Méthodes de traitement des signaux EMG

Méthodes de traitement des signaux EMG

Chaque signal brut EMG doit être traité pour pouvoir ensuite être analysé. Il n’existe à ce jour aucun étalon d’or pour traiter ces signaux et notamment détecter les activations musculaires chez les personnes arthrosiques. De nombreuses méthodes ont été développées depuis les années 1980 dont l’objectif est d’améliorer la précision de détection, c’est-à-dire de détecter les activations musculaires le plus adéquatement possible (Fabio, 1987; Giroux, Moissenet et  Dumas, 2013; Li et Aruin, 2005; Micera, Sabatini et Dario, 1998; Vasseljen et al., 2006). Les personnes arthrosiques étant souvent sujettes au surpoids et à la faiblesse musculaire, les signaux EMG présentent beaucoup de bruit. D’après Hodges et Bui (Hodges et Bui, 1996), la détermination des paramètres de traitement du signal EMG sont dépendants des signaux EMG étudiés et il est donc important que la sélection des paramètres soit optimale pour détecter le plus précisément possible les activations musculaires.

Le traitement de chaque signal brut va suivre les étapes comme suit :
• Suppression de la ligne de base (baseline)
• Rectification du signal
• Amplification ciblée du signal si appliquée
• Définition de l’enveloppe
• Détection des activations musculaires

Suppression de la ligne de base 

La première étape de traitement de tous les signaux bruts EMG est la suppression de la ligne de base. Cette étape n’est pas toujours décrite dans les articles de la littérature mais deux méthodes principales sont utilisées : la méthode médiane et la méthode de filtrage passe-bande. La première méthode consiste à soustraire la médiane de chacune des valeurs du signal alors que la seconde consiste à filtrer le signal afin de supprimer les trop petites ou les trop grandes fréquences. La méthode de filtrage passe-bande est plus largement utilisée, notamment par des auteurs ayant étudié la population de patients arthrosiques (Rudolph, Schmitt et Lewek, 2007; Schmitt; et Rudolph, 2007; Zeni, Rudolph et Higginson, 2010). La grande majorité des articles précisant cette étape s’accorde sur la méthode de filtre passe bande 30-300Hz, qui permet de « réduire le bruit de trop hautes fréquences » (Solnik et al., 2010). Celui-ci va donc supprimer les fréquences inférieures à 30 Hz ainsi que celles supérieures à 300 Hz.

Rectification du signal 

Après un premier filtrage, le signal EMG passe par une étape de rectification du signal, qui permet de redresser le signal négatif. Cette étape est définie selon l’équation ci-dessous, telle qu’utilisée dans l’étude de Staude (Staude et Wolf, 1999). Tout comme l’étape précédente, cette étape est souvent uniquement mentionnée dans les études traitant des signaux EMG car considérée comme du prétraitement.

Amplification ciblée du signal

Pour amplifier le signal de manière ciblée, une méthode a été développée par Li et Aruin (Li et Aruin, 2005), c’est la méthode Teager-Kaiser Energy (TKE). Elle est basée sur le travail de Kaiser en 1910 (Kaiser, 1910) qui a développé un algorithme permettant d’extraire, pour la première fois, l’énergie d’un processus mécanique. L’algorithme permet d’évaluer de manière efficace et précise la fréquence instantanée d’un signal et ce, en suivant les changements rapides de fréquences tels que les signaux EMG. Ce travail a ensuite été repris plus tard en 1993 dans l’étude de Maragos (Maragos, Kaiser et Quatieri, 1993) qui a confirmé l’utilité et la pertinence de cet algorithme qui est facile d’utilisation et précis de même qu’applicable à des signaux discrets et continus.

Cette méthode permet d’amplifier l’activité musculaire en prenant en compte, grâce à l’opérateur TKE (TKE operator ou TKEO), la fréquence et l’amplitude du signal EMG. L’activation musculaire est caractérisée par une augmentation de la fréquence et de l’amplitude du signal. La méthode TKE permet donc d’amplifier le « vrai » signal, c’est-à-dire les activations musculaires, et de diminuer le signal « non utile », c’est-à-dire le bruit ou quand le muscle est au repos. Cela permet d’améliorer le ratio signal sur-bruit (SNR) et donc la qualité du signal.

