Variable clinique (intensité de la douleur) & questionnaires
Les résultats de ce projet montrent que l’intensité de la douleur lombaire, dans une population d’individus ayant des douleurs lombaires chroniques non spécifiques, peut être réduite suite à un massage de 30 minutes, et ce, en présence de fatigue musculaire. Ces résultats sont similaires à une étude précédente au cours de laquelle une diminution de la douleur au niveau des jambes et du dos a été observée lorsque le massage était utilisé comme traitement de récupération suivant une course de 10 kilomètres (Moraska, 2007). Plus récemment, l’étude de Holub et al., réalisée en 2017, et qui avait pour objectif d’explorer le rôle du massage en présence de raideurs musculaires post-entraînement (Holub and Smith, 2017) a aussi permis d’évaluer l’effet du massage en contexte de fatigue musculaire. Le protocole consistait en une tâche de fatigue (squat de façon répétée) puis d’un traitement de massage, d’une durée de 20 minutes, sur une seule des deux jambes désignant l’autre comme jambe contrôle. L’évaluation de la douleur dans les jambes était notée après 24 et 48 heures. Les auteurs ont rapporté une diminution significative de la douleur perçue dans la jambe ayant reçu le massage seulement lors de l’évaluation de la douleur 24 heures après le traitement (Holub and Smith, 2017). Enfin, une autre étude avait pour objectif de comparer l’effet de différentes thérapies pour le traitement des douleurs lombaires subaiguës en recueillant des données (capacité fonctionnelle, douleur, anxiété et amplitude de mouvement lombaire) après un mois de traitement ainsi qu’après un suivi d’un mois (Preyde, 2000). Cette étude a montré une diminution dans l’intensité de la douleur des individqs ayant des douleurs lombaires après 6 traitements complets de massage thérapie, comprenant la manipulation des tissus mous, des exercices correctifs et de l’éducation posturale, sur une période d’un mois (Preyde, 2000). Les auteurs de cette étude ont rapporté que ce type de thérapie entraîne une diminution de la douleur en comparaison avec la manipulation des tissus mous seulement, des exercices correctifs avec éducation posturale seulement ou un traitement placebo au laser seulement (Preyde, 2000).
La diminution de l’intensité de la douleur des patients est au cœur des préoccupations des cliniciens. Dans ce projet, bien que la diminution de l’intensité de la douleur soit modeste après le massage (1,1/10), ce changement est au-delà de la différence minimale cliniquement importante (DMCI) (Lauridsen et al., 2006). Cette différence est d’autant plus importante puisqu’elle représente le plus petit changement ayant une signification positive pour le patient (Lauridsen et al., 2006). Il est possible qu’en faisant l’association de ce changement positif à la kinésiophobie et la perception catastrophique de la douleur, les patients atteints de douleurs lombaires puissent percevoir un meilleur état de leur santé. De plus, même si l’intensité de la douleur a augmenté pour les deux conditions, le niveau de douleur pour la condition massage est demeuré plus bas en comparaison avec le niveau de base. Il est possible qu’avec plusieurs traitements en massothérapie, l’intensité de la douleur se maintienne à un niveau bas à long terme.
L’utilisation du questionnaire d’incapacité d’Oswestry, lors des deux rencontres, a permis de déterminer si le participant présentait le même niveau d’incapacité fonctionnel au cours des deux visites. Les résultats de l’étude n’indiquent pas de différence concernant les capacités fonctionnelles de nos participants pour les conditions contrôle et massage.
Donc, l’effet du massage ne semble pas entraîner de différence à court terme dans les capacités fonctionnelles des individus ayant des douleurs lombaires chroniques. Ces résultats sont différents de ceux rapportés dans d’autres études, par exemple Chou et al. ainsi que Quaseem et al., qui ont rapportés, avec des preuves faibles à modérées, une amélioration dans la capacité fonctionnelle à court-terme des individus ayant des douleurs lombaires (Chou et al., 2017; Qaseem et al., 2017). Bien qu’il soit peut-être normal de ne pas observer de changement dans ce questionnaire, un traitement à long terme pourrait changer positivement certains items du questionnaire d’incapacité d’Oswestry.
