Études menées par la Direction de la recherche forestière (DRF)

Exploitation forestière au Québec

Dans plusieurs régions du Québec, la forêt constitue la ressource naturelle la plus abondante et fait vivre une grande partie de leur population. La disponibilité de cette ressource a favorisé depuis longtemps le développement de l’industrie forestière qui domine largement le paysage économique des régions dites « ressources ». Toutefois, les nombreux défis sociaux, économiques et écologiques qui se présentent actuellement à la population, imposent une connaissance accrue du milieu forestier pour réussir à les relever. Autrement, la viabilité de l’industrie forestière liée à l’exploitation de la forêt, ainsi que la santé et la survie de notre patrimoine forestier peuvent être compromises. Le développement harmonieux et durable des ressources de la forêt est désormais un enjeu incontournable pour assurer la protection et la pérennité de la diversité biologique. Son maintien est un élément garant de la protection des systèmes écologiques et des ressources dont nous dépendons.

Ainsi, même si le rôle des différentes espèces au sein des écosystèmes est parfois peu connu, nous savons maintenant que l’ensemble des espèces doit être conservé, car elles sont toutes susceptibles de jouer un rôle clé dans le maintien de leur productivité et de leur viabilité, ou d’être éventuellement utiles à l’homme (Ministère des Ressources naturelles du Québec, 1996). De par le monde, les autorités en matière de forêts sont actuellement confrontées à l’obligation de concevoir des stratégies d’aménagement qui visent la conservation de la biodiversité. Cependant, les pratiques actuelles d’aménagement forestier au Québec n’apparaissent pas constituer une voie prometteuse pour maintenir l’intégrité écologique des territoires forestiers ainsi que leur diversité biologique. En effet, 1’exploitation forestière est actuellement réalisée sur la base d’un aménagement à rendement soutenu, utilisant principalement la coupe avec protection de la régénération et des sols (CPRS). Cette méthode produit des peuplements de structure équienne basée sur une révolution de moins de 100 ans. Ainsi, les structures d’âges que présentent les mosaïques naturelles sont graduellement régularisées de manière à ce que chaque classe d’âge occupe une superficie approximativement similaire au sein de l’unité d’aménagement. On parle alors de normalisation des structures d’âge de la forêt où l’âge moyen des peuplements est de 50 ans (Leduc et al., 2004). Au terme de ce processus, cette normalisation entraînera la disparition quasi complète des peuplements productifs qui dépassent l’âge de révolution forestière, appelés vieilles forêts ou forêts surannées (Seymour et Hunter, 1999; Leduc et al., 2004).

Importance des forêts surannées

Les forêts surannées de structure inéquienne ou irrégulières sont des écosystèmes dotés de caractéristiques architecturales et fonctionnelles qui les distinguent des forêts plus jeunes (Johnson et al., 1995). Leur composition en essences et les attributs structuraux de ces vieux peuplements, tels les gros chicots, les gros débris ligneux, les arbres prisés par la faune, la présence d’arbres dans plusieurs classes d’âges (Whitney et al., 1987), sont considérés comme jouant un rôle primordial dans le maintien de la diversité biologique. Les forêts surannées sont des habitats essentiels pour la faune et la flore et ce, principalement en raison du bois mort sur pied (chicots) et au sol (débris ligneux) qu’elles génèrent (Hannon et al., 1986; DeBell et al., 1997; Drapeau et al., 2002). Le bois mort est colonisé par une grande diversité d’organismes : mammifères, oiseaux, amphibiens, invertébrés, plantes vasculaires et invasculaires et microorganismes (DeBell et al., 1997).

Le bois mort procure des lits de germination et de croissance aux semis et à la végétation du sous-bois et constituent des réservoirs de nutriments pour plusieurs organismes (Harmon et al., 1986; Drapeau et al., 2002). Hannon et al. (1986) ont évalué que près des deux tiers des espèces de vertébrés d’une région sont associées aux débris ligneux ou aux chicots. Il est également reconnu que le bois mort alimente différentes fonctions écologiques clés, notamment les relations trophiques entre la faune vertébrée et invertébrée, la décomposition de la biomasse morte et la productivité des sols (Franklin et al., 1987; Siitonen, 2001). Les chercheurs estiment que le bois mort doit être pris en considération pour maintenir la biodiversité en forêt boréale (DeBell et al., 1997). La raréfaction anticipée de ces forêts par la poursuite d’une stratégie d’aménagement équienne fondée sur la coupe totale est des plus préoccupante, car la conservation de l’ensemble des stades de développement des peuplements et l’hétérogénéité au sein des paysages forestiers doivent être assurés pour maintenir la biodiversité (Bélanger, 2001; Boudreault, 2001; Gauthier et al., 2001 ; De Grandpré et al., 2002).

