Concept : l’anorexie
Selon Turgeon, Bernard-Bonnin, Gervais et al. (2008, cité dans Ball & Blinder, 2010), l’anorexie mentale est un trouble du comportement alimentaire qui affecte principalement des adolescentes ainsi que des jeunes femmes, et qui peut être mortel. Les personnes de race blanche seraient plus touchées et proviendraient d’une famille de classe socioéconomique moyenne à supérieure. Ces personnes présentent généralement un bon parcours scolaire avec de bons résultats, et sont vues comme de « bonnes filles ». Le plus souvent, la maladie apparaît à 12 ou à 13 ans, ainsi qu’à 17 ou 18 ans. La maladie touche aussi les garçons, mais de manière moins prononcée. L’anorexie mentale est suspectée lors de la présence des quatre « a » suivants : adolescence, anorexie, amaigrissement et aménorrhée. D’un point de vue historique, les premières hypothèses concernant la présence d’un trouble alimentaire chez certaines personnes sont apparues au 13e siècle. A cette époque, les saintes médiévales pratiquaient le jeune prolongé, considéré autrefois comme « miracle féminin ».
Le point commun établi entre ces saintes et les patientes anorexiques, est la recherche d’identité et d’autonomie au sein d’une société exigeante envers les femmes. Cependant, il n’est pas possible de faire un lien direct entre l’anorexie mentale telle qu’elle est décrite à ce jour, avec le jeune prolongé des saintes médiévales. Le sujet peut être abordé d’un point de vue religieux, comme étant un dévouement de soi, ou d’un point de vue médical comme étant un comportement pathologique. Le diagnostic d’anorexie mentale se constitue au 19ème siècle, le domaine médical prenant de plus en plus de place par rapport au domaine religieux. Les médecins de l’époque décrivent les patientes comme étant des jeunes filles de bonne famille, réduisant de manière drastique leur alimentation et s’amaigrissant, tout en pratiquant une activité physique de manière excessive (Darmon, 2003). C’est en 1873 que Lasègue et Gull (Lasègue & Gull, cité dans Darmon, 2003) constituent le premier diagnostique d’anorexie mentale ; le premier situe les jeunes filles atteintes entre 15 et 20 ans, alors que Gull les situe plutôt entre 16 et 23 ans.
Ceci confirme ainsi les observations actuelles qui avancent que ces patientes se situent majoritairement dans l’adolescence ou au début de l’âge adulte. L’apparition de ces conditions historiques et sociales permet entre autre l’établissement du diagnostic. C’est notamment au 19e siècle qu’un processus d’observation du corps et des habitudes alimentaires féminines et adolescentes s’installe. En effet, c’est à cette période que l’observation des comportements des adolescentes de bonne famille augmente, d’une part par la famille, et d’autre part par la médecine. Ceci peut s’expliquer par le changement de la place de l’enfant au sein de la famille. Durant cette période, la femme du foyer s’occupe de l’alimentation de toute la famille. Elle est donc considérée comme responsable de l’insuffisance ou de l’excès de poids des membres de la famille.
Le corps devient alors un objet de rationalisation ; l’alimentation est régulée de manière à conserver les formes corporelles dans les normes de la société (Darmon 2003). D’ailleurs, jusque dans les années 1960, la faute revenait à la mère si ses enfants présentaient un trouble alimentaire, la rendant ainsi coupable et engendrant sa culpabilité et celle de son enfant. La dynamique familiale en était alors fortement perturbée et la famille se retrouvait encore plus démunie après avoir pris connaissance du trouble (Schmidt, D. Communication personnelle [Présentation Powerpoint] 19 janvier 2015). Une autre modification importante au 19ème siècle est celle des représentations du corps féminin. La maigreur n’est plus considérée comme étant un indice de pauvreté, mais atteste un niveau d’excellence sociale féminine. La modération est alors perçue comme une preuve de distinction et d’élégance. La mise en avant d’un corps mince et la privation de nourriture s’inscrivent dans un schéma social qui comprend la classe et le genre. Il s’agit donc de modifier sa personne pour être aux normes de l’époque (Darmon, 2003).
