Enjeux de la SST dans les organisations
Les lésions professionnelles génèrent des coûts humains et sociaux pour l’ensemble de la société. L’absentéisme pour des raisons de santé implique des frais médicaux, des coûts salariaux, des coûts administratifs, une perte en productivité et une baisse de la compétitivité (Fontaine, 2013). Selon Duguay et al. (2017), le coût moyen annuel des lésions professionnelles au Québec a atteint 4,84 milliards de dollars pour la période allant de 2010 à 2012. Au cours de cette même période, le coût moyen d’une maladie professionnelle a atteint 211 600 dollars, environ 5 fois plus que celui d’un accident de travail. Selon les mêmes auteurs, le coût des maladies professionnelles liées à l’exposition au bruit a été le plus important. Il s’est élevé à 777 millions de dollars. Pour la période allant de 2007 à 2012, les troubles auditifs et les troubles musculosquelettiques ont constitué les maladies professionnelles les plus déclarées (Figure 1.2). La principale cause de décès causés par les maladies professionnelles au Québec est attribuée aux cancers professionnels.
Les statistiques ont montré que 8 % de tous les décès occasionnés par les cancers sont d’origine professionnelle (Labrèche et al., 2013). Selon les mêmes auteurs, de 2002 à 2006, 1070 à 1700 personnes décèdent annuellement à cause des cancers professionnels. Aussi, les symptômes reliés à ces lésions ne sont visibles qu’après des dizaines d’années d’exposition (Labrèche et al., 2013). En résumé, les récentes statistiques (2007-2012) ont montré que le nombre d’accidents de travail continue à diminuer (- 4,8 % annuel), contrairement aux maladies professionnelles qui ne cessent d’augmenter (+2,7 % annuel) (CNESST et IRSST, 2016). Le nombre de décès causés par les maladies professionnelles est aussi plus important que ceux causés par les accidents de travail (Duguay et al, 2014). La Figure 1.2 présente le portrait des maladies professionnelles au Québec pour la période allant de 2007 à 2012. Enfm, la prévention joue un rôle important dans la survie des PME (Gopang et al., 2017). Cependant, les conditions de SST dans les PME sont souvent plus précaires comparées aux grandes entreprises (Cagno et al., 20 Il ; Vickers et al., 2005). En effet, les taux de lésions professionnelles dans les PME sont huit fois plus élevés que ceux enregistrés dans les grandes entreprises (Tremblay et Badri, 2018; Hellemans et Himpens, 2010 ; Mendeloff et al., 2006).
Concept de la performance en santé et sécurité du travail
La définition de la performance en SST varie selon les auteurs (Liu et al., 2014). Diaz et Cabrera (1997) ont défini la performance en SST par « la conscience des employés de leur environnement de travail qui influence leur comportement sécuritaire». Wu et al. (2008) ont associé la performance en SST à« la robustesse d’un système de gestion de la SST ». Selon Roy et al. (2005), la performance en SST d’une entreprise peut être associée à «la fréquence de l’occurrence des lésions professionnelles ». Arezes et Miguel (2003) ont précisé qu’une entreprise est performante en SST si« elle n’a pas d’historique d’accidents ni de maladies professionnelles durant une longue période de temps ». Selon Tremblay et Badri (2018), la performance en SST est basée sur « l’efficacité de la gestion de la SST ». Selon les mêmes auteurs, «une gestion efficace de SST doit mener à l’élimination ou à la réduction des lésions professionnelles à court et à moyen terme». Plusieurs éléments peuvent refléter la performance en SST comme le nombre des activités reliées à la prévention, le nombre des travailleurs bénéficiaires de ces activités, le niveau d’ exposition aux dangers (Fortin, 2015). D’autres éléments peuvent également renvoyer à la performance en SST comme le taux d’incidence et de gravité des lésions et les diverses indemnités versées (Dionne-Proulx et al., 2003). Il existe trois principales approches pour mesurer la performance en SST, soient: 1) l’approche basée sur les résultats, 2) l’approche basée sur la conformité et 3) l’approche basée sur les processus (Cambon et al., 2005).
D’après les mêmes auteurs, deux principaux types d’ indicateurs de performance en SST sont associés à ces approches. Il s’agit des indicateurs réactifs ou proactifs (Sinelnikov et al., 2015 ; Podg6rski, 2015 ; Roy et al., 2008). Ces deux types d’ indicateurs sont complémentaires. Ils doivent être mis en oeuvre conjointement afin de mener une évaluation efficace de la performance en SST (Tremblay et Badri, 2018 ; Lingard et aL, 20 Il). Les indicateurs réactifs sont utilisés par les approches basées sur les résultats (Podg6rski, 2015). En effet, les indicateurs réactifs sont basés sur des données historiques (Podg6rski, 2015 ; Erikson, 2009), c’est-à-dire, sur des évènements qui se sont déjà produits dans le passé (Hopkins, 2009). Les indicateurs proactifs sont utilisés par les approches basées sur la conformité (Podg6rski, 2015). Contrairement aux indicateurs réactifs, les indicateurs proactifs sont considérés comme des mesures anticipatives permettant aux entreprises de prévenir les lésions (Grotowski). Comme indicateurs réactifs, on peut citer le nombre de décès et le nombre blessures (Sinelnikov et al., 2015). Shea et al. (2016) ont identifié dix indicateurs proactifs, à savoir: 1) la responsabilisation à l’égard de la SST, 2) la communication et la consultation en SST, 3) l’implication des employés dans la SST, 4) l’investissement de la direction dans la SST, 5) la rétroaction positive et la reconnaissance vis-à-vis de la SST, 6) la prévalence de la SST, 7) la gestion des risques, 8) les systèmes de gestion de la SST, 9) les inspections en SST et 10) les pratiques en SST (l’offre de formation et d’information, les interventions en SST, les outils, les ressources).
