L’intégration des immigrants et ses facteurs sous-jacents
Depuis plusieurs années déjà, la notion d’intégration des immigrants au Québec est très présente dans les préoccupations des gouvernements et de la population québécoise. Il s’agit d’un concept difficile à définir puisqu’il est polysémique et qu’il ne peut recueillir l’adhésion de tous les chercheurs. C’est un concept dynamique, interactif, un processus à long terme (Haut conseil à l’intégration, 2007 ; Ministère de l’immigration et des communautés culturelle [MICC], 1991). « Ce processus, dans lequel la maîtrise de la langue d’accueil joue un rôle essentiel, n’est achevé que lorsque l’immigrant ou ses descendants participent pleinement à l’ensemble de la vie collective de la société d’accueil et ont développé un sentiment d’appartenance à son égard » (MICC, 1990 : 16). Lorsque l’on fait référence au processus, on indique que l’intégration comporte différentes étapes que l’immigrant doit traverser. Plusieurs auteurs se sont penchés sur ces processus, mais les étapes varient fortement d’un auteur à l’autre. Pour Abou (1988 : 2) : « la trajectoire que les immigrants sont appelés à effectuer dans le pays récepteur recouvre trois processus distincts qui se déroulent spontanément, mais à des rythmes différents, à trois niveaux: ce sont les processus d’adaptation, d’intégration et d’acculturation ». De plus, l’intégration est intimement liée à un environnement. Ce n’est pas un résultat, c’est un acquis, un processus, une transformation, un devenir (Drudi, 2013). L’ensemble des auteurs recensés s’entendent sur la notion de réciprocité et d’engagement de plusieurs acteurs, notamment l’immigrant et la communauté d’accueil, dans le processus d’intégration (Toussaint, 2010 ; Biles, Burstein, Frideres, 2008 ; Gouvernement du Québec, 2008 ; Schnapper, 2007; Ministère de l’immigration et des communautés culturelles, 1991; Heckman, 2005 ; McAndrew, 2001).
Le cadre politique et institutionnel joue un rôle important dans l’intégration des nouveaux arrivants. Dans le cas d’une société multiethnique, une politique officielle d’intégration culturelle et ethnique doit être mise en place afin de permettre au processus de contact de porter fruit (Bourhis et Leyens, 1994). Le Conseil des relations interculturelles du Québec (2007) soutient que l’intégration est indissociable de la planification de notre immigration et qu’une volonté d’ouverture doit être valorisée par les autorités et par la population. Les moyens nécessaires doivent être déployés pour assurer l’intégration de ses nouveaux arrivants. « Dans la recherche des indicateurs d’intégration, il faut vérifier particulièrement comment l’État agit sur les inégalités sociales et favorise l’adéquation des moyens à la diversité des situations. En pratique, l’État doit prévoir des budgets, des structures et des ressources humaines, et les appliquer là où il faut » (Conseil des relations interculturelles, 2007 : 33).
Le rôle de la communauté d’accueil dans l’intégration des immigrants
A l’instar de ce que nous avons vu dans le paragraphe précédent, la communauté d’accueil est l’une des pierres angulaires de l’intégration des nouveaux arrivants. Selon le modèle de Frideres (2008), deux principaux groupes constituent la communauté d’accueil: les institutions et les membres de la communauté d’accueil. Pour ce qui est des institutions, leur rôle est de mettre en place de mesures politiques (scolaires, sociales, etc.) pour favoriser l’intégration de ses nouveaux venus. Du côté de la communauté d’accueil, ce sont les attitudes qui jouent un rôle dans l’intégration des immigrants c’est à dire la façon dont les membres de la communauté accueillent les nouveaux arrivants. La prochaine section présentera les différents facteurs qui font en sorte qu’une communauté est considérée accueillante.
Les facteurs favorisant une communauté accueillante
Une communauté est accueillante lorsqu’un sentiment de responsabilité collective est combiné avec une action qui est partagée entre les individus et les institutions (Dunn et Olivier, 2011). Une recension des écrits sur les collectivités accueillantes envers les immigrants au Canada (Esses et al., 2011) dresse la liste des éléments qui favorisent à la fois l’attraction, l’intégration et l’installation à long terme des immigrants dans des villes ou régions plus ou moins importantes.
