Abric (2005) définit les représentations sociales comme un ensemble « organisé» à deux composantes :
le contenu et la structure. Toujours selon cet auteur, il s’agit d’un ensemble d’informations, d’ opinions, d’attitudes et de croyances au sujet d’un objet précis, fortement influencé par les valeurs des personnes et par leur histoire. L’importance de ces éléments est variable (Abric, 2005). C’est en 1976 qu’Abric a élaboré la théorie du noyau central (Abric, 2005). Les représentations sociales s’organisent à travers un système sociocognitif (Abric, 2005). À partir d’éléments de contenu et du sens de ces éléments (fonction génératrice), ceux-ci s’organisent à travers diverses relations (fonction organisatrice) (Abric, 2005). On peut donc retrouver des idées similaires entre des individus, mais la façon dont sont organisées ces idées semblables amène des nuances importantes au sens (Abric, 2005). Par exemple, la façon d’intervenir auprès d’un enfant, à partir des mêmes faits d’observation, pourrait être fort distincte selon l’ organisation que chacun aura fait des divers éléments en cause, notamment à cause de la culture, des croyances ou du niveau de connaissance de chaque protagoni ste. En lien avec les représentations sociales se retrouve la posture professionnelle. Lamelle (2008, cité dans Starck, 2016, p. 3) précise : « une posture est la manifestation (physique ou symbolique) d’un état mental» liée à nos croyances et orientée par nos intentions qui influence notre attitude et nos gestes.
L’expression de la posture signifie aussi s’engager dans une institution (Starck, 2016). Cet engagement est un lieu de tension « entre un agir singulier et un agir institutionnalisé» (Starck, 2016, p. 4) qui peut créer une discordance créatrice ou destructrice. L’investissement d’un individu dans sa posture professionnelle parle de son rapport à son rôle (dans son travail), en passant du perceptif au cognitif (Starck, 2016). L’ attitude, quant à elle, découle des représentations. Ce concept est également central en psychologie sociale (Girandola & Joule, 2013). La dimension cognitive de l’ attitude s’appuie sur des croyances et des pensées. Selon Espinosa (2016), il est difficile de prendre conscience de nos attitudes. Souvent, c’ est une tierce personne qui nous aide à réaliser comment nous agissons (Espinosa, 2016). La dimension affective s’ appuie sur des sentiments ou émotions associés à l’ objet, puis la dimension comportementale, sur les comportements produits dans le passé sur l’ objet (Girandola & Joule, 2013). L’ attitude est souvent appelée à être modifiée dans le parcours de vie d’un individu. li s’ agit même d’une particularité centrale dans la vie sociale. À partir de ces éléments, regardons du côté de la relation éducatrice-enfant dans le contexte de connaissances actuelles, puis selon l’approche piklérienne.
Relation à la lumière des connaissances actuelles
Dans le programme éducatif, le concept de relation est d’ abord vu comme un lien d’attachement en faisant référence à la relation parent-enfant, en tant que première figure d’attachement (Ainsworth, 1983; MFA, 2007). Pierrehumbert (2001), spécialiste de l’ attachement, précise que la théorie de l’ attachement propose certains concepts présupposant que l’ enfant s’attache à l’adulte qui prend soin de lui et qu’il s’agit d’un besoin primaire. Il est donc important que l’ enfant puisse bénéficier de soins, dans le respect de son autonomie (pierrehumbert, 2001). Ainsi, la sensibilité de l’ adulte aux besoins de l’enfant, de même que sa réponse ajustée, créent un sentiment de sécurité chez l’enfant (Ainsworth, 1983; Pierrehumbert, 2001). Lorsqu’ il a un besoin, l’ enfant a confiance que l’adulte comprendra ce besoin et qu’ il y répondra. Dans cet ordre d’idées, la qualité de relation est un élément clé pour le bien-être de l’enfant en service de garde (Trudel et al., 2008). En effet, la qualité de la relation entre l’ éducatrice et l’ enfant joue un rôle important quant au développement harmonieux de l’ enfant (Duval & Bouchard, 2013; Violon & Wendland, 2014). Hymel et Ford (2014) soulignent d’ ailleurs l’importance des relations précoces avec les éducatrices qui servent de base pour les relations interpersonnelles que l’ enfant développera par la suite. De plus, le développement des compétences socioaffectives aurait un impact sur le parcours scolaire et sur la préparation à la vie (Duval & Bouchard, 2013; Duval, Bouchard, Hamel, & Pagé, 2016). C’est pourquoi il est fondamental de saisir l’importance des précurseurs du comportement socioaffectif de l’ enfant durant la petite enfance. Les intervenants doivent donc savoir observer et décoder le comportement de l’ enfant, selon le style d’attachement que l’ enfant a développé (Tardif, Lavigne, & Douyon, 2011).
