La conservation
Littéralement, « la conservation » signifie dans la langue française le maintien ou l’action de garder une chose à son état initial. Dans ce sens, la nature est écartée du contact avec l’homme qui est source du danger envers elle. Par contre, l’évolution de l’utilisation du mot a fait que le concept de « la conservation » tiré de l’anglais devienne son sens courant. En effet, le mot conservation est la traduction anglaise du mot « conservation » qui implique la réintégration de l’homme dans la nature selon Portas (1988) par opposition à « protection » qui connote une mise sous cloche9. Une définition conventionnelle de la conservation n’existe pas officiellement. Toutefois, les acteurs internationaux de la conservation ont formulé des définitions selon le contexte de son utilisation. Depuis 1980, l’UICN10, la PNUE11 et le WWF12 ont lancé conjointement la « stratégie mondiale de la conservation » et une définition apparaît dans leurs publications. La conservation est ainsi définie comme « Mesure de gestion garantissant que les ORGANISMES ou les ECOSYSTEMES sont utilisés de manière durable. Outre l’UTILISATION DURABLE des ressources, la conservation comporte des activités de PROTECTION, de ENTRETIEN, de REHABILITATION, de RESTAURATION et d’AMELIORATION des population des écosystèmes ».13 La commission mondiale des Aires Protégées (CMAP) définit le terme dans le contexte de la définition des aires protégées comme le « maintien in-situ d’écosystèmes et d’habitats naturels et seminaturels et de populations viables d’espèces dans leurs environnements naturels et, dans le cas d’espèces domestiquées ou cultivées dans l’environnement où elles ont développé leurs propriétés distinctives ».14 La conservation in-situ se diffère de l’approche conservation ex-situ seulement comme leurs noms l’indiquent du lieu où se concrétise l’action. En effet, ce dernier signifie en général une conservation d’éléments constitutifs de la diversité biologique en dehors de leur milieu naturel.15
Mais dans la suite du présent document, la conservation est définie comme une approche qui intègre l’être humain dans le concept et qui le considère en interaction avec les faunes et les flores dans son écosystème. Faisant partie de cet environnement, l’être humain est en même temps responsable des dégradations que pourraient subir cet environnement et victimes des conséquences qui peuvent en résulter. La définition de la conservation doit ainsi chercher à placer l’être humain et ses activités au centre de l’environnement. La définition conçue au sein du cercle de la stratégie mondiale de la conservation correspond à cette approche en rassemblant les concepts capitalisés au fil du temps qui tient compte, d’une part, de l’utilisation des ressources par l’être humain dans sa vie et pour sa survie, et d’autre part, de la rationalisation de cette utilisation tout en prenant les mesures nécessaires pour la prévention et la correction des dégradations éventuelles possibles. Bref, la conservation est la « Gestion planifiée des ressources naturelles qui a pour but de les utiliser rationnellement et de les protéger contre l’exploitation outrancière, la destruction ou la négligence »16. C’est la composition de plusieurs actions qui concourent au maintien des structures, des fonctions et de la diversité du système naturel sur les quelles dépendent la vie de l’être humain. Cette approche inclut d’abord le maintien des processus écologiques considérant le climat, l’air et l’eau, le sol, les eaux et les écosystèmes et qui permettent la vie sur terre d’être possible. Ensuite, la conservation de la biodiversité intégrant la conservation des espèces des faunes, des flores et des gênes. Enfin, l’utilisation durable des ressources renouvelables c’est-à-dire les ressources qui sont capables de se renouveler tels que le sol, les organismes sauvages et domestiques, les forêts, le pâturage, les ressources des zones humides et halieutiques en général.17
L’historique et le fondement de la conservation
Le terme conservation de la nature avait déjà un sens légitime supposé conventionnel, même sans définition officielle, équivalent à la protection de la nature dès la création de la première organisation environnementale mondiale en 1948. Emprunté durant les conférences internationales discutant des sujets environnementaux au cours de l’histoire, les pays du monde supposaient sa traduction comme la traduction de son sens dans la langue anglaise. A l’occasion du souffle du développement durable, le terme conservation a été associé à la préservation de l’environnement et constituait un élément clé du développement durable. Ensuite, l’utilisation courante lors de ces sommets mondiaux et par les ONG internationaux à l’instar de WWF le confirme en tant que terme technique courant. La réflexion concernant la relation entre les activités anthropique et l’écosystème existaient déjà dans les philosophies grecques et romaines. La première organisation environnementale mondiale a été fondée en octobre 1948 sous le nom UIPN qui est devenue « Union Internationale pour la conservation de la nature et des ressources naturelles » (UICN en français et IUCN en anglais) en 1956. Elle appuie les gouvernements, les ONG, les conventions internationales, les organisations des Nations Unies, les sociétés et les communautés, dans le développement des lois, des politiques et des meilleures pratiques, et recherche des solutions basées sur la nature et la gouvernance de l’environnement.18 En 1951, le rapport sur l’Etat de l’Environnement dans le Monde publié par l’UICN est reconnu comme précurseur dans le domaine de la recherche de réconciliation entre l’économie et l’écologie19. A partir des années 60, des parcs nationaux ont été institués un peu partout dans divers pays du monde : Etats Unis, Australie, Nouvelle-Zélande, Argentine, Suède, Suisse, Espagne, Italie, Japon, etc ; après la création du parc de Yellowstone qui a connu d’intenses discussions dans le monde à propos du déguerpissement des derniers indiens occupant le parc.20
A partir de ce moment, le mot conservation a été utilisé avec quelques variations de sa définition. Entre autres, l’utilisation de la conservation comme la protection et la préservation lors de la Convention africaine de 1968 sur la conservation de la nature et des ressources naturelles. Connue comme la convention d’Alger, elle a pour finalité de mettre en place des politiques et des programmes de développement qui soient écologiquement rationnels, économiquement sains et socialement acceptables.21 À la fin des années 1980, les problèmes environnementaux (effet de serre, « trou » dans la couche d’ozone, pluies acides…) deviennent une des préoccupations mondiales. Après l’idée de la nécessité d’une « croissance zéro », une nouvelle perspective qui concilie croissance et environnement prend naissance. Des voies de recherches dans le domaine de l’économie ont avancé des modèles de croissance en relation avec l’utilisation des ressources naturelles. D’abord, le modèle basé sur le prolongement de la règle d’Hotelling (1931) soutient la dite « soutenabilité faible ».
