Généralités sur la gestion des résidus miniers
Par définition, une mine est une fouille dans la terre d’où sont extraits des minerais et des minéraux. Afin qu’une mine puisse être considérée comme rentable, le minerai doit contenir une grande quantité ou du moins une quantité suffisante de produits de valeur (par exemple, des métaux précieux et/ou des métaux de base). Lorsque l’on identifie une mine, des approches sont tout d’abord établies afin de sélectionner la meilleure méthode permettant d’extraire de manière sécuritaire le minerai de la terre. Cela peut être fait à partir d’une mine à ciel ouvert et / ou d’une mine souterraine. La séparation de la matière précieuse composant de la gangue est la prochaine étape. Habituellement, le minerai est broyé à une taille de grain typique d’un matériau limoneux, avec la plupart des particules entre 2 et 80 μm (Bussiere, 2007). À la fin du processus de séparation des minéraux, deux produits sont générés: le concentré de minerai et les résidus miniers qui ne contiennent pas de valeur économique. Une grande quantité de résidus miniers doit alors être gérée par les compagnies minières et les spécialistes se doivent de trouver une technique afin de les gérer d’une manière adéquate. Pendant plusieurs années, ces résidus étaient transportés par voie hydraulique vers des dépressions topographiques proche comme les vallées naturelles, les marécages, les rivières ou les lacs, etc.
Mais au cours des années 1920 et 1930, des compagnies minières ont décidé de construire des digues afin de contenir les résidus à l’intérieur d’une zone bien définie appelée parc à résidus (Dobry et Alvarez, 1967; Volpe, 1979). De plus, pour certaines mines, le bassin de retenue des résidus avait un double objectif de confiner les résidus et de permettre la réutilisation du surplus d’eau au concentrateur de minerai (Vincent 1973). À cette époque, les digues utilisées pour créer la retenue des résidus étaient constituées des résidus eux-mêmes et ont été construites par la méthode amont par des personnes expérimentées qui ont appris empiriquement comment construire des digues sans nécessairement tenir compte des considérations géotechniques de pointe relativement peu développées en ce moment. Il n’y avait essentiellement aucun contrôle de qualité sur les propriétés des matériaux ou la méthode de déposition des résidus. Les compagnies minières supposaient généralement que la séparation naturelle des particules de résidus par dépôt hydraulique était suffisante pour produire un matériau de construction adéquat, la fraction grossière étant située près du point de décharge pour la prochaine section de digue construite par la méthode amont.
Propriétés de base
Les résidus miniers de métaux de roche dure sont généralement composés de fines particules de sable ou de limon. La figure 2.1 montre la distribution granulométrique de neuf échantillons de résidus canadiens de roche dure (Bussière, 2007). Les échantillons caractérisés sur cette figure ont été prélevés à l’usine de concentration de minerai avant le dépôt dans le parc à résidus. Pour ces résidus, le D10 varie entre 0,001 et 0,004 mm, tandis que le D60 varie entre 0,01 et 0,05 mm. Le coefficient d’uniformité CU correspondant (D60 / D10) varie entre 8 et 18. Les pourcentages passant par les mailles de 0,002 mm (2 μm) et 0,08 mm (80 μm) sont compris entre 5% et 14%, et 70% et 97%, respectivement. En utilisant le Système de classification des sols unifié (USCS; e.g., McCarthy 1998), ces résidus sont classés avant dépôt comme étant des limons sableux de faible plasticité (ML). En raison de leur dépôt hydraulique le long ou près de la crête de la digue, les résidus sont généralement classés dans le bassin de retenue afin que les matériaux plus grossiers et (ou) plus denses soient concentrés près du point de rejet dans la zone de la plage, tandis que les particules plus fines sont transportées par l’eau vers ou dans un étang en aval. Cela signifie que les propriétés des résidus dans un parc à résidus peuvent varier à la fois verticalement (en raison du déplacement du point de décharge) et horizontalement (en raison de la ségrégation).
Les études réalisées par Bussière, (2007) sur treize échantillons prélevés sur un parc à résidus montrent qu’après dépôt, les résidus peuvent être classés en utilisant le système de classification USCS en tant que limon non plastique (ML), ou en tant que sable limoneux (SM) pour la fraction la plus grossière, selon la distance du point de rejet (figure 2.2). Ces différences au niveau de la granulométrie des échantillons du même site ne sont pas inhabituelles pour les résidus déposés hydrauliquement (Bussière, 1993; Aubertin et al.,1996, 2002a). Blight et Steffen (1979) ont tenté de relier la distance entre le point de décharge et la taille des particules et leurs études ont donné des relations intéressantes entre les deux paramètres, mais qui demeurent très spécifiques à chaque site. L’hétérogénéité de la distribution granulométrique a un impact sur le comportement hydrogéotechnique in situ des résidus. Les résultats des tests de limite d’Atterberg qui ont été effectués sur ces différents résidus miniers ont montré une légère plasticité avec une limite de plasticité comprise entre 0% et 15% (Bussiere 2007). Un autre paramètre intéressant est la densité relative (DR) des grains solides, qui varie en fonction de la minéralogie du minerai. Selon Aubertin et al. (1996), pour les mines d’or dont le minerai est principalement dans des veines de quartz, la densité relative est généralement comprise entre 2,6 et 2,9. En revanche, la valeur DR demeure plus élevée pour les résidus sulfurés et peut aller jusqu’à des valeurs supérieures de 4,5 (Barbour et al., 1993; Wijewickreme et al., 2005). Il est très important de prendre en compte la valeur de DR, car elle joue un rôle très important au niveau de la ségrégation des particules solides et de l’état de contrainte (total et efficace) qui affecte le comportement de consolidation, la pression interstitielle, la porosité du matériau et la réponse aux charges externes (statiques et dynamiques).