En ce qui a trait aux manifestations d’ affection provenant de l’ adulte, il faut éviter de s’ imposer à l’enfant ou d’interrompre son activité (Cloutier, 2012). Un climat positif est souhaitable de même qu’une relation enfant-professionnel affective et chaleureuse (Duval & Bouchard, 2013; Lemay & Coutu, 2012). Selon un des principes du développement de l’enfant (National Association for the Education of Young Children, 2009), l’enfant se développe à travers des relations constantes et sécurisantes avec des adultes réceptifs et des relations positives avec ses pairs. À ce sujet, selon Lemay et Coutu (2012), l’éducatrice doit se montrer attentive aux comportements de l’enfant et à ses idées. Elle doit le guider, favoriser les interactions avec les autres enfants et lui permettre d’ explorer son environnement (Lemay & Coutu, 2012). Plus concrètement, selon Cloutier (2012), des attitudes telles que se situer à la hauteur de l’ enfant lors des échanges et être souriant permettent d’ établir une complicité entre l’ éducatrice et l’enfant (Cloutier, 2012). Si l’éducatrice souhaite voir chez l’enfant certains comportements, elle doit d’abord ellemême adopter ces comportements (Espinosa, 2016; Lemay & Coutu, 2012). Elle peut aussi renforcer positivement, de façon verbale, le comportement de l’enfant au moment où
l’ action est posée (Lemay & Coutu, 2012) en s’ assurant de valoriser celui-ci (Cloutier, 2012). Enfin, elle peut également enseigner les habiletés sociales directement aux enfants en ayant recours à des personnages fictifs, à des histoires sur les émotions ou encore en discutant avec l’enfant (Lemay & Coutu, 2012). TI est difficile de déterminer les effets de la garde non parentale chez l’ enfant. Les effets qui pourraient provenir du service de garde sont eux-mêmes influencés par des éléments tels que le type d’ attachement de l’ enfant ou bien son contexte familial (Trudel et al ., 2008). Malgré tout, il est possible d’ avancer que la sensibilité et l’ attention responsable manifestées par l’ éducatrice jouent un rôle clé relié à l’ atténuation de l’ effet du stress que l’enfant peut vivre au cours de la petite enfance (Stellem & Gunnar, 2012). La relation entre l’ enfant et l’ éducatrice devrait ainsi être axée sur une relation positive, le but étant de former des relations sécurisantes pour les enfants afin d’ assurer leur bien27 être (Badanes, Dmitrieva, & Enos Watamura, 2012). De plus, le contexte dans lequel se retrouvent l’enfant et l’éducatrice est propice à ce que l’ éducatrice apporte un soutien émotionnel aux enfants dans leur relation avec leurs pairs (Coutu, Bouchard, Émard, & Cantin, 2012).
Relation selon l’approche piklérienne
Tel que mentionné, Emmi Pikler a développé un modèle de relation qui repose sur un type de relation maternante ayant inspiré de nombreuses autres institutions (Chartier & Geneix, 2007). Golse (2015) parle même d’un apport majeur dans la professionnalisation des soins à travers le monde. Parmi les documents produits à l’ Institut national de méthodologie Emmi Pikler des foyers d’enfants du premier âge, L6czy – Budapest, Falk (1973) précise que le souci des pouponnières hongroises de l’époque était d’arriver à offrir un type de relation interpersonnelle permettant à l’ enfant de devenir une personne pouvant s’appuyer sur des valeurs morales et devenir socialement autonome. Un modèle de prise en charge des enfants carencés a donc été créé en s’appuyant sur des observations minutieuses (Violon & Wendland, 2014). Violon et Wendland (2014) supposent qu’une bonne qualité de relation reçue au service de garde pourrait compenser un attachement insécurisant avec la mère, si tel était le cas (Trudel et al. , 2008). La relation selon cette approche cherche à offrir à l’enfant une intense sécurité.
L’alternance entre la sécurisation pendant les soins qu’ il reçoit passe par des gestes précis, par la verbalisation des comportements et des émotions de l’ enfant. Ces détails des gestes posés par l’ adulte représentent une partie de ce modèle de relation (Violon & Wendland, 2014). Une contenance face aux émotions trop intenses de l’adulte en fait également partie (Violon & Wendland, 2014). De plus, la relation stable est d’une grande importance pour l’ enfant. La relation y est vue comme différente de la relation qu’une mère peut avoir avec son enfant puisqu’ elle repose sur une base, une motivation et des origines qui sont bien distinctes de la relation maternelle (Falk, 1973). De plus, il est essentiel pour l’ enfant de vivre, dès son plus jeune âge, dans des conditions laissant place au plaisir et à l’activité spontanée (Falk et al., 2011). La place à la collaboration de l’enfant et à son autonomie détient une grande importance (Falk, 1973). Ici, la relation prend une forme toute particulière puisqu’ elle soulève l’idée d’un lien entre la relation éducatrice-enfant et la qualité du jeu de l’ enfant. Aussi, en reprenant les propos de Judit Falk dans un documentaire produit par Martino (2012), la relation ne serait pas la même si l’ enfant n’avait pas la possibilité de jouer librement.
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