a) Taille de l’entreprise La performance en SST est plus faible dans les petites entreprises que dans les grandes entreprises (Cunningham et al., 2018 ; Cagno et al., 2011 ; S0rensen et al., 2007 ; Trop et Moen, 2006 ; Vickers et al., 2005 ; Saksvik et al., 2003 ; Frick al., 1998). En effet, la taille de l’entreprise est l’un des facteurs favorisant les lésions professionnelles (Cunningham et al., 2018). Les travailleurs des PME sont plus victimes des lésions professionnelles que ceux des grandes entreprises (Targoutzidis et al., 2014; Micheli et Cagno, 2010). Plus la taille d’une entreprise augmente, plus les activités de gestion de la SST semblent s’améliorer (Champoux et Brun, 2003). Les diverses évaluations en SST augmentent également avec la taille de l’entreprise (S0nderstrup-Andersen et al., 2010). Selon Wilson et Koehn (2000), la prise en charge de la prévention augmente à mesure que la taille de l’entreprise augmente. Aussi, la taille de l’entreprise impacte la performance des systèmes de gestion en SST (Stolk et Cockburn, 2012). Les systèmes de gestion de SST sont plus performants dans les grandes entreprises (S0nderstrup-Andersen et al., 2010). Le nombre des formations dispensées par l’employeur est relatif à la taille de l’entreprise (Gal lia, 2003). Cependant, les formations notamment en SST influencent positivement les comportements et les attitudes des travailleurs en matière de SST (Frei tas et Silvia, 2017). Morse et al., (2004) ont évoqué une relation entre la taille de l’entreprise et les maladies professionnelles. Us ont fait ressortir que les facteurs de risque de troubles musculosquelettiques (TMS) sont plus élevés dans les entreprises de petite taille ou de taille moyenne, comparativement aux grandes entreprises. De plus, l’exposition des travailleurs aux solvants est plus faible dans les grandes entreprises que dans les petites entreprises (Ukai et al, 2006). Or tous les solvants organiques sont dangereux pour la santé. Ces solvants peuvent engendrer des affections cutanées (irritation, brûlure et dermatose), des troubles nerveux (vertiges, ébriété, paralysie, etc.), du sang (anémie), du foie (hépatite) et des reins (INRS, 2017).
b) Âge des travailleurs Généralement, les jeunes travailleurs sont affectés aux travaux les plus difficiles (Fox et al., 2015). Ils sont souvent amenés à travailler dans des industries manufacturières où ils sont exposés à de nombreuses matières dangereuses (Keen, 2017). Les risques d’affections cutanées liées au travail sont plus élevés chez les jeunes travailleurs. Aussi, les jeunes travailleurs sont souvent les plus exposés aux contraintes physiques causées par le travail répétitif et la manutention des charges lourdes (IRSST, 2014). Cela explique le taux élevé de blessures recensés chez les jeunes travailleurs comparé aux travailleurs les plus âgés (Salminen, 1996 ; Laflarnme et Menckel, 1995 ; Rhodes, 1983). Les jeunes travailleurs sont aussi généralement plus soumis aux vibrations provenant des outils (IRSST, 2014). De plus, les jeunes travailleurs présentent une grande sensibilité aux matières dangereuses (Keen, 2017). Plus les travailleurs vieillissent, plus leurs capacités physiques (capacité à supporter des charges, endurance physique, forces physiques, capacité cognitive et perception visuelle) diminuent (Fox et a1., 2015). Souvent, les travailleurs âgés s ‘efforcent et dépassent leurs capacités physiologiques afm de compenser leur baisse de performance (Aubert et Crépon, 2004). Cette sollicitation au-delà des capacités physiologiques peut conduire à l’apparition de diverses maladies professionnelles comme les TMS (CNES ST, 2015). C’est pour cette raison que les TMS sont souvent associés à l’âge (Heiden et al., 2013 ; Parsons et al., 2007). Ward et Schiller (2013) ont rapporté que la proportion des personnes atteintes d’au moins deux des dix principales maladies chroniques (hypertension, coronaropathie, accident vasculaire cérébral, diabète, cancer, arthrite, hépatite, faible ou déficience rénale et maladies pulmonaires chroniques ou asthme) augmente avec l’ âge. Les travailleurs âgés sont régulièrement sujets à des maladies cardiovasculaires et des troubles du sommeil (Laville et aL, 2004).
REMERCIEMENTS
|