Ce modèle est basé sur la résolution des problèmes de l’épuisement des ressources naturelles par le choix technologique afin de garder ces ressources constantes en termes de volume dans le temps. Par contre, influencé par les travaux de Solow (1993), le modèle de la « soutenabilité forte » souligne que la durabilité est liée à la conservation de certains actifs naturels bien définis dans le long terme. Ces approches ont été estimées illustrant le développement durable, mais à la base, la définition réside selon la publication du rapport final de la commission mondiale sur l’environnement et le développement disant que ce développement doit être un « développement qui permet la satisfaction des besoins présents, sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs ». Cette commission a été présidée par le Premier ministre norvégien Gro Harlem Bruntland en 1987.22 Les définitions proposées fixent en effet une équité intragénérationnelle et équité inter-générationelle.
La participation des communautés locale devenu incontournable dans la conservation L’existence de l’être humain et de ses générations futures dépend de son milieu naturel et des ressources naturelles qui s’y trouvent. Ces ressources lui fournissent les nourritures, son logement, ses vêtements et ses besoins sous différents aspects. Ce constat a incité l’intégration de la conservation dans l’optique de développement des pays dans le monde. Afin de pouvoir faire adopter cette approche par les acteurs publics et privés ainsi que les organisations de la société civile au niveau national ou international, les conventions internationales lesquels sont ratifiés par les pays adhérents insistent sur les droits et les obligations des communautés locales. Dans la convention d’Alger en 1968, le paragraphe 3 de l’article XVII sur les « Droits traditionnels des communauté locale et connaissances traditionnelles » insiste sur la mise en place et l’application des mesures permettant aux communautés locales de participer activement dans le processus de planification et de gestion des ressources naturelles dont elles dépendent afin de les inciter davantage dans la conservation locale et à l’utilisation durable de ces ressources.23 Tandis que la déclaration de Rio en 1992 dans son principe 10 souligne que « la meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens, au niveau qui convient ».24
Différentes approches ont été adoptées de ce fait par les projets et les programmes de conservation de la nature pour impliquer davantage les communautés. Dans ces termes, « participation » effective signifie, acquisition et exercice de pouvoir d’initiative et de décision des membres de la communauté dès la conception de l’action jusqu’à la réalisation et les évaluations. Premièrement, il y a le « développement rural intégré » qui insiste pour impliquer tous les secteurs existant quel que soit le secteur d’intervention afin de limiter tout dysfonctionnement possible à travers une analyse plus large. Deuxièmement, « l’aménagement et la gestion des terroirs villageois » est une approche qui vise à valoriser toutes les ressources disponibles dans le village et l’exploitation judicieuse de ces ressources (naturelles, humaines et financière) à travers la concertation et le partenariat. Troisièmement, la gestion décentralisée des ressources naturelles (GDRN) ou « la gestion participative des ressources naturelles » (GPRN) associée en générale à la méthodologie « approche participative » est une méthode utilisée en vue de mettre en place une gestion durable des ressources naturelles. Selon un mode de partage de droits, de rôles, de responsabilités et d’intérêt, cette approche se traduit par le transfert de gestion incluant certaines compétences de l’’Etat à d’autres acteurs, en particulier à la communauté locale et aux collectivités territoriales.25.
Quelques soit le modèle de l’approche adopté, l’action qui intègre la participation de la population locale conduit à l’encrage dans le milieu et à l’appropriation des communautés de l’action mise en oeuvre. Cela devrait en principe aboutir à une meilleure gestion et à l’utilisation durable des ressources naturelles auxquelles l’optique de conservation s’accroche. Dépendant de ces ressources naturelles, les communautés pourront peut-être bénéficier des avantages qu’ils peuvent en tirer pour améliorer leur bien-être. Il est fort probable qu’ils soient motivés pour être membre actifs dans cette action de conservation. Pourtant, de nombreuses questions peuvent se poser sur le lien entre la conservation et la vie économique et sociale des communautés. Avant de pouvoir trouver les réponses à ces questions, il s’avère pertinent de définir les orientations de ces approches de la conservation et les concepts du développement économique et social.
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