Le milieu de la construction
De manière générale, l’utilisation de la maquette 3D dans l’AIC (Architecture Ingénierie Construction) est devenue un objectif à atteindre pour l’industrie. Le secteur de la construction est souvent décrit comme un secteur arrivé à maturité, qui innove lentement et qui est peu enclin aux changements techniques (CEFRIO, 2014). Cela peut s’expliquer puisque l’adoption de nouveaux outils n’est pas accompagnée de changements conséquents dans le modèle traditionnel d’entreprise (CEFRIO, 2014). En comparaison avec le secteur manufacturier, l’industrie de la construction n’a pas bénéficié des augmentations de productivité considérables liées aux nouveaux processus rendus possibles ou générés par les nouvelles technologies (CEFRIO, 2014). Comme mentionné ci-haut, le milieu de la construction est un secteur où l’évolution est considérablement lente par rapport aux autres secteurs d’activités. Dans la figure ci-dessous, on observe l’évolution de la productivité dans le secteur de la construction au fil des années par rapport aux autres types d’industries au Québec (Statistique Canada, 2019). La productivité de la construction est définie de différentes façons. D’une part, elle se décrit par la rapidité, la qualité et le coût d’un projet (Statistique Canada, 2019). D’autre part, The American Association of Cost Engineers la décrit comme une mesure relative d’efficacité au travail, qui se définit par le nombre d’extrants par heure (Ahmed, 2011).
Définition du BIM (Building Information Modeling)
Il est important de comprendre les caractéristiques du BIM et ses liens avec la modélisation 3D. En effet, les Building Information Models ou le Building information Modeling ne doivent pas être considérés comme de simples technologies, mais bien être considérés comme des méthodologies de travail en elles-mêmes (Azhar, 2011). À ce jour, il n’existe pas encore de consensus clair sur la définition de ce concept, puisque son utilisation diffère en fonction de plusieurs aspects comme les besoins de l’organisation qui désire l’utiliser. Selon Eastman (2011), un pionnier de l’approche, le BIM est vu comme une base de données intégrée8 une variété de projets/tâches comme la conception, l’analyse de la performance des bâtiments et la coordination des intrants de travail multidisciplinaires. Certains auteurs insistent aussi sur le fait que le BIM modifie l’artefact par lequel interagissent et collaborent les individus dans un projet.
En effet, selon Dossick & Neff (2011), les solutions proposées par les défenseurs du BIM promettent de remplacer les inefficiences, en partie, par la création d’un outil référentiel de connaissances partagées facilement accessible et lisible pour les parties prenantes dans un projet multidisciplinaire. Néanmoins, les mêmes auteurs poursuivent en affirmant que « we find that […] BIM does not replace talk for problem solving or finding optimal solutions because these solutions are distributed across disciplinary boundaries and require the exchange and discovery of tacit knowledge » (Dossick & Neff, 2011). Le BIM sera alors décrit ici comme une approche permettant de produire et de gérer des données depuis la conception d’une maquette jusqu’à la gestion patrimoniale de celle-ci en passant par la phase de construction et en garantissant le travail collaboratif entre les acteurs d’un projet (Arensman & Ozbek, 2012; Landrieu, 2013). Cette définition a été choisie parmi plusieurs, parce que nous portons une attention particulière sur la gestion collaborative du concept ainsi que sur les enjeux d’implémentation qui en découlent en ce qui a trait aux responsabilités. Il est pertinent de noter que, d’un côté, le BIM, comme technologie, soutient et permet la collaboration. D’un autre côté, la collaboration des parties prenantes est nécessaire pour mettre pleinement en œuvre le BIM (Poirier, 2015). Même si les équipes de travail peuvent sembler plus satisfaites de la coordination avec les outils numériques, l’ajustement mutuel est souvent nécessaire dans les relations inter organisationnelles (Orlikowski 2000; Liston, K., Fischer, M., Kunz, J., & Dong, N., 2007; Taylor 2007).