Aménagement écosystémique Beaucoup d’efforts de recherche ont été mis en place afin de développer des stratégies qui prennent en considération cette réalité qui tend à rendre le territoire homogène. L’aménagement écosystémique, approche s’inspirant de la dynamique des perturbations naturelles, semble être une voie prometteuse pour la conservation de la biodiversité (Attiwill, 1994; Franklin, 1993). Cette approche, qui se répand dans plusieurs pays, est née du constat que les opérations forestières créent des paysages qui ne ressemblent pas nécessairement à ceux qui résultent de phénomènes naturels, tels les infestations d’insectes ou les feux (Ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs, 2003b). Alors, un aménagement qui privilégie une composition et une structure de peuplements semblables à ceux qui caractérisent les milieux naturels devrait permettre le maintien de la biodiversité et des fonctions essentielles des écosystèmes forestiers (Franklin, 1993; Gauthier et al., 1996). Pour appliquer ce type d’approche, une bonne compréhension de la dynamique naturelle des perturbations du territoire est essentielle. Bergeron et al. (2001) ont donc mené plusieurs études qu ‘ils leur ont permis de conclure que le régime naturel des perturbations de la forêt boréale est principalement contrôlé par les feux de forêts.

Ils ont observé que ces perturbations naturelles sont responsables de la mosaïque forestière composée d’une diversité de peuplements, qui est beaucoup plus grande qu’on ne l’aurait généralement cru jusqu’à maintenant. Cette diversité s’exprime par la présence de peuplements de structure et de composition diversifiées dont les agencements spécifiques créent des paysages variables d’une région à 1’autre de la forêt boréale (Gauthier et al., 1996). Pour le territoire de 1’Abitibi, les études sur l’historique des feux ont permis de conclure que l’âge moyen de la mosaïque forestière est d’environ 140 ans. Cela implique que, dans la mosaïque naturelle, on retrouve plus de 50 %des forêts qui ont plus de 100 ans (Bergeron et al., 2001). La majorité de ces peuplements surannés possèdent une structure inéquienne ou irrégulière. Si on compare cette dynamique naturelle à l’aménagement forestier qui est actuellement pratiqué, on constate des différences fondamentales. En fait, il s’agit de la transformation profonde que subit et continuera de subir la forêt au cours des prochaines années par les activités d’aménagement et de récolte de bois (Leduc et al., 2004).

Pour contrer cette problématique de raréfaction des forêts mûres et surannées dans les territoires aménagés, différentes stratégies ont été dernièrement mises sur pied par le Gouvernement du Québec. En effet, la loi sur les forêts (article 35.6) permet dorénavant au ministre des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) de fixer des objectifs de protection ou de mise en valeur des ressources du milieu forestier pour chaque unité d’aménagement forestier. Ces objectifs ont trait à la conservation de la biodiversité, à la conservation des sols et de l’eau et au maintien de la qualité visuelle des paysages. Les plans généraux d’aménagement forestier de 2005-2010, préparés par les bénéficiaires de contrats d’approvisionnement et d’aménagement forestiers, devront définir les stratégies d’aménagement permettant d’atteindre ces objectifs et, afin d’évaluer s’ils les ont atteint, des indicateurs seront mis au point. Pour ce qui est de la conservation de la biodiversité, le MRNF a procédé à une analyse et a consulté de nombreux experts en la matière pour formuler une liste d’enjeux. À partir de cette liste, trois objectifs ont été formulés. Un de ces objectifs stipule qu’il faut maintenir en permanence une quantité de forêts mûres et surannées déterminée en fonction de l’écologie régionale. Pour y parvenir, le MRNF a adoptée une stratégie comprenant trois moyens (2003b). Le premier est l’adoption des refuges biologiques qui visent la conservation intégrale de vieilles forêts sur une portion de la superficie forestière productive d’une UAF.

