Le cancer et ses répercussions
Les capacités d’adaptation de la personne atteinte du cancer sont sollicitées tout au long de sa trajectoire de soins, que ce soit lors de l’annonce du diagnostic, des traitements, de la phase post-traitements, d’une éventuelle récidive ou encore, en phase palliative de la maladie ou durant la fin de vie. Les transitions à chacune de ces phases ou étapes constituent aussi des moments charnières où la détresse est d’ autant plus susceptible d’ être présente, autant en termes de prévalence que d’intensité (Fillion et al., 2014; Hewitt, Greenfields, & Stovall, 2006).
Les défis à relever
Le cancer a de multiples conséquences sur l’ensemble des sphères de la vie des personnes qui en sont atteintes tant sur ses dimensions physiques, sociales, psychologiques ou spirituelles (Fitch, 2008). Chacune de ces dimensions sera explorée dans le but de se représenter au mieux l’expérience du cancer.
Malgré les nombreuses précautions médicales prises pour traiter le cancer, la majorité des traitements provoquent des effets secondaires (Frankel Kelvin & Tyson, 20 Il), lesquels seront d’ intensité et de prévalence variables selon le traitement. Les effets secondaires peuvent se produire durant le traitement ou lorsqu’ il se termine (p. ex., diarrhée, fatigue , baisse des numérations globulaires). D’autres effets secondaires peuvent apparaitre tardivement, soit plusieurs mois voire plusieurs années après la fin des traitements (p. ex., fatigue , infertilité, problèmes cardiaques). Néanmoins, des variations individuelles sont présentes selon le type de cancer (p. ex., cancer du sein, leucémie, sarcome) et le type de traitement (p. ex., chirurgie, chimiothérapie). Sur le plan physique, la maladie et les effets secondaires des traitements oncologiques peuvent ainsi altérer considérablement la qualité de vie du patient (Arndt, Merx, Stegmaier, Ziegler, & Brenner, 2005).
Sur le plan social, les contraintes liées au cancer peuvent perhlrber l’organisation familiale en modifiant les rôles et les responsabilités de chacun des membres (Delvaux, 2006). Cette maladie peut également créer un bouleversement pour l’entourage du patient (p. ex., les amis, la famille), lui aussi confronté aux émotions pénibles telle la peur de perdre un proche et l’incertitude face à l’avenir (Cohen & Cohen, 1981).
L’évènement de vie que représente le cancer implique nécessairement une rupture biographique (Sarradon-Eck, 2009) qui bouscule les projets de vie de la personne et de son entourage. La dimension spirituelle peut ainsi être sollicitée puisque la personne peut être amenée à requestionner le sens de sa vie, ses attentes, ses valeurs ou ses croyances (Desmedt & Shaha, 2013; Gaillard, Desmedt, & Shaha, 2013; Visser, Garssen, & Vingerhoets, 2010). À noter que le terme de spiritualité ne s’ attache pas nécessairement à une croyance religieuse puisqu’elle renvoie de manière globale à la culture, aux aspirations et à l ‘histoire personnelle des personnes (Honoré, 20 Il).
Le cancer implique également un réel bouleversement sur le plan psychologique. Il suscite une série de réactions émotionnelles, habituellement décrites par Kübler-Ross (1985) comme les phases d’acceptation de la maladie (le déni, la colère, la négociation, l’isolement et l’acceptation), pouvant contribuer à la détresse psychologique (AIder, Bitzer, & Brédart, 2009). L’image du corps peut être également une source de souffrance psychologique (Ogden, 2014) puisque certains traitements oncologiques (p. ex., chirurgie, chimiothérapie) peuvent provoquer de lourds changements physionomiques (p. ex., mastectomie, alopécie). Des troubles cognitifs sont également observés (AndersonHanley, Sherman, Riggs, Agocha, & Compas, 2003) pour certains types de traitement (p. ex., chimiothérapie) ou de cancer (p. ex. , cancer du cerveau) et peuvent également nuire à la qualité de vie des patients (National Comprehensive Cancer Network, 2010).
La détresse et le risque de chronicisation des émotions difficiles
Les préoccupations autour du diagnostic de cancer, ses traitements ou son pronostic sont nombreuses (p. ex. , peur de la récidive, préoccupation concernant l’image corporelle, changement de rôle social) et peuvent susciter une gamme d’ émotions variées telles que la tristesse, la peur ou la colère (Alexander et al. , 20 Il; Philip & Kissane, 2017). Or, ces émotions, bien que naturelles, peuvent devenir un terreau fertile pour le développement de troubles cliniques comme l’anxiété ou la dépression (Krebber et al., 2014; Mitchell, Ferguson, Gill, Paul, & Symonds, 2013). Par exemple, l’ impuissance face à la maladie peut provoquer de la tristesse et devenir réellement écrasante si elle perdure et contribuer de surcroît au développement de la détresse (Philip & Kissane, 2017).
La détresse est définie comme une expérience multifactorielle désagréable de nature psychologique, sociale et spirituelle, qui peut interférer avec les capacités d’adaptation pour faire face au cancer (National Comprehensive Cancer Network, 2010). Elle s’ étend sur un continuum allant de sentiments normaux comme l’ incertitude, la peur ou la tristesse à des difficultés plus chroniques et invalidantes (corrune la dépression, l’anxiété, l’isolement social ou la panique). Un des risques majeurs en oncologie est que ces émotions pénibles se chronicisent en trouble clinique et alimentent la détresse psychologique.
La détresse représente donc un grand frein à la qualité de vie des personnes atteintes d’un cancer et elle est une cible de choix pour les interventions psychosociales en oncologie. De plus, bien qu’une grande proportion des personnes s’adaptent relativement bien à leur maladie (Jans en et al. , 2011), le niveau de détresse psychologique demeure beaucoup plus élevé que dans la population générale (Phipps, Braitman, Stites, & Leighton, 2008). De surcroit, plus du tiers des patients atteints d’un cancer au Canada nécessiteraient l’ intervention d’un professionnel de santé pour gérer leur détresse, bien que seulement 10 % d’entre eux y auraient réellement accès (Carlson et al. , 2004; Zabora, Brintzenhofeszoc, Curbow, Hooker, & Piantadosi, 2001). Au Canada, cet indicateur qu’ est la détresse est si important qu’ il est dorénavant considéré comme le sixième signe vital (après la température, la respiration, le pouls, la douleur et la pression sanguine) à prendre en compte pour évaluer les patients atteints de cancer (National Comprehensive Cancer Network, 2010).
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