D’un point de vue sociologique, l’approche de l’anorexie en tant que fait social débute avec l’hypothèse d’une épidémie des troubles alimentaires, lancée par les médias. Dans l’étude de l’épidémiologie, certains qualifient cette épidémie de mythe, alors que d’autres la prennent au sérieux, ou du moins parlent d’une augmentation de l’incidence de cette pathologie dans les pays occidentaux, à partir des années 1970. Ils sont néanmoins d’accord sur le fait que l’anorexie touche principalement des femmes, âgées de 15 à 24 ans, appartenant à une classe sociale moyenne ou supérieure. Certaines études ont tenté de constituer un lien entre l’augmentation de l’incidence de l’anorexie et les changements sociaux. A partir de ces travaux et particulièrement de ceux en sciences sociales et des approches féministes, un point de départ historique et social a pu être mis en évidence quant à l’anorexie, dont l’incidence serait influencée par des facteurs culturels et sociaux. La sociologie n’aurait alors qu’un rôle de mise à jour des éléments socioculturels (la place de la femme dans la société, par exemple) et contextuels, étant donné les autres niveaux d’analyses déjà présents tel que la psychologie, la biologie, la génétique, etc (Darmon, 2003). En résumé, la culture occidentale prône la minceur, notamment au travers des médias. Cependant, la manière dont la personne va s’approprier les messages véhiculés par la société sera différente d’une personne à l’autre. Muriel Darmon (2003) met en avant que l’importance des médias dans l’apparition de la maladie n’est pas à surestimer. Les troubles alimentaires ont des raisons beaucoup plus profondes qui ne sont pas uniquement attribuables à la promotion de la minceur au sein de la société (Darmon, 2003).
Résultats
Dans ce chapitre, les huit articles utilisés dans le cadre de ce travail sont analysés afin d’en ressortir des résultats pour répondre à la question de recherche. Ils sont répartis en trois groupes distincts, selon leur thème. Le premier groupe aborde les thèmes de l’estime de soi et de l’anxiété. Le premier article quantitatif, de Karpowicz, Skärsäter & Nevonen (2009), porte sur les changements potentiels de l’estime de soi chez des patientes atteintes d’anorexie après un traitement dans une unité spécialisée dans les troubles alimentaires. Une amélioration de l’estime de soi a été observée après un traitement. Le deuxième article quantitatif, d’Obeid, Buchholz, Boerner, Henderson & Norris (2013), tente de déterminer si un domaine spécifique de l’estime de soi est en corrélation avec une anxiété sociale, dans une population de personnes atteintes de troubles alimentaires. Des corrélations ont été démontrées entre l’acceptation sociale, l’anxiété sociale et l’estime de soi. Dans le second groupe, en lien avec la perception de soi et du corps, le premier article quantitatif de Stein & Corte (2008) tente d’investiguer la relation entre le concept de soi et son influence dans les troubles alimentaires, chez des jeunes filles susceptibles de développer cette pathologie. L’étude démontre que les jeunes filles ayant un schéma de soi plus négatif sont plus susceptibles de développer un trouble alimentaire.