Ce sont en fait de petites aires protégées. Le deuxième moyen est la création d’îlots de vieillissement qui ont pour but de laisser vieillir des peuplements sur une période plus longue que l’âge de récolte normalement prévu dans une région donnée. Il s’agit de s’assurer qu’une partie des peuplements sont présents suffisamment longtemps pour développer des attributs liés aux stades de forêts mûres et surannées. Une fois ce stade atteint, les peuplements seront récoltés tout en étant remplacés par d’autres, de manière à maintenir en permanence une proportion suffisante de ces peuplements sur le territoire. Le dernier moyen proposé par le MRNFP est l’adoption de pratiques sylvicoles adaptées. Ce moyen a été suggéré dans le passé par Bergeron et al. (1999). En fait, ils ont proposé de modifier les interventions sylvicoles de façon à mieux reproduire les caractéristiques de structure et de composition des grandes phases de développement des peuplements formant la mosaïque forestière nahtrelle, c’est ainsi qu’ils ont introduit la notion de «cohortes». Cette approche d’aménagement, dite multicohortes, suit l’approche du« filtre brut». Celui-ci agit à plusieurs échelles spatiales afin de favoriser les habitats pour une large diversité d’espèces et les interactions entre les différentes espèces et aussi, pour faciliter le maintien des processus écosystémiques (Hunter et al., 1988). La figure 1.1 présente les trois cohortes que 1’on retrouve dans la dynamique nahtrelle des peuplements de pin gris (Pinus banksiana Lamb.) et la période de temps associée à chacune d’elle. On remarque que le passage d’une cohorte à l’autre dans le temps se caractérise par des changements dans la composition et dans la stmcture des peuplements (Bergeron et al., 1998).

Table des matières

LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
RÉSUMÉ
1. INTRODUCTION
1.1 EXPLOITATION FORESTIÈRE AU QUÉBEC
1.2 lMPORTANCE DES FORÊTS SURANNÉES
1.3 AMÉNAGEMENT ÉCOSYSTÉMIQUE
1.4 L’ÉCLAIRCIE COMMERCIALE
1.5 OBJECTIFS DEL ‘ÉTUDE
1.6 HYPOTHÈSES
I. 6.I Composition et structure diamétrale
I.6.2 Bois mort
I. 6. 3 Végétation du sous-bois
I. 6.4 Régénération
2. MATÉRIEL ET MÉTHODE
2.1 TERRITOIREÀL’ÉTUDE
2.2 SOURCES DE DONNÉES
2.3 DISPOSITIFS EXPÉRIMENTAUX
2.3.I Réseau d’éclaircies commerciales en Abitibi (RECA)
2.3.2 Vieux peuplements de pin gris en Abitibi (VPA)
2.3.3 Études menées par la Direction de la recherche forestière (DRF)
2.3.4 Placettes-échantillons temporaires (PET) du ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs
2.4 ÉCHANTILLONNAGE TERRAIN EN ABITIBI
2.4.I Inventaire des arbres vivants
2.4.2 Inventaire des chicots et des débris ligneux
2.4.3 Inventaire de la strate de sous-bois
2.4.4 Inventaire de la régénération
2.4.5 Densité du couvertforestier, dépôt et drainage .
2.5 ANALYSE DES DONNÉES
2.5.1 Composition et structure diamétrale
2.5.2 Chicots
2.5.3 Débris ligneux
2.5.4 Végétation du sous-bois
2.5.5 Régénération
3. RÉSULTATS
3.1 COMPOSITION EN ESPÈCES ET STRUCTURE DIAMÉTRALE
3.1.1 Densités et swfaces ferrières
3.1.2 Indices de diversités de Shannon- Wiener des structures diamétrales
3.1.3 Analyses en composantes principales
3.1.3.1 Réseau d’éclaircie commerciale en Abitibi..
3.1.3.2 Études menées par la Direction de la recherche forestière
3.1.3.3 Vieux peuplements et peuplements éclaircis
3.2 BOIS MORT
3.2.1 Volumes de débris ligneux
3.2.1.1 Réseau d’éclaircie commerciale en Abitibi
3.2.1.2 Vieux peuplements et peuplements éclaircis
3.2.2 Densité et surface terrière des chicots
3.2.2.1 Réseau d’éclaircie commerciale en Abitibi
3.2.2.2 Vieux peuplements et peuplements éclaircis
3.3 VÉGÉTATION DU SOUS-BOIS
3.3.1 Dominance dans la composition, analyses des correspondances et espèces indicatrices
3.3.1.1 Réseau d’éclaircies commerciales en Abitibi
3.3.1.2 Vieux peuplements et peuplements éclaircis
3.3.2 Richesse et diversité alpha et bêta
3.4 RÉGÉNÉRATION
3.4.1 Composition et densité de la régénération
3.4.1.1 Réseau d’éclaircie commerciale en Abitibi
3.4.1.2 Vieux peuplements et peuplements éclaircis
4. DISCUSSION
4.1 EFFETS DE L’ÉCLAIRCIE COMMERCIALE SUR LES DIFFÉRENTS INDICATEURS
4.2 RESSEMBLANCES ENTRE LES PEUPLEMENTS ÉCLAIRCIS ET LES VIEUX PEUPLEMENTS
5. CONCLUSION
6. RÉFÉRENCES
ANNEXE A
ANNEXE B
ANNEXE C
ANNEXE D
ANNEXEE
ANNEXE F
ANNEXE G
ANNEXE 8
ANNEXE 1
ANNEXE J
ANNEXE K

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