Définition de l’enveloppe 

Après la suppression de la ligne de base, la rectification du signal et l’amplification ciblée si utilisée, le signal est filtré pour définir son enveloppe. Le filtre utilisé diffère selon les articles de la littérature. Toutefois, tous les auteurs s’accordent à dire que le type de filtre à utiliser est le filtre Butterworth passe-bas. Le filtre passe-bas est utilisé pour réduire l’amplitude des composantes de fréquence supérieure à la fréquence de coupure. Cette étape de traitement est importante car un compromis doit être fait entre un filtrage excessif (fréquence de coupure faible) et un filtrage trop faible (fréquence de coupure élevée). Un filtrage excessif pourrait mener à une réduction du bruit présent dans le signal et à une augmentation de la distorsion du signal alors qu’un filtrage trop faible éviterait une distorsion importante du signal mais le bruit initialement présent sur le signal ne serait pas adéquatement supprimé. (Winter, 2009) Cela est confirmé par Hodges et Bui (Hodges et Bui, 1996) qui ont montré qu’un filtrage insuffisant peut faire en sorte que les activations musculaires soient détectées avec un délai, faussant les résultats. Ils spécifient donc qu’il est nécessaire de faire attention aux études dont la fréquence de coupure est inférieure à 10 Hz, car ils ont montré qu’à cette fréquence, les erreurs de détection de début d’activité allaient de 56.44 à 144.87 ms avant le début réel d’activation. La fréquence de coupure définit le nombre limite de changement en une seconde dans le signal EMG que l’on veut considérer. La majorité des auteurs qui travaillent sur les EMG de patients arthrosiques utilisent un filtre Butterworth passe bas d’ordre 4 et de fréquence de coupure de 6 Hz (Astephen et al., 2008; Astephen Wilson et al., 2011; Heiden, Lloyd et Ackland, 2009; Hubley-Kozey et al., 2006). Ce filtre permet d’obtenir une enveloppe du signal très lisse et donc plus facilement interprétable. Les auteurs qui utilisent la méthode TKE dans un premier temps (Mammar, 2013; Solnik et al., 2010) doivent adapter le filtre utilisé à cause de la modification d’échelle et de forme de l’enveloppe et utilisent donc des ordres de filtre passebande avec une fréquence de coupure plus élevée (25 Hz dans l’étude de Samir Mammar et 50 Hz dans l’étude de Solnik (Solnik et al., 2010).Solnik (Solnik et al., 2010) a comparé différents filtres et considèrent qu’un filtre Butterworth passe-bas d’ordre 2 et de fréquence de coupure de 50 Hz permet d’obtenir une enveloppe lisse tout en supprimant le bruit du signal (notamment les trop hautes fréquences). Ce filtre a également été utilisé par Hodges et Bui (Hodges et Bui, 1996) qui, après comparaison de différents filtres, ont conclu que c’était le plus adapté, notamment couplé avec la méthode de détection basée sur le seuil, qui est détaillée plus bas.

Détection des activations musculaires

Une fois l’enveloppe du signal définie, les activités musculaires à proprement parler peuvent être détectées et ce, à l’aide trois méthodes principales de détection lesquelles sont les plus largement utilisées : 1) la méthode ratio, 2) la méthode seuil avec un seuil fixe, et 3) la méthode seuil avec un seuil variable. Il est à noter que la majorité des études sur l’arthrose qui utilisent l’EMG ne détaillent pas leur méthode de traitement des données. Il existe donc peu d’informations sur l’utilisation de ces méthodes de détection chez les personnes arthrosiques. La plupart de ces méthodes dites « automatiques » sont comparées dans la littérature avec la détection visuelle par un opérateur expérimenté.