La collaboration dans le BIM La collaboration peut être définie comme l’accord entre différentes parties intéressées à mettre en commun leurs connaissances et leurs capacités dans un processus particulier afin de réaliser les objectifs d’un projet, défini par un client (Hobbs,1996). Cela implique des collaborateurs qui partagent des renseignements et des processus en interagissant, en communiquant, en échangeant, en coordonnant, mais surtout en approuvant les décisions prises (Hobbs,1996). Cela peut sembler simple à première vue, mais s’avérer très complexe dans les faits. En effet, dans une équipe, les membres ne partagent pas nécessairement les mêmes objectifs. Il est possible de faire un parallèle avec le BIM puisque différentes entreprises, ayant des spécialités diverses, doivent travailler ensemble à différents moments du cycle de construction pour insérer, extraire ou modifier de l’information afin de rendre un projet final conforme à l’objectif du client (Alreshidi, E., Mourshed, M., & Rezgui, Y., 2017). Le BIM apparaît, au premier abord, comme une nouvelle manière efficace de gérer les processus communicationnels des projets interdisciplinaires.
En effet, les promoteurs de l’approche BIM indiquent que toutes les parties prenantes profitent de son implémentation. Selon eux, les architectes, les ingénieurs, les estimateurs, les entrepreneurs, les sous-traitants, les fabricants, les opérations, etc. sont tous gagnants (Holzer,2007). Cependant, dans l’industrie de la construction, les projets multidisciplinaires soulèvent des enjeux de confiance qui peuvent entraîner un manque de clarté des rôles, des responsabilités et d’interopérabilité (Alreshidia et al., 2017). Les questions qui restent souvent en suspens sont : comment et à qui attribuer les rôles et les tâches pour produire le modèle BIM (principalement sur les plans de la coordination et de la mise à jour du modèle)? Qui sont les responsables du modèle? À qui appartient le modèle final? Qui en détient le contrôle? (Azhar, 2011; Lindblad, 2013; Thompson & Miner, 2006; Arensman & Ozbek, 2012; Ussing Kjeld Svidt & Wandahl, 2016; Holzer, 2007). Ainsi, malgré l’effort soutenu de plusieurs organisations, chercheurs ou praticiens à garantir un environnement collaboratif pour adopter et intégrer le BIM à leurs pratiques, les défis et les obstacles restent encore présents aujourd’hui par rapport à la collaboration.
Définition de l’implémentation
Avant de poursuivre, il est important d’expliquer ce que l’implémentation signifie et de quelle manière ce terme sera utilisé dans ce document. En fait, ce terme peut avoir plusieurs connotations dans la littérature scientifique. Connaître la réelle signification de ce qu’est l’implémentation en innovation est important autant pour les chercheurs que pour les praticiens (Sackey, 2014). Selon Sackey, il est possible de dénoter trois grandes écoles de pensées qui ont dominé les théories de l’innovation : l’impératif technologique, l’impératif organisationnel et l’impératif sociotechnique. Dans cette recherche, la définition de l’implémentation se basera sur une perspective sociotechnique étant donné que les auteurs associés à ce type de pensée s’intéressent à l’interaction entre la technologie et la structure sociale d’une organisation et aux conséquences de ce type d’interaction (Markus & Silver, 2008). Ce type de perspective est donc en lien direct avec le but et les objectifs du projet. En effet, l’individu sera perçu dans ce projet comme complémentaire à la technologie plutôt qu’une extension de celle-ci (Trist, 1981) et nous nous intéresserons aux impacts de l’innovation dans les organisations. Cela dit, ce type de perspective permettra à ce projet de couvrir les différents types d’impact qui ont un impact sur l’organisation à la suite d’un changement technologique (Sackey, 2014). La définition retenue de l’implémentation dans ce contexte : un processus d’adaptation et d’appropriation de la technologie BIM comme une stratégie organisationnelle qui considère les facteurs sociotechniques (contexte social et technologique) (Sackey, 2014).
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