Les attitudes des membres de la communauté d’accueil envers des immigrants
Avant de décrire les attitudes de la communauté d’accueil envers les immigrants, il est important de définir ce que signifie le terme attitude. Bien qu’il existe des centaines de définitions de cette notion, nous retenons ici la définition de Rosenberg et Hovland (1960) qui est issue de la psychologie sociale et les composantes des attitudes de Gallant, Bilodeau et Lechaume (2013). Ces derniers proposent un modèle en deux axes pour examiner les attitudes de la communauté d’accueil face à l’immigration. Le premier axe concerne les attitudes de la population par rapport à l’arrivée des immigrants. Ces attitudes sont liées d’une part au nombre d’immigrants et d’autre part aux impacts de l’immigration. Le second axe porte plutôt sur la question identitaire, plus spécifiquement sur le risque pour le Québec de perdre son identité avec l’arrivée plus nombreuse d’immigrants francophones provenant d’autres pays et la possibilité pour un immigrant de « devenir » Québécois.
La notion de « capital d’ouverture » telle que proposée par Vatz Laaroussi et Bernier (2013) rejoint certaines des idées émises précédemment. Selon ces auteurs, les représentations de la collectivité à l’égard des immigrants dépendrait de : « comment on les voit ; ce qu’on pense qu’ils peuvent apporter ; les craintes ou les méfiances qu’on a à leur égard ; la manière dont les médias les mettent en scène au travers de leurs réussites ou des problèmes qu’ils posent, etc. » (Vatz Laaroussi et Bernier, 2013 : 225). Ces images et représentations des hôtes ont une influence directe sur la vie quotidienne, sociale et socioprofessionnelle des immigrants. Les membres de la communauté d’accueil peuvent adopter différentes attitudes envers les immigrants : l’individualisme, l’intégrationnisme, l’intégrationnisme de transformation, l’assimilationnisme, le ségrégationnisme et l’exclusionnisme (Bourhis, Barrette et Moriconi, 2008).
L’adoption par la communauté d’accueil des trois premières orientations d’acculturation accueillantes (l’individualisme, l’intégrationnisme et l’intégrationnisme de transformation) favorise des relations harmonieuses avec les immigrants. Les Québécois francophones qui adhèrent aux orientations les moins accueillantes, comme le ségrégationnisme et l’exclusionnisme, sont susceptibles d’entretenir des relations problématiques ou conflictuelles avec les immigrants (Vatz-Laaroussi, Charbonneau, Dansereau, 1999) .
Plusieurs études ont porté sur les orientations d’acculturation de la communauté d’accueil en tant que groupe majoritaire envers les immigrants dans des villes multiethniques où les politiques nationales d’immigration et d’intégration diffèrent (Bourhis et Dayan, 2004 ; Montaruli, Bourhis, Azurmendi et Larrañaga, 2011 ; Montreuil et Bourhis, 2004). Dans ces études, les étudiants universitaires adoptent surtout les orientations d’acculturation individualistes et intégrationnistes, mais peu celle de l’intégration de transformation. Dans l’ensemble, l’orientation assimilationniste est modérément endossée, alors que le ségrégationnisme et l’exclusionnisme sont les orientations d’acculturation les moins endossées envers les immigrants (Bourhis, Carignan, Sioufi, 2015).
Les facteurs qui influencent les attitudes de la communauté d’accueil
Une des attitudes dont on entend souvent parler lorsque l’on aborde l’accueil de nouveaux arrivants est l`ouverture d’esprit. Le concept d’ouverture d’esprit est tiré de la psychologie sociale et est reconnu pour être un déterminant important dans l’intolérance et le développement de préjugé (Hello et al, 2006) . Les personnes qui sont plus ouvertes d’esprit seraient moins enclines à prendre leurs distances à l’égard des individus d’une appartenance ethnique différente. Gallant, Bilodeau et Lechaume (2013) indiquent d’autre part que les personnes qui : 1) ont des amis immigrants, 2) ont un plus haut niveau de scolarité, 3) ont voyagé à l’étranger, 4) connaissent des immigrants et 5) vivent en milieu urbain (Montréal dans le cas de cette étude) ont des attitudes plus favorables à l’intégration Ces constats sont en partie corroborés par Matera, Stefanile et Brown (2011), notamment en ce qui a trait à l’impact du « désir de contact avec des immigrants » et de la situation économique (lorsque la situation d’un pays est difficile, les attitudes envers les immigrants sont plus négatives).
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