Le deuxième article quantitatif, d’Urgesi, Fornasari, Perini, Canalaz, Cremaschi, Faleschini, …, Brambilla (2012), essaie de voir si les personnes atteintes d’anorexie présentent également un trouble de la perception dans l’analyse du corps des autres. Celles-ci se sont montrées plus précises dans l’évaluation des formes corporelles que le groupe contrôle. Finalement, le troisième article quantitatif, de Hennighausen, Enkelmann, Wewetzer & Remschmidt (1999), analyse s’il y a présence d’une distorsion de la perception corporelle chez les adolescentes atteintes d’anorexie mentale. Les résultats similaires entre ces dernières et le groupe contrôle ne mettent pas en avant cette distorsion. Le dernier groupe aborde la prise en charge infirmière chez les patientes atteintes d’anorexie. Le premier article qualitatif, de Van Ommen, Meerwijk, Kars, Van Elburg & Van Meijel (2009), tente de développer un modèle théorique expliquant l’efficacité des soins infirmiers dans l’accompagnement des personnes atteintes d’anorexie. L’étude se base sur l’expérience des patientes. Le deuxième article qualitatif, de Bakker, Van Meijel, Breukers, Van Ommen, Meerwijk & Van Elburg (2011), a le même but que le précédent article. Cependant, celui-ci se base sur l’expérience des infirmières. Finalement, le troisième article quantitatif, de Morgan, Lazarova, Schelhase & Saeidi (2013), aborde l’efficacité d’une thérapie spécifique dans le traitement de l’anorexie mentale. Cette dernière s’est révélée efficace et applicable dans un milieu de soin. Ces huit articles sont présentés sous forme de tableaux, réunissant le but, la population, la méthode et les résultats. A la suite de chaque tableau, l’analyse des résultats, les recommandations ainsi que les limites amenées par les auteurs sont exposées. Pour terminer, nous présentons notre regard critique sur chaque article.
Synthèse des résultats
Dans un premier temps nous ressortirons les éléments principaux de chaque article. Dans un second temps, nous présenterons les grandes lignes de la théorie infirmière de Nola Pender et nous comparerons les résultats des articles grâce aux thèmes principaux tirés de cette théorie. En effet, le cadre théorique demeure le plus souvent à l’état implicite dans nos articles, même si nous pouvons déceler une approche bio-psychologique. Nous avons donc choisi cette théorie dans le but de répondre à notre question de recherche car elle est applicable à notre problématique. L’article de Karpowicz et al. (2009) a montré que l’augmentation de l’IMC est associée à une augmentation de l’estime de soi et une diminution des troubles alimentaires après le traitement en milieu de soins spécialisé. L’article d’Obeid et al. (2013) a démontré que les patientes atteintes d’anorexie restrictive ont une meilleure perception de l’apparence physique et de l’estime de soi. L’estime de soi serait reliée à la perception de soi. L’article de Stein Farchaus & Corte (2008) a montré un IMC restant identique à la fin de l’étude.
Les patientes atteintes de troubles alimentaires ont un schéma de soi plus négatif que le groupe contrôle. De ce fait, elles seraient plus vulnérables au risque de développer un trouble alimentaire. Il y aurait donc un lien entre la perception de soi et l’apparition des troubles alimentaires. Dans l’article d’Urgesi et al. (2012) les patientes ont été plus précises dans l’évaluation des formes corporelles que le groupe contrôle, mais pas dans les actions. Les patientes sont plus précises dans l’analyse de leur corps, par conséquent elles le connaissent mieux. Finalement l’article de Hennighausen, Enkelmann, Wewetzer & Remschmidt (1999) montre que le groupe contrôle a un idéal corporel plus mince que les patientes atteintes d’anorexie, bien que l’attirance pour la minceur soit plus marquée chez ces dernières. Une distorsion de la perception ne peut donc pas être établie chez les patientes atteintes d’anorexie. L’article de Van Ommen et al. (2009) montre que la présence et le soutien de l’infirmière est indispensable au rétablissement. Le soutien infirmier a permis de changer la perception qu’elles avaient de leur corps. Les groupes de pairs les ont également aidés en ayant un rôle de modèle. L’article de Bakker et al. (2011) montre que le soutien infirmier et les conseils aux parents ont aidés les patientes au rétablissement. L’article de Morgan, Lazarova, Schelhase & Saeidi (2013) a démontré que suite à la thérapie, l’anxiété en lien avec l’image corporelle a diminué, les patients présentent moins de comportements d’évitement et analysent moins leur corps. Ils présentent une amélioration des comportements alimentaires ainsi que de la qualité de vie.
1. Introduction |