Les symbiotrophes
Un autre grand groupe trophique chez les champignons est celui des symbiotrophes qui consistent à former des symbioses avec d’autres organismes. Lorsque le champignon, via les hyphes, forme des associations avec les racines des espèces végétales, ce type de symbiose est appelé mycorhize. La principale fonction des mycorhizes est le transfert des ressources du sol vers l ‘hôte. Elles permettent aussi l’augmentation de l’apport en eau et en nutriment notamment du phosphore et de l’ azote, mais elles permettent aussi à la plante de se développer et de se protéger contre les pathogènes (Jung, Martinez-Medina et al. 2012). D’ailleurs, les champignons mycorhiziens sont souvent utilisés en agriculture et plus particulièrement, les individus appartenant au phylum des Glomeromycota (Brundrett, Bougher et al. 1996, Priyadharsini et Muthukumar 2016, Verzeaux, Hirel et al. 2017). Les associations mycorhiziennes sont définies et classées par des critères anatomiques qui sont régulés par la plante hôte. Les principales catégories sont les mycorhizes arbusculaires ou vasculaires (V AM) et les ectomycorhizes (ECM) (Brundrett 2004). Les hyphes, dans le cas de mycorhizes arbusculaires ou vasculaires, pénètrent les cellules racinaires et fonnent des vésicules ou des arbuscules à l’ intérieur de la cellule. C’est le contraire chez les ectomycorhizes, où les hyphes ne font qu’entourer les cellules racinaires (Després 2012). Les symbiotrophes ne sont pas seulement des champignons mycorhiziens, mais comportent aussi d’autres relations symbiotiques comme les lichens, qui sont une association algue-champignon, et les endophytes. Les endophytes sont des micro-organismes qui vivent en symbiose avec une plante sans fonner de mycorhizes. Les champignons sont les endophytes les plus étudiés, mais elles incluent aussi les bactéries, les algues et d’autres plantes (Stone, Bacon et al. 2000). Les plantes hôtes bénéficient de cette association via un gain de leur résistance aux herbivores, aux stress et aux pathogènes (Saikkonen, Faeth et al. 1998).
Les pathotrophes
Le dernier grand groupe trophique est celui des champignons pathotrophes. Ces derniers peuvent engendrer des lésions ou causer des maladies chez les organismes vivants et provoquer de terribles dommages en agriculture et en foresterie. Certains de ces champignons sont des pathogènes de plantes, d’animaux ou des parasites d’autres champignons (Nguyen, Song et al. 2016). Les pathogènes de plantes sont nombreux, mais panni le top 10 on y retrouve, au premier rang, les genres Magnaporthe, Botrytis et Puccinia. Tous ces groupes contiennent des espèces qui peuvent s’attaquer aux plantes de culture comme le riz, les tomates et les céréales (Dean, Van Kan et al. 2012). Chez les humains et les animaux, les champignons pathogènes sont pour la plupart microscopiques et peuvent provoquer des dermatoses, des maladies respiratoires ou des allergies (Brown, Denning et al. 2012).
Les relations de parasitisme sont aussi présentes chez les champignons et ils peuvent s’attaquer aux plantes, aux insectes, aux mammifères ou à d’autres champignons. Certaines associations mycorhiziennes pourraient même être considérées comme du parasitisme lorsque le coût de la symbiose, pour la plante, dépasse les avantages (Johnson, Graham et al. 1997). De nombreux polypores parasitent, à différents nIveaux, les arbres et certains d’entre eux comme Laetiporus sulphureus (polypore soufré) et Inonotus obliquus (polypore oblique ou communément appelé le ch aga) sont comestibles et recherchés par les mycologues (McNeiI2006). Les champignons peuvent aussi parasiter d’autres champignons, le genre Hypomyces contient beaucoup d’espèces parasitaires qui s’attaquent aux amanites, aux bolets ainsi qu’aux russules et aux lactaires (Beug, Bessette et al. 2014).
Diversité et abondance des champignons
Les champignons représentent le règne le plus diversifié après les insectes (Blackwell 2011). Avec plus de 120000 espèces acceptées, la diversité fongique serait estimée jusqu’à 3.8 millions d’espèces sur terre (Hawksworth et Luecking 2017). Le taux de nouvelles découvertes d’espèces ne montre aucun signe d’atteinte d’un plateau, mais plutôt une accélération avec l’ arrivée des approches moléculaires (Hawksworth et Luecking 2017). Les nouvelles technologies de séquençage à haut débit et le métabarcoding (ADNe) sur les échantillons environnementaux (eau, sol, air, tissus, contenu gastrique, etc.) permettent d’estimer rapidement et de façon plus complète les organismes ciblés sans la nécessité de voir les espèces, mais via la présence de leur ADN dans l’environnement (Hebert, Cywinska et al. 2003, Hajibabaei, Singer et al. 2007, Taberlet, Coissac et al. 2012). Beaucoup de séquences d’ADN sont obtenues et peuvent ensuite être comparées à des bases de données moléculaires publiques, afin d’obtenir des assignations taxonomiques.
