Démarche diagnostique devant une anémie
Classifications des anémies
Les étiologies des anémies peuvent schématiquement être séparées en 3 étiologies principales : les anomalies nutritionnelles (carences vitamines ou en fer), les co-morbidités à l’origine d’une inflammation chronique ou d’une insuffisance rénale et les anémies inexpliquées, incluant notamment les causes rares d’anémies. On distingue deux grands types d’anémies : les anémies centrales et anémies périphériques.
Types d’anémies en fonction de l’origine centrale ou périphérique
Anémies centrales
Par défaut de production toutes ces anémies ont un point commun : les éticulocytes sont inférieurs à 120G/l. elles sont arégénératives. Les anémies centrales témoignent d’une atteinte de production :par atteinte de la cellule hématopoïétique ou par atteinte de son environnement. Elles peuvent dues à :
• Une disparition des cellules souches de la moelle osseuse ou insuffisance médullaire quantitative (aplasie toxique…)
• Une dysérythropoiese ou insuffisance médullaire qualitative : anémies réfractaires (syndromes myélodysplasiques)
• Un envahissement de la moelle par des cellules anormales (métastases…)
• Une anomalie de structure de la moelle (myélofibrose…)
• Un manque de matière première : B9, B12, fer
• Une stimulation hormonale diminuée (déficit en EPO …)
• Une production d’inhibiteurs de l’érythropoïèse (TNF dans les inflammations…)
Anémies périphériques
Ces anémies périphériques ont en commun un signe biologique : le nombre de réticulocytes est supérieur à 120-150 G/l. elles sont dites régénératives. Dans ce cas, la production médullaire est normale voire augmentée. Il en existe trois types
• Les pertes sanguines aiguës (hémorragies digestives, acte opératoire, traumatismes hémorragiques…)
• Les pertes sanguines chroniques (parasitose….)
• Les régénérations après anémies centrale (chimiothérapie…)
Les hémolyses pathologiques, par destruction trop précoce des hématies.
Les hémolyses peuvent être
• De cause extra-corpusculaire (anticorps anti-hématies…)
• De cause corpusculaire (quasi-exclusivement constitutionnelle) : on parle
d’anémies hémolytiques constitutionnelles. La destruction de l’hématie provient
de sa fragilité par :
-anomalie de la membrane
-anomalie du système enzymatique
-anomalie de l’hémoglobine.
Types d’anémies en fonction du volume globulaire moyen
Anémies normocytaires non régénératives
Elles sont donc définies par un VGM compris entre 80Fl et 100Fl et des réticulocytes inférieurs à 150G/l traduisant l’origine centrale de l’anémie. Dans ce cadre le myélogramme est à discuter. Il convient, avant de le demander, d’éliminer :
• Une inflammation : VS, électrophorèse des protéines sériques (hyper-alpha2), fibrinogène, fer, ferritine, récepteur soluble de la transferrine, CRP
• Une cirrhose (dosage des gammas GT)
• Une insuffisance rénale : créatinémie en tenant compte de l’âge,
• Une pathologie endocrinienne : dosage de cortisol, TSH et T4
• Une hémodilution.
Le myélogramme doit alors être réalisé. Il permet de caractériser différents tableaux selon la richesse du prélèvement :
o moelle pauvre
Erythroblasblastopénie : c’est l’insuffisance médullaire touchant la lignée érythroblastique. Rare, on l’évoque devant un taux d’érythroblastes de moins de 5% et elle peut être congénitale ou secondaire à une hémopathie, un virus, un traitement… Dans les cas de prélèvement pauvre, c’est l’indication principale d’une biopsie ostéo-médullaire. Elle permet d’affirmer la richesse exacte de la moelle et de poser un diagnostic : aplasie ou myélofibrose.
o moelle riche
Envahissement médullaire par des cellules hématopoïétiques :
Blastes (leucémie aiguë), plasmocytes (myélome), lymphocytes matures
(leucémie lymphoïde chronique), cellules lymphomateuses (lymphome malin)
Envahissement médullaire par des cellules non-hématopoïétiques :
Cellules métastasiques cancéreuses (sein, rein, thyroïde, prostate),
myélodysplasie avec troubles morphologiques sanguins et médullaires.