Résidus épaissis
La méthode de résidus épaissis (RE) consiste à épaissir les résidus jusqu’à un pourcentage solide (Cw), généralement entre 50% et 70%. Les épaississeurs conventionnels ou à haute densité sont généralement utilisés pour augmenter Cw. Dans ces épaississeurs, les particules de résidus se déposent au fond et sont pompées dans la zone de stockage, qui peut être située dans une vallée ou sur un terrain plat. Pour former un dépôt en pente dans une vallée, les RE sont déversés en descente. Sur un terrain plat, les RE sont normalement déchargés d’une tour (point de décharge central), ce qui entraîne une pile conique de résidus (voir Robinsky 1999 pour plus de détails). Barbour et al. (1993) ont montré que même à une distance de plus de 1 km du point de décharge, les diamètres D10 et D60 sont toujours similaires à ceux proches du point de décharge. Cette homogénéité des résidus, le petit gradient hydraulique contrôlé par les pentes douces, la conductivité hydraulique relativement faible et la valeur d’entrée d’air relativement élevée du RE impliquent que pour un climat humide typique (comme dans la plupart des régions du Canada) et pour des fondations relativement imperméables, la surface phréatique est perchée près de la surface des résidus. Puisqu’une grande partie des zones de dépôt de RE est saturée (Barbour et al.1993), au moins dans des conditions climatiques humides, l’une des principales incertitudes de la technologie de RE est liée au potentiel de liquéfaction (McMahon et al.,1996; Fourie 2006) et à la prédiction de l’angle de dépôt.
Les résidus épaissis (RE) diffèrent des résidus conventionnellement déposés par leur densité in-situ plus élevée et l’homogénéité relative de l’empilement des RE. De plus, le risque associé à l’instabilité géotechnique des digues peut être considérablement réduit par l’approche RE, car il n’est pas nécessaire de construire de grandes digues de retenues (Bussière 2007). Les propriétés géotechniques du RE sont également améliorées lorsque les résidus sont déposés en couches minces au-dessus de la nappe phréatique. La consolidation par le poids propre augmente la résistance du RE. Une consolidation et un gain de résistance supplémentaires proviennent de la dessiccation lorsque les résidus sont exposés aux conditions climatiques naturelles. D’autres avantages fréquemment mentionnés par rapport aux méthodes de dépôt conventionnelles, tels que des zones de stockage plus petites, une moindre sensibilité à l’érosion hydrique et éolienne, un pourcentage plus élevé de recyclage de l’eau et une réhabilitation progressive plus facile des sites avec des RE (Blight, 2003).
Résidus en pâte
Les résidus de pâte (RP) sont généralement définis comme des mélanges denses et visqueux de résidus et d’eau (et éventuellement de liant) qui, ne se séparent pas lorsque laissés au repos (Cincilla et al.1997). Cette technologie a été développée pour la première fois dans les années 1970 pour le remblayage des chantiers ouverts de mines souterraines (Hassani et Archibald 1998). De nos jours, avec le développement et l’amélioration des technologies d’assèchement, il est possible d’augmenter le pourcentage solide des résidus à des valeurs comprises entre 70% et 85%. Le principe des résidus en pâte consiste à créer un empilement de résidus homogènes autoportants sans besoin de construire de digues de rétention qui sont parfois couteuses. Pour produire du RP, la pulpe de résidus (généralement de 25% à 45% de solides en poids) est d’abord envoyée à un épaississeur pour augmenter le pourcentage solide à environ 60% à 65%, puis pompée pour être filtrée par les filtres à disques qui produisent un gâteau de filtration. Ce dernier est transporté à l’usine de pâte dans laquelle on ajoute de l’eau fraîche au conditionneur afin de produire une pâte de la consistance souhaitée (généralement un pourcentage solide compris entre 70% et 85%). La consistance de la pâte est assez similaire à celle d’un béton humide.
La résistance au cisaillement des résidus de pâte sur le terrain est plus élevée que celle des résidus placés dans des bassins conventionnels et dépend de différents facteurs tels que la teneur en solides, la distribution granulométrique, la porosité in situ, la présence ou l’absence de liant, le degré de saturation et les conditions climatiques. Les mesures de résistance au cisaillement sur un site existant variaient entre 5 et 60 kPa; les valeurs les plus élevées ont été observées après plusieurs mois d’exposition à des conditions climatiques semi-arides où la dessiccation était évidente (Thériault et al. 2003). Des valeurs similaires de résistance au cisaillement ont été mesurées par Verburg et al. (2006) dans des cellules expérimentales de terrain. Des études ont montré qu’il est également possible avec la technologie de RP d’ajouter un liant pour augmenter la résistance de la pâte (Cincilla et al. 1997; Benzaazoua et al. 2004a). Un autre avantage intéressant de l’utilisation d’un liant dans le RP est la possibilité de stabiliser les contaminants dans la matrice cimentée. Les travaux de Benzaazoua et al. (2004b) ont montré que l’utilisation de liant dans les remblais en pâte réduit la mobilité de l’arsenic (As). Selon le type et le pourcentage de liant, la réduction de la concentration en As dans les lixiviats des tests d’extraction de Soxhlet était comprise entre un et deux ordres de grandeur par rapport aux échantillons de résidus non cimentés.
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