Ces méthodes permettant d’estimer et d’étudier diverses mesures de la diversité comme la richesse spécifique (diversité alpha), mais aussi de caractériser la composition des communautés (O’Brien, Parrent et al. 2005, Schmidt, Balint et al. 2013). La richesse spécifique est une mesure importante de la diversité, il s’agit du nombre d’espèces différentes que l’on retrouve à un endroit donné. Les champignons sont présents dans tous les écosystèmes terrestres, mais leur richesse est variable. Selon des projections à grande échelle de Tadersoo (2014), certaines régions du globe posséderaient des richesses fongiques beaucoup plus importantes (Figure 1.3). facteurs favorisent une richesse fongique plus élevée dans les habitats. À l’échelle globale, la distance par rapport à l’équateur et les précipitations annuelles moyennes sont des variables influentes sur la richesse fongique (Tedersoo, Bahram et al. 2014). D’autres variables écologiques démontrent aussi, dans la littérature, avoir des effets sur la richesse fongique. Le couvert en herbacée, la présence d’arbres hôtes (mycorhizes) et les composantes du sol (argile, limon) favorisent une plus grande richesse fongique (Tedersoo, Bahram et al. 2014, Tedersoo, Bahram et al. 2016, Hemkemeyer, Christensen et al. 2019), tandis que d’autres variables comme l’âge d’un peuplement et le couvert en mousse ne favorisent pas une richesse fongique élevée (Kauserud, Mathiesen et al. 2008, Boeraeve, Honnay et al. 2018).
Les habitats ne sont pas seulement caractérisés par la richesse spécifique, mais aussi sur la composition de leur communauté. C’est-à-dire quelles espèces et à quelle fréquence elles composent la communauté. Les communautés fongiques changent à travers les différents biomes forestiers, de grands groupes fongiques comme les Leotiomycetes sont plus fréquents dans la toundra arctique comparativement aux Agaricomycetes qui sont en moins grande proportion dans les forêts tempérées du sud (Tedersoo, Bahram et al. 2014). Le pH, le climat et la végétation sont de forts prédicteurs des communautés fongiques à l’échelle globale, mais d’autres variables comme le feu, le broutage et les essences forestières dominantes modulent et créent des changements dans les communautés (Tedersoo, Bahram et al. 2014, Nagati, Roy et al. 2018, Santalahti 2018, Day, Dunfield et al. 2019). Différentes variables peuvent agir comme filtre environnemental et générer des patrons de structure des communautés bien spécifiques comme un fort taux de remplacement (anti nestedness) ou une forte différence de richesse (nestedness) (Podani et Schmera 2011). Identifier des variables qui influencent la richesse et les communautés fongiques peut permettre de favoriser ou de limiter certains aménagements forestiers (drainage, coupe de bois), établir des zones de conservations et anticiper comment les espèces fongiques peuvent être affectées par des évènements perturbateurs. De plus, les écosystèmes peuvent être affectés lorsque surviennent des changements dans la diversité et les communautés fongiques.
Fonction des champignons dans les écosystèmes des forêts boréales et Tempérées
Les champignons représentent une grosse fraction de la diversité du micro biome du sol et jouent des rôles essentiels dans le fonctionnement des écosystèmes (Baldrian 2017). Lorsque des changements surviennent dans la diversité fongique, la fonctionnalité et la performance des écosystèmes sont affectées (Wagg, Bender et al. 2014). Dans les forêts boréales et tempérées, des changements dans la richesse spécifique peuvent contribuer à affecter plusieurs fonctions dans les écosystèmes (Delgado-Baquerizo, Maestre et al. 2016, Li, Delgado-Baquerizo et al. 2019). Les espèces fongiques jouent des rôles importants au niveau de la décomposition de la matière organique, dans le cycle des nutriments et sur les espèces végétales en influençant leur croissance, survie et communauté (Cooke et Rayner 1984, Cromack Jr et Caldwell 1992, Van Der Heijden, Klironomos et al. 1998). La décomposition de la matière organique dans les forêts boréales et tempérées est principalement déterminée par les activités fongiques (Hattenschwiler, Tiunov et al. 2005).
Un apport important de matière organique dans les sols et principalement dans les forêts tempérées, est la litière forestière (feuilles, bois, aiguilles, mousses, etc.) (Bray et Gorham 1964). Les champignons permettent le renouvellement de la litière forestière notamment en étant des décomposeurs majeurs de la lignine: un des principaux composés de la litière avec la cellulose et l ‘hémicellulose (Valaskova, Snajdr et al. 2007). La vitesse de décomposition de la litière est plus rapide dans les sols qui possèdent une richesse fongique riche et chaque taxon serait particulièrement associé avec une composante spécifique de la litière (Dobranic et Zak 1999, Stursova, Zifèakova et al. 2012). Les ascomycètes, par exemple, seraient les organismes les plus impliqués dans la dégradation de la cellulose présente dans la litière (Stursova, Zifèakova et al. 2012). Les champignons sont aussi impliqués dans la formation, la dégradation et la stabilisation des substances humiques, ce qui permet le renouvellement de l’humus: une couche distincte du sol forestier (Steffen, Hatakka et al. 2002). Le renouvellement et la dégradation de l ‘humus ainsi que de la litière sont importants dans le cycle des nutriments notamment dans le maintien du cycle du carbone (Hattenschwiler, Tiunov et al. 2005). D’ailleurs des changements dans les communautés fongiques, peuvent faire varier la concentration des nutriments dans le sol et les plantes (Xu, Thomton et al. 2013).
REMERCIEMENTS |