures à 2 mg/1, et elles n’excèdent que rarement 4 mg/1 (Hawley, 1972). C’est pourquoi les études effectuées par la suite ne se sont intéressées qu’aux composés chimiques les plus toxiques soit les xanthates et certains agents moussants tels l’alcohol pentyl, le propylène glycol, l’huile de pin et l’acide cresylic (e.g. Webb et al., 1976; Leduc et al., 1976). Les résultats de ces études démontrent que les concentrations toxiques sont nettement supérieures aux concentrations rencontrées dans les eaux résiduelles des usines de traitement de métaux communs, s’oit 2 mg/1 (Hawley, 1972; Webb et al., 1976). D’ailleurs, aucune mine de métaux de base ne semble traiter ses eaux pour détruire les différents réactifs présents dans les eaux de traitement. Les concentrations rencontrées sont faibles, et 1 ‘oxydation directe et microbienne de ces composés organiques permet une détoxication de l’eau à un niveau acceptable (Ritcey, 1989 ; Ministère de 1 ‘Environnement et de la Faune, 1998).
Biofiltres passifs sulfata-réducteurs (BPSR)
Les biofiltres passifs sulfato-réducteurs (BPSR) sont des systèmes anaérobies passifs utilisant un substrat organique pour traiter le DMA. Lors de leur respiration anaérobie, les bactéries sulfato-réductrices (BSR) oxydent la matière organique. Il y aura production d’ions de sulfure d’hydrogène (HS-) et bicarbonate (HC03) lors de ce processus d’oxydation. En présence de ces ions, les métaux dissous précipiteront sous la forme de sulfures, de carbonates ou d’hydroxydes. Il peut également y avoir complexation et échange ionique des métaux avec le substrat organique ( e.g. Mclntire et Edenbom, 1990 et Hammack et al., 1994). Les BSR se développent mieux lorsque les sources sont des composés organiques à faible poids moléculaire comme les acides organiques (lactate, pyruvate, formate et mala te), les acides volatils (acétate) et des alcools (éthanol, propanol, méthanol et butanol). Toutes les BSR ne peuvent décomposer les différentes sources de carbone énumérées précédemment. Ainsi, les bactéries du genre Desulfovibrio n’utilisent pas l’acétate comme accepteur d’électron alors que plusieurs espèces du genre Desulfotomaculum peuvent l’utiliser. Quelques rares espèces de BSR peuvent même utiliser le C02 et l’hydrogène comme source de carbone, mais il s’agit d’exceptions (Hao et al., 1996; Gibson, 1990; Widdel, 1988). D’autres substances tels l’azote et le phosphore sont nécessaires à la croissance des BSR et pourraient être ajoutées à l’eau à traiter. Le DMA contient habituellement toutes les substances nécessaires à la croissance des BSR, dont de nombreux oligoéléments. Dans certains essais en laboratoire, l’eau provenant du DMA d’un site minier est traitée de façon beaucoup plus efficace que le DMA synthétique ne contenant que des sulfates et des métaux (Foucher et al., 2001).
L’ion sulfure produit lors de la réduction des sulfates par les bactéries sulfatoréductrices est toxique pour ces dernières et pour la plupart des autres bactéries anaérobiques. Comme illustré à la figure 1, la distribution du sulfure en ses différentes espèces (S2-, HS- et H2S dissous) à l’ intérieur de l’environnement aqueux varie en fonction du pH et des conditions d’oxydoréduction. La toxicité des sulfures dépend donc également de ces paramètres, car la forme ion hydrogénosulfure (HS-) est celle responsable de la toxicité et de l’inhibition des bactéries. Même si les BSR sont plus tolérantes que d’ autres types de bactérie à la présence de l’ion hydrogénosulfure, des concentrations supérieures à 1 000 mg/L inhibent l’activité des BSR de 50% (Utgikar et al., 2001). Les ions sulfures produits lors de la réduction des sulfates peuvent prévenir 1 ‘effet nocif des métaux lourds en les faisant précipiter. Ce phénomène est appelé « protection par les sulfures » (Utgikar et al., 2001 ). Par contre, la présence de ce précipité de sulfures entourant les bactéries peut inhiber leur activité de réduction des sulfates. Cet effet d’inhibition est externe aux cellules et non toxique pour ces dernières. La culture bactérienne demeure viable et conserve ses propriétés de réduction des sulfates, mais elle ne peut plus réagir avec son milieu (Utigikar et al., 2001 ).
Les milieux acides anaérobies présentent une biodiversité considérable, et on y retrouve des BSR capables de réduire les sulfates à des pH avoisinants 3-4 (Baker et Banfield, 2003; Kolmert et Johnson, 2001 et Elliott et al., 1998). L’ efficacité des biofiltres passifs sulfata-réducteurs jusqu’à un pH de 3 semble démontrer que lorsqu’ elles sont bien établies et forment un biofilm, les BSR neutrophiles peuvent résister à des conditions défavorables (Kolmert et Johnson, 2001). Les BSR produisent donc de l’alcalinité et des sulfures lors de l’oxydation de composés organiques simples en milieu anaérobie, acide et riche en métaux. Ces deux processus sont prépondérants dans le traitement du DMA par les BSR, mais d’autres phénomènes peuvent se produire à la surface et à l’intérieur des BSR. La biosorption des métaux est un de ces phénomènes. Ce processus est impliqué dans la précipitation et le piégeage du cuivre et du cadmium dans les réacteurs utilisant un biofilm de BSR (Gadd, 2000). Il s’agit d’un processus jugé très efficace pour les systèmes de traitement impliquant d’autres types de bactéries que les BSR ainsi que les algues et les champignons (Gadd, 2000). Par contre, nous n’avons trouvé aucune mention de 1′ efficacité relative de ce processus par rapport à la précipitation des sulfures et la génération d’alcalinité dans les systèmes de traitement utilisant les BSR.
RÉSUMÉ |