Variables physiologiques: fatigue, force et endurance musculaire
Dans le cadre de ce projet, aucune différence significative n’a été observée pour les variables physiologiques (contractions maximales volontaires (CMV), l’erreur quadratique moyenne (RMS) et la fréquence médiane (Fmed)) entre les deux conditions expérimentales soit la condition contrôle et la condition massage. Les résultats obtenus au cours de ce projet concordent avec d’autres études réalisées précédemment (Cè et al., 2013; Tanaka et a1., 2002). Une étude, évaluant l’effet de la massothérapie sur la fatigue musculaire des membres inférieurs chez des participants sains, n’a rapporté aucune différence dans les paramètres d’EMG et de CMV entre les différentes interventions cliniques suivantes: récupération passive ou active, étirement, massage superficiel ou profond) (Cè et al., 2013). De même, une étude évaluant la fatigue musculaire des muscles du tronc pendant une tâche d’extension isométrique du dos dans une population saine n’a montré aucune différence significative dans les différentes valeurs de Fmed, densité spectrale de puissance (MNF) et RMS quand le massage est comparé à une condition de repos (Tanaka et al., 2002).
Les individus ayant participé au projet décrit dans ce mémoire ont présenté de la fatigue musculaire lombaire lors de la réalisation de la version modifiée du test Sorensen. En effet, la valeur de Fmed lors de la réalisation de cette tâche a diminué, et ce, lors des deux conditions expérimentales (contrôle et massage) (da Silva et al., 2005). La valeur de Fmed est considérée comme un indicateur robuste de la fatigue musculaire (Merletti and Parker, 2004) puisqu’elle est moins sensible au bruit (Stulen and De Luca, 1981) que tout autre paramètre EMG de la fatigue. La diminution de la valeur de Fmed a est associée à une diminution significative dans les valeurs de CMV suivant la version modifiée du test Sorensen. Pour la condition contrôle, une diminution de l’intensité de la douleur lombaire de 5% a été observée tandis que pour la condition massage, ce chiffre s’élevait à 8%. Malgré le fait qu’il n’y ait pas de différence significative dans les valeurs de RMS pré et post-Sorensen pendant les CMV, des études précédentes ont montré que les valeurs de RMS sont moins pertinentes pour l’évaluation de la fatigue musculaire dans une population d’individus ayant des douleurs lombaires chroniques pour différentes raisons (Larivière et al., 2003; Larivière et al., 2005; Oddsson and De Luca, 2003). Entre autres, les individus ayant des douleurs lombaires, en comparaison avec une population d’individus asymptomatique, auraient pu avoir des attentes négatives face à la tâche demandée due à la peur de se blesser (Larivière et al., 2005) ou dû à leur douleur ou au fait d’aggraver cette douleur (Larivière et al., 2003; Oddsson and De Luca, 2003).
Contrairement à notre hypothèse initiale voulant que le massage atténue les manifestations physiologiques, l’endurance musculaire observée est restée la même pour les deux conditions. Le fait qu’aucun changement n’ait été observé pour cette variable suggère qu’il n’y a pas eu d’effet résiduel du massage lors de la réalisation de la version modifiée du test Sorensen. De plus, notre étude montre que les individus ayant un niveau plus élevé d’incapacité étaient ceux ayant une moins bonne endurance des muscles du dos lors de la tâche de fatigue. Deux autres études ont montré le même type de résultats lorsque des individus ayant des douleurs lombaires et des individus sains étaient comparés (Latimer et al., 1999; Paasuke et al., 2002). L’étude de Latimer et al., dont l’objectif était d’évaluer la fiabilité du test de Biering-Sorensen dans une population lombalgique et saine, montre que le groupe d’individus asymptomatiques était significativement plus endurant dans la tâche de fatigue que les deux groupes d’individus symptomatiques (ayant des douleurs lombaires et ayant eu un épisode de douleur lombaire) (Latimer et al., 1999). L’étude de Paasuke et al. avait pour objectif d’examiner la fatigabilité des muscles extenseurs du tronc dans une contraction sous-maximale volontaire et sa relation avec l’indice de massage corporel dans une population d’individus ayant des douleurs lombaires chroniques non spécifiques et des sujets sains (Paasuke et al., 2002). Les auteurs rapportent que le groupe composé d’individus ayant des douleurs lombaires chroniques avait un temps significativement plus faible que le groupe d’individus sains (Paasuke et al., 2002). Bien que le massage réduise de façon significative la douleur lombaire ressentie par les participants, cette réduction n’est pas associée à une augmentation de l’endurance musculaire lors d’une tâche de fatigue des muscles du dos.
CHAPITRE 1 INTRODUCTION |