Azote
L’atome d’azote est le quatrième élément chimique le plus abondant chez les êtres vivants après le carbone, l’hydrogène et l’oxygène. Cependant, la quantité totale d’azote dans l’atmosphère, les sols et les eaux de la Terre est d’environ 4 × 10 21 grammes (g). Cette quantité est plus que la masse combinée du carbone (C), du phosphore (P), de l’oxygène (O) et du soufre (S) (MacKenzie et al., 1988). Cela s’explique par le fait que dans la nature, il se présente presque entièrement sous la forme d’azote moléculaire, une forme chimique inutilisable par la plupart des organismes (Galloway et al., 2003). Il est tout de même vital, car il entre dans la composition des protéines qui sont des substances actives intervenant dans différentes réactions chimiques. Présent dans l’atmosphère sous la forme de diazote, stable et peu réactif, il représente 78 % des constituants de l’air. Lors de la combustion avec des combustibles fossiles (pétrole, charbon), l’azote atmosphérique s’associe à l’oxygène pour former des oxydes d’azote (NOx) qui ont un effet majeur dans la pollution de l’air (Galloway et al., 2003). Bien que l’azote élémentaire ne soit pas très réactif, il présente neuf états d’oxydation (-3 à +5). Il forme, par divers processus, avec de nombreux autres éléments chimiques des composés organiques et inorganiques, souvent instables. C’est le cas par exemple en chimie organique où il est lié aux composés carbonés généralement sous la forme réduite (Jermakka et al., 2015). L’assimilation de l’azote par les organismes vivants se fait sous la forme chimique : l’ammonium et surtout le nitrate, une de ses formes oxydées (Morot-Gaudry,1997).
Cycle de l’azote
Le cycle de l’azote est un processus biogéochimique qui décrit le passage de l’azote (minérales et organiques) d’une forme à une autre entre l’atmosphère et la biosphère (figure 1.1). Le processus fait intervenir de nombreux organismes animaux et végétaux ainsi que des microorganismes pour aboutir à diverses formes de l’azote notamment le diazote, le nitrate, le nitrite, l’ammoniac et l’azote organique (Heathwaite, 1993). Pour briser la triple liaison qui constitue le diazote atmosphérique, il faut une quantité importante d’énergie qui est rendue possible dans des processus à haute température ou par un certain nombre de bactéries vivant en symbiose avec les végétaux. Il s’agit d’une réaction de réduction qui se fait par l’intermédiaire de substances organiques (CH2O) et dont le résultat final dépend du pH du milieu (Galloway et al., 2003). Cette transformation est suivie par d’autres transformations majeures que sont la nitrification, la dénitrification, l’anammox (anaerobic ammonium oxidation) et l’ammonification. Les microorganismes jouent un rôle important dans ces différentes transformations du cycle de l’azote (Jermakka et al., 2015; Chapdelaine, 1992). Toute la dynamique des échanges entre ces processus est liée au degré d’activité de la biomasse en place, qui est, à son tour, dépendante des conditions du milieu (température et densité du sol, humidité, ratio C/N, potentiel d’oxydo-réduction, concentration en oxygène dans le sol). Dans les sols, l’azote se trouve principalement sous la forme organique, mais aussi inorganique (NH4+, NH3, NO3- et NO2-). C’est sous cette dernière forme qu’il est directement assimilable par les plantes. Le nitrite (NO2-) et le nitrate (NO3-) représentent les phases solubles dans l’eau (Chapdelaine, 1992).
Nitrite-nitrate
Les nitrates et les nitrites sont des ions qui font partie du cycle de l’azote. Ils sont présents de façon naturelle dans l’environnement. Ils sont le résultat d’une nitrification de l’ion ammonium (NH4+), présent dans l’eau et le sol, qui est oxydé en nitrites par les bactéries du genre Nitrosomonas (1.1), puis en nitrates par les bactéries du genre Nitrobacter (1.2) (Santé Canada, 2013). Dans l’eau potable, les concentrations de nitrate sont plus élevées que celles du nitrite, de l’ordre de quelques milligrammes par litre ou moins. Ils font l’objet de surveillance compte tenu de la vulnérabilité des nourrissons et des femmes enceintes à certaines concentrations dans l’eau potable (OMS, 2007). Le nitrite est une forme intermédiaire relativement instable et modérément réactive dans la chimie de l’azote. Il a pour base conjuguée l’acide nitreux (HNO2), qui est un acide faible et instable. Le nitrite est toxique pour l’homme. En effet, lorsqu’il entre en contact avec le sang, il réagit avec l’hémoglobine et forme un composant appelé méthémoglobine. Ce composé réduit la capacité sanguine à transporter l’oxygène (Jermakka et al., 2015). Au Canada, la concentration maximale acceptable recommandée dans l’eau potable est de 3 mg/L (équivalent à 0,91 mg/L sous forme d’azote) (Santé Canada, 2013). L’ion nitrate, NO3-, constitue la forme stable de l’azote oxydé.