Anémies normocytaires ou macrocytaires régénératives
Elles sont définies par un VGM supérieur à 80Fl et des réticulocytes supérieurs à 120-150 G/l le caractère régénératif traduit l’origine périphérique de l’anémie. Il s’agit d’une hémorragique aiguë, d’une hémolyse pathologique ou d’une régénération médullaire.
Anémie post-hémorragique aiguë
L’anémie est le plus souvent légèrement macrocytaire. L’hyper-réticulocytose n’apparait qu’entre 3 et 4 jours pour être maximale qu’à 7 jours. Il ne faut donc pas éliminer un saignement si le chiffre des réticulocytes est inférieur à 150G/l. L’anémie post-hémorragique aigue est typiquement normocytaire et normochrome un nombre normal de réticulocytes peut être présent en cas d’hémorragie aigue avant la stimulation de l’hématopoïèse ou en cas de saignement chronique après épuisement des substrats nécessaires à l’hématopoïèse .
Anémie hémolytique
Dans la recherche étiologique, deux examens doivent prioritairement être
réalisés :
o Frottis sanguin (anomalies érythrocytaires, paludisme…)
o Test de Coombs direct (AHAI)
Principales étiologies des hémolyses
anémies hémolytiques extra-corpusculaires
Elles sont dominées par les hémolyses immunologiques (test de Coombs direct
positif) :
o Allo-immunes : post-transfusion, maladie hémolytique du nouveau-né,
mais surtout anémies hémolytiques
o Auto-immunes (anémie hémolytique auto-immune)).
o Les hémolyses immuno-allergiques : médicamenteuses (nombreuses classes thérapeutiques)
o Les hémolyses mécaniques (micro-angiopathies thrombotiques, hémolyse sur valve, circulation extracorporelle…)
o Les hémolyses infectieuses : paludisme, septicémies.
o Les hémolyses toxiques : venins de serpents, champignons vénéneux, saturnisme, hydrogène arsénié…
Anémies hémolytiques corpusculaires
Ce sont les anémies hémolytiques constitutionnelles, héréditaires. Parmi elles :
– Anomalies de la membrane de l’hématie :
o La maladie de Minkowski-Chauffard
o Eliptocytose héréditaire
o Stomatocytose héréditaire
– Anomalie du système enzymatique de l’hématie :
Déficit en G6PD : lié à l’X récessif, hémolyse chronique modérée avec épisodes hémolytiques déclenchés par des médicaments, des infections ou ingestion de fèves (favisme). Présence de corps de Heintz à la phase aigüe. Déficit en pyruvate kinase : autosomique récessive.
– Anomalie de l’hémoglobine :
o Drépanocytose : Elle touche principalement les sujets originaires d’Afrique noire
o Thalassémies : diminution de production des chaines normales de glonine alpha ou béta.
Anémies macrocytaires non régénératives
Elles sont définies par un VGM supérieur à 100Fl et des réticulocytes inférieurs à 150 G/l. Ces anémies sont liées à un trouble de formation de l’hémoglobine aboutissant à une taille de l’hématie réduite par compensation. Le volume globulaire normal diminue donc pour assurer une concentration normale en hémoglobine. Le nombre des hématies peut être normal dans ce cas. Il faut éliminer en premier lieu les causes évidentes :
• Insuffisance thyroïdienne
• Une cirrhose
• Médicaments, essentiellement ceux qui interviennent sur le métabolisme de l’ADN (chimiothérapie type alkylants, hydroxyurée, méthotrexate, sulfamides,anticomitiaux, antirétroviraux…)
En dehors de ces circonstances, on demandera :
• Un dosage de vitamines B12 et B9 (folates sériques)
• Un myélogramme si les dosages ne sont pas effondrés
Ces examens permettront de distinguer les anémies mégaloblastiques et les
myélodysplasies d’autres pathologies médullaires.
Les anémies microcytaires
Elles sont définies par un VGM inférieur à 80Fl. Elles révèlent trois étiologies principales :
• Carence en fer
• Inflammations souvent dans un contexte évocateur où l’anémie s’accompagne de signes biologiques d’inflammation : augmentation du fibrinogène, des alpha 2 globulines et de la CRP, le fer sérique est bas, la ferritine sanguine est normale ou augmentée.
• En dehors de ces étiologies et si le fer et la sidérophiline sont normaux il faut réaliser une électrophorèse de l’hémoglobine à la recherche d’une thalassémie.