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 MISE EN CONTEXTE
1.1 L’arthrose au genou
1.1.1 Anatomie
1.1.2 L’arthrose
1.2 L’analyse de la marche
1.3 Les signaux EMG
1.3.1 Généralités
1.3.2 La contraction musculaire
1.3.3 Facteurs influençant l’EMG
1.3.4 Filtrage des signaux EMG
CHAPITRE 2 REVUE DE LA LITTÉRATURE
2.1 Méthodes de traitement des signaux EMG
2.1.1 Suppression de la ligne de base
2.1.2 Rectification du signal
2.1.3 Amplification ciblée du signal
2.1.4 Définition de l’enveloppe
2.1.5 Détection des activations musculaires
2.1.5.1 Méthode ratio
2.1.5.2 Méthode de détection via un seuil fixe
2.1.5.3 Méthode de détection via un seuil variable
2.1.6 Normalisation des données
2.1.7 Résumé et conclusion
2.2 L’EMG et les patients arthrosiques
2.2.1 Intensité d’activation musculaire
2.2.2 Durée d’activation musculaire
2.2.3 Co-contraction musculaire
2.2.4 Analyse de la variabilité de l’activation musculaire
2.2.5 Résumé et conclusion
2.3 Effet de la douleur sur l’activation musculaire
CHAPITRE 3 OBJECTIFS DE RECHERCHE
3.1 Problématiques de recherche
3.1.1 Problématique clinique
3.1.2 Problématique technique
3.2 Objectifs de recherche
CHAPITRE 4 COMPARAISON DES MÉTHODES DE TRAITEMENT DE L’EMG EXISTANTES
4.1 Introduction générale et rappel des objectifs
4.2 Méthodologie
4.2.1 Recrutement et sélection des participants
4.2.2 Déroulement des expérimentations
4.2.2.1 Protocole d’acquisition
4.2.2.2 Emplacement des électrodes
4.2.2.3 Choix de la vitesse de marche
4.2.3 Suppression de la ligne de base
4.2.4 Application de la méthode Teager-Kaiser Energy (TKE)
4.2.5 Définition de l’enveloppe
4.2.6 Méthodes de détection des activités
4.2.7 Définition du seuil d’activation
4.2.8 Jalons de vérification manuelle
4.3 Résultats
4.3.1 Caractéristiques démographiques des participants
4.3.2 Suppression de la ligne de base
4.3.3 Application de la méthode Teager-Kaiser Energy (TKE)
4.3.4 Définition de l’enveloppe
4.3.5 Méthodes de détection des activités
4.3.6 Définition du seuil d’activation
4.4 Discussion
4.4.1 Suppression de la ligne de base
4.4.2 Application de la méthode Teager-Kaiser Energy (TKE)
4.4.3 Définition de l’enveloppe
4.4.4 Méthodes de détection des activités
4.4.5 Définition du seuil d’activation
4.4.6 Jalons de vérification manuelle
4.5 Limitations et forces de l’étude
4.6 Conclusion
CHAPITRE 5 ÉTUDE DE LA RÉPÉTABILITÉ ET DE LA REPRODUCTIBILITÉ DE LA MÉTHODE DE TRAITEMENT DES SIGNAUX EMG
5.1 Introduction générale et rappel des objectifs
5.2 Étude de répétabilité intra-observateur
5.2.1 Méthodologie
5.2.1.1 Analyses statistiques
5.2.2 Résultats
5.3 Étude de reproductibilité inter-observateur (Phases 1 et 2)
5.3.1 Méthodologie
5.3.1.1 Analyses statistiques
5.3.2 Résultats
5.3.2.1 Reproductibilité observateurs/algorithme (Phase 1)
5.3.2.2 Reproductibilité inter-observateurs (Phase 2)
5.4 Discussion
5.5 Limitations et forces de l’étude
5.6 Conclusion
CHAPITRE 6 EFFET DE LA SUPPRESSION DE LA DOULEUR SUR L’EMG DE SUJETS ARTHROSIQUES
6.1 Introduction générale et rappel des objectifs
6.2 Méthodologie
6.2.1 Analyses statistiques
6.2.1.1 Analyses sujet par sujet
6.2.1.2 Analyse de groupe
6.3 Résultats
6.3.1 Analyse sujet par sujet
6.3.2 Analyse de groupe
6.4 Discussion
6.4.1 Impact de la suppression de la douleur sur les intensités d’activation musculaire
6.4.2 Définition des critères quantitatifs
6.4.3 Normalisation des données
6.5 Limitations et forces de l’étude
6.6 Conclusion
CHAPITRE 7 RESULTATS COMPLEMENTAIRES – IMPACT DE LA SUPPRESSION DE LA DOULEUR SUR LA PROBABILITE D’ACTIVATION
7.1 Introduction générale
7.2 Méthodologie
7.2.1 Méthode de traitement des signaux EMG
7.2.2 Analyses statistiques
7.3 Étude de répétabilité intra-observateur
7.3.1 Méthodologie
7.3.2 Résultats
7.4 Études de reproductibilité inter-observateur
7.4.1 Méthodologie
7.4.2 Résultats
7.5 Résultats
7.5.1 Analyse sujet par sujet
7.5.2 Analyse globale
7.6 Discussion
7.7 Conclusion
CONCLUSION GENERALE

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