Sa concentration qui a doublé dans certaines eaux de surface et souterraines, est lié au ruissellement d’origine agricole, le drainage de décharge de déchets ainsi que la contamination par des excréments d’origine humaine ou animale (OMS, 2007). Sa nocivité tient au fait qu’il est à l’origine de la méthémoglobinémie chez les humains. Des études ont établi qu’il est cancérigène chez les animaux tandis que d’autres le jugent potentiellement cancérigène pour les êtres humains (Jestin, 2006). Il n’est pas toléré dans l’eau potable à des concentrations élevées. Sa concentration maximale acceptable dans les eaux potables au Canada est de 45 mg/L (équivalant à 10 mg/L d’azote de nitrate) (Santé Canada, 2013). Le nitrate, bien qu’il soit la forme la plus stable d’azote oxydé, est considéré comme étant moins toxique que le N-NH3 (Ryskie, 2017). En conditions anaérobies et en présence d’une source de carbone, il peut être réduit en nitrite par l’action des microbes. Lorsque la teneur en oxygène est faible, le processus de dénitrification réduit le nitrite en azote gazeux (Appelo & Postma, 1996). Dans ce cas, le nitrate est considéré comme source d’oxygène (Degremont, 2005).
Problématique de l’azote ammoniacal
La croissance démographique de ces dernières décennies corrélées aux développements industriels et agricoles, visant un rendement élevé de production, ne s’est pas faite sans conséquence. Ces activités ont généré un ensemble de polluants dans le milieu naturel, dont l’azote ammoniacal. En 2005, l’inventaire national des rejets de polluants rapportait que la quantité totale d’ammoniac rejetée par l’industrie dans l’environnement canadien était supérieure à 70 000 tonnes, ce qui est plus du double rapporté en 1995 (Environnement Canada, 2014). Ce polluant se retrouve facilement dans l’écosystème aquatique grâce sa grande solubilité. Naturellement, les cours d’eau arrivent à traiter ce composé inorganique. Cependant, l’activité anthropique porte la charge de l’azote ammoniacal au-delà de la capacité naturelle de rétention et de transformation par ces cours d’eau. Cet excès crée une perturbation de l’équilibre des écosystèmes aquatiques en modifiant les propriétés biologiques, physiques et chimiques (CCME, 2010). En quantité excessive avec le phosphore dans le milieu aquatique, ces nutriments peuvent entrainer une eutrophisation, réduisant ainsi l’oxygène dissous disponible.
Les effets de l’ammoniac sur les organismes vivants notamment les poissons portent aussi bien sur une altération de certaines propriétés physiologiques (réduction de la capacité de reproduction et un ralentissement de la croissance des jeunes) que la mort de l’organisme. Cette sensibilité des poissons aux deux formes de l’azote ammoniacal augmente avec les pH acides (Person-Le Ruyet & Boeuf, 1998). Ils ne tiennent donc qu’à des seuils de concentration liés à une toxicité chronique ou une toxicité aigüe. Au Canada, les rejets d’ammoniac au point situé à 100 m du point d’entrée où l’effluent est rejeté dans l’eau ne doivent pas dépasser 0,016 mg/L, exprimé sous forme d’azote (Canada, 2015). Pour le Québec, le potentiel toxique de l’azote ammoniacal dans les eaux usées est évalué en fonction du pH à l’effluent pendant les périodes d’été et d’hiver. Le potentiel est évalué par la valeur aiguë finale (VAF) à l’effluent. Cette valeur correspond à la concentration théorique d’azote ammoniacal pouvant entrainer extinction de 50 % des organismes vivants exposés (MAMOT, 2014).
INTRODUCTION |