Contexte de la pratique des dons de médicaments par IISF
Fondé en 2005, IISF est un OCI québécois à but non lucratif. Sa mission est de soutenir des projets à caractère humanitaire dans le domaine de la santé. La majorité des coopérants sont des professionnels de la santé et des étudiants principalement du domaine des soins infirmiers. Les projets sont de courtes durées, entre trois et cinq semaines, et se déroulent au sein d’une structure clinique avec qui l’organisme détient un partenariat. Pour les projets au Sénégal, les coopérants effectuent des activités de santé primaire et de santé communautaire dans un Poste de santé situé dans une communauté rurale .Dans le cadre de ce partenariat, il est demandé aux coopérants de collecter, de transporter et de remettre au partenaire des dons de médicaments à partir de besoins identifiés par ce dernier. Or, des difficultés variées ont été constatées par l’organisme et le partenaire.
La pratique des dons de médicaments entre IISF et son partenaire est composée de diverses étapes informelles et implicites. D’abord, l’organisme établit le processus devant être suivi par les coopérants et par le partenaire. Les besoins en médicaments sont identifiés par le partenaire sur une liste qui est remise aux coopérants (voir annexe 3). Aussi, ces dons doivent respecter les Principes directeurs de l’OMS ainsi que l’arrêté ministériel sénégalais (n°07137, 2009) qui fixe les conditions d’importation, de gestion et d’utilisation des dons de médicaments au Sénégal (Ministère de la Santé, de la Prévention et de l’Hygiène publique du Sénégal (MSPHP), 2009). Ces règles sont présentées par IISF aux coopérants lors de la formation prédépart. Ensuite, ces derniers collectent les médicaments, procèdent à leur sélection, les disposent dans des valises et les transportent au Sénégal. Peu après leur arrivée au Poste de santé, les coopérants remettent les dons au partenaire lors d’une cérémonie. Les médicaments sont ensuite intégrés à la pharmacie du Poste et vendus au même prix que les médicaments sénégalais. Les coopérants réalisent des consultations médicales, posent une impression diagnostique et prescrivent un traitement qui doit être validé par un prescripteur local. Le patient achète ses médicaments et reçoit l’enseignement sur la prise de sa médication. Certains patients reviennent pour un suivi clinique. Après le départ de la MMCT, le partenaire peut redistribuer une partie des médicaments aux structures de santé du district. Enfin, les suivis postdonations entre IISF et son partenaire consistent en des communications ponctuelles et informelles. Quant aux coopérants, ils doivent remettre un rapport d’activités qui sera publié dans le rapport annuel de IISF.
Les principales difficultés constatées par IISF et son partenaire concernent l’encadrement de la pratique avant, pendant et après les MMCT, la quantité insuffisante de médicaments reçus et les conséquences potentielles des dons de médicaments pour les bénéficiaires. Afin d’encadrer les dons de médicaments, IISF a mis en place différentes mesures au fil des années. Toutefois, elles se sont avérées difficiles à appliquer tant pour les administrateurs, les coopérants que le partenaire. En outre, elles sont apparues insuffisantes pour répondre aux attentes du partenaire au niveau de la quantité de médicaments. IISF a constaté qu’il était difficile pour les coopérants de collecter des médicaments auprès des pharmaciens, que les responsables de groupe posaient beaucoup de questions sur le processus des dons de médicaments avant et pendant les MMCT et que les inventaires n’étaient pas rédigés et transmis au partenaire. De même, la gestion des dons par le partenaire et leur utilisation étaient peu connues par l’organisme. Enfin, le manque de suivis spécifiques auprès du partenaire et des coopérants sur les dons de médicaments ainsi que l’absence de publication officielle par IISF sur cette pratique ont été identifiés comme des lacunes par les administrateurs. Ces derniers ont également exprimé leur préoccupation sur les conséquences potentielles des dons de médicaments pour les bénéficiaires, par exemple que ceux-ci pouvaient induire une forme de « dépendance ». Sensible à ces difficultés, IISF souhaitait comprendre, dans sa globalité, la trajectoire des dons de médicaments afin d’en améliorer la pratique et de mieux répondre aux besoins de son partenaire.
Contexte des besoins en médicaments du partenaire de IISF
La pratique des dons de médicaments entre IISF et son partenaire est établie depuis 2009. Elle a évolué au fil des années, toutefois, c’est seulement depuis 2016 que le partenaire exprime formellement son souhait de recevoir des dons de médicaments de la part de toutes les MMCT. Afin de comprendre le contexte de cette demande, le profil sanitaire et pharmaceutique du Sénégal est d’abord brièvement exposé. Étant également au cœur de la problématique, les difficultés d’accès aux médicaments essentiels et les limites des dons de médicaments sur le marché pharmaceutique sont abordées.
Le Sénégal est un pays francophone de l’Afrique de l’Ouest, limitrophe à la Mauritanie, au Mali, à la Gambie, à la Guinée-Bissau et à la Guinée. Selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD, 2019), il fait partie des pays dits à faible développement humain en occupant, en 2019, le 166e rang (sur 189 pays). Avec plus de 13 millions d’habitants, le Sénégal est divisé en 14 régions administratives et chacune est sous-divisée en communautés rurales. Le système de santé au Sénégal comprend un secteur privé et un secteur public, lequel est divisé en trois niveaux : le niveau national (centres hospitaliers universitaires et hôpitaux nationaux), le niveau régional (hôpitaux régionaux) et le niveau district (Centres de santé, Postes de santé et Cases de santé) (Ministère de la Santé et de l’Action sociale du Sénégal (MSAS) et OMS, 2003). Le secteur pharmaceutique du Sénégal est réglementé par la Direction de la Pharmacie et des Laboratoires (DPL) sous laquelle œuvrent notamment la Pharmacie Nationale d’Approvisionnement (PNA). La PNA est un grossiste-répartiteur qui se base principalement sur la Liste Nationale des Médicaments et Produits Essentiels (LNMPE) pour l’approvisionnement des médicaments du système public (Mission Économique – Ambassade de France au Sénégal, 2008). Cette liste comprend actuellement 653 médicaments et produits pharmaceutiques et sert de ligne directrice pour l’approvisionnement national des ressources sanitaires (MSAS et OMS, 2013). Le circuit d’approvisionnement public est également structuré par niveaux : la PNA distribue les médicaments à toutes les Pharmacies Régionales d’Approvisionnement (PRA), lesquelles redistribuent aux Pharmacies de Districts. Ces dernières répondent aux commandes effectuées par les Postes de santé (OMS, 2009).
Depuis la dernière décennie, la disponibilité des médicaments essentiels s’est améliorée au Sénégal, notamment pour la santé maternelle et la santé de l’enfant (Briggs et al., 2018). Néanmoins, leur accessibilité demeure problématique dans les Postes de santé où de fréquentes ruptures de stock ont été documentées, et ce, même pour des médicaments prescrits couramment (de Roodenbeke et al., 2006; OMS, 2013). Bien que le gouvernement sénégalais ait mis en œuvre des programmes de développement social et sanitaire tels que la Couverture Maladie Universelle et les mutuelles de santé au sein des communautés, les difficultés d’accès, la pauvreté structurelle et le manque de coordination persistent (Alenda-Demoutiez, 2017). Ces difficultés encouragent les structures de santé à nouer des collaborations avec des acteurs humanitaires (Salam Fall, 2016), comme cela s’est illustré entre IISF et son partenaire.
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