Building Information Modeling : origine et définition
Difficultés en construction
Historiquement, de nombreux principes ancrés dans l’industrie de la construction poussent au travail en silo. La nature même de l’industrie composée d’une multitude de petites entreprises spécialisées dont la sélection pour un projet est basée sur le prix le plus bas encourage la compétition et constitue un premier obstacle à la collaboration. Le caractère éphémère des projets, avec des interactions en moyenne d’une dizaine de mois, et les faibles marges de profits limitent également le partage d’information et la coopération entre les parties prenantes (Brousseau & Rallet, 1995). En raison de ces contraintes, les intervenants priorisent et optimisent alors les produits de leurs propres disciplines aux dépends de la valeur globale du projet.
Ceci conduit à de nombreux gaspillages, aussi bien physique, tels que la pollution et les résidus de matériaux, qu’immatériel, comme les dépassements de délais et de budgets. En effet, la construction est responsable de 50% de la consommation mondiale des ressources, dont une grande partie se retrouve sous forme de déchets matériels (Sev, 2009), et souffre d’un manque d’efficacité et de fiabilité avec des retards et des surcoûts récurrents. Dans le but d’éliminer ces gaspillages, Nagapan, Rahman, Asmi, Memon, et Latif (2012) recommandent de casser les silos et d’accentuer la collaboration et la communication entre les acteurs afin de réduire les incompréhensions à l’origine de ceux-ci. Il s’agit ici de premiers niveaux dans lesquels s’inscrivent changements apportés par le BIM.
Outre ces gaspillages, les difficultés liées au manque d’innovation, à une absence ou à une mauvaise utilisation des nouvelles technologies sont un frein à son évolution. En effet, le développement et l’appropriation de nouvelles connaissances lors de projets se révèlent difficiles si les systèmes de gestion informatique utilisés ne sont pas appropriés (Zhang, Mao, & AbouRizk, 2009). Cependant une simple acquisition d’un des nombreux logiciels disponibles sur le marché n’est pas suffisante pour résoudre ces problèmes. Leur emploi isolé du système de gestion de l’entreprise et non-intégré dans les pratiques d’affaire dû au manque de maîtrise lors de leur implémentation limite les bénéfices potentiels de telles technologies (Kang, O’Brien, & Mulva, 2013). De plus, l’utilisation de systèmes inaptes à échanger des données compréhensibles et exploitables entre eux occasionnes de nombreuses pertes. En effet le manque d’interopérabilité coûte 15.8 Milliards de dollars (US) dont 6.8 directement liés aux activités de construction et 2.2 milliards supportés par les entrepreneurs spécialisés (Coleman & Jun, 2004). L’utilisation de nouvelles technologies et la maîtrise de leur intégration dans les projets et les pratiques de l’entreprise est alors un autre niveau auquel le BIM intervient.
Ainsi, afin de produire plus rapidement et à moindre coût des ouvrages de meilleure qualité et plus performants (Staub-French et al., 2011), le BIM a émergé comme une nouvelle approche de la construction basée sur la collaboration et le partage d’informations sur fond de représentations numériques de l’ouvrage .
BIM : technologie, organisation et processus
La première apparition de l’acronyme BIM en 1986, utilisé dans un sens proche de celui connu aujourd’hui, coïncidait avec une amplification de l’écart entre la productivité en construction et des autres industries (Eastman, Teicholz, & Sacks, 2011). Plus récemment, dans le document de référence « BIM handbook : A guide to building information modeling for owners, managers, designers, engineers and contractors » (Eastman et al., 2011), le BIM est qualifié de nouvelle approche de la construction dans laquelle une représentation numérique de l’ouvrage est utilisée dans le but de faciliter, d’accélérer et de fiabiliser les échanges d’informations et comportant d’importants changements organisationnels et de pratiques dans l’industrie de la construction. En effet, le BIM favorise une modification radicale des configurations traditionnelles d’entreprise, soit une structure hiérarchisée et organisée par lots, pour une structure d’entreprise horizontale, cassant ainsi le mode de travail en silo (Forgues, Staub-French, Tahrani, & Poirier, 2014). Les responsabilités, les modes de coordination, les processus de travail ainsi que les objectifs à atteindre sont alors revus en conséquence.
De nombreuses études de cas ont démontrés les avantages d’implémentation du BIM dans un projet. Il s’agit entre autres d’une amélioration de la productivité et de la qualité de l’ouvrage, d’une diminution des conflits, des reprises de travaux, des coûts, ou encore de la durée du projet. Cependant, si après 30 ans ces bénéfices devraient être observés dans de nombreux projets de construction, la constante évolution des termes et des technologies crée toujours de nombreuses confusions.
Une des principales confusions vient de l’assimilation de l’acronyme BIM à Building Information Model ou modèle de données du bâtiment. En effet, le National BIM Standard (NBIMS) définissait le BIM comme Building Information Model par « une représentation digitale des caractéristiques physiques et fonctionnelles d’un ouvrage. Comme tel, il sert de ressource partagée de savoir pour toutes les informations au sujet de l’ouvrage, formant ainsi une base fiable pour la prise de décision durant son cycle de vie, dès sa conception » (NBIMS, 2007, page 21, traduction libre). Or, il ne s’agit ici que du produit de la modélisation découplée des aspects organisationnels et procéduraux inhérents au BIM. Dès lors, une vision uniquement technologique du BIM limite la bonne intégration par l’industrie. De plus la tendance qui consiste à utiliser les outils technologiques du BIM calqués sur des processus adaptés au DBB ne peut conduire aux profits annoncés par une refonte des méthodes de travail. En effet, Kang et al. (2013) introduisaient leur étude au sujet de l’impact des technologies de l’information en construction par le constat suivant : seulement 3% des acteurs ayants implémenté le BIM pensent avoir obtenu les bénéfices attendus.
C’est donc en respectant une certaine équité entre les efforts entrepris dans les trois dimensions : la technologie, l’organisation et les processus, que l’adoption du BIM en tant que Building Information Modeling doit être amorcée afin d’accéder à tous ses bénéfices (Staub-French et al., 2011). Ceci entraîne d’importantes modifications des pratiques traditionnellement employées : il s’agit de remplacer le modèle de lots séparés et linéaires par un système intégré et itératif. Pour cela, The Computer Integrated Construction Research Program (2011), propose d’encadrer son implémentation et son utilisation au moyen d’un document de référence : le Plan de gestion BIM.
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