La gestion des installations
« Facility management is a profession that encompasses multiple disciplines to ensure functionality of the built environment by integrating people, place, process and technology » (International Facility Management Association, consulté le 4 Juin 2017). Cette définition de la gestion des installations résume les objectifs à atteindre par les équipes de gestion. Il semble également important de préciser que ces objectifs doivent être atteints en ayant le meilleur rapport coût/efficacité possible. Le rôle des équipes de gestion d’actifs (qui englobent la gestion des installations) est donc entre autres de répondre aux attentes des utilisateurs, tout en maximisant la valeur des installations et en gérant leur cycle de vie. La gestion d’actifs fait partie intégrante de l’activité générale d’une organisation : la gestion des installations, des déménagements, de l’entretien, des stratégies d’achat et de location ou de maintenance sont autant de tâches qui participent à la réussite d’une entreprise quelle qu’elle soit. Comme précisé dans The Facility Management Handbook (Roper et Payant, 2014), les thèmes principaux de la gestion des installations sont : les coûts généraux et les coûts du cycle de vie, la constante évaluation de la gestion afin d’être certain d’avoir la solution optimale, les retours d’expérience dans la conception et la construction, la notion de qualité, la flexibilité et la réactivité. La gestion d’actifs serait donc un concept inévitable et essentiel à la bonne santé d’une entreprise. On doit s’y référer pour chaque nouvel investissement et chaque changement, on y retrouve toute l’information emmagasinée tout au long des années d’activité et on y centralise le savoir afin de prendre des décisions plus éclairées au fil du temps. Afin d’être en mesure d’assurer une réponse prompte et efficiente à chacun des défis cités précédemment, le gestionnaire d’actifs doit avoir à sa disposition une quantité considérable d’informations. Étant autant impliqué dans les choix, il doit intervenir et récupérer l’information nécessaire sur chaque phase du cycle de vie d’un actif. Comme on le voit sur la Figure 1.1, chaque étape de la construction du bâtiment est concernée par les requis de l’équipe de gestion d’actifs.
Le problème des modèles d’entreprise aujourd’hui est la séparation et le manque de prise en compte de l’importance des équipes de gestion d’actifs par rapport au reste des équipes de gestion (Eastman et al., 2011; Preiser et Vischer, 2006). Lors de la construction d’un bâtiment, les gestionnaires d’actifs sont laissés à part du coeur décisionnel. Souvent, la plupart des informations ne leur sont pas transmises et leurs interventions dans les choix n’apparaissent qu’à la livraison du chantier, voire des années plus tard lorsque les premières maintenances majeures sont nécessaires. Il y a donc un réel besoin de progrès dans le domaine de la gestion du cycle de vie des actifs. Comme l’indique Koskelo (2005), bien que la gestion d’actifs soit considérée comme importante, il y a un manque de prise en compte de cette facette du management dans les entreprises. Aucun plan à long terme n’est clairement défini, les opérations de maintenance ne sont pas considérées comme une possible valeur ajoutée, mais comme une dépense et les buts à atteindre ne sont pas clairement définis. Il faudrait donc repenser l’approche de la gestion d’actifs en la rattachant à l’activité générale. Pour augmenter leur efficacité dans la prise en charge du bâtiment après construction et pallier à cette situation, les gestionnaires d’actifs se sont créés leurs propres outils de gestion.
Ceuxci sont alimentés en données manuellement en se servant des documents remis en fin de chantier : plans, notices d’entretien et d’installation, garanties, inventaires, etc. Les technologies informatiques, apparues dans les années 1960 pour la gestion d’actifs, ont permis de développer les activités en automatisant certaines tâches (ordres de travail, commandes et suivi des coûts d’entretien, etc.) (Jawadekar, 2012). Le concept de GMAO (Gestion de Maintenance Assistée par Ordinateur) s’est peu à peu développé pour donner aujourd’hui des systèmes de gestion performants comme Maximo, GuideTI, etc. Le principal défi est d’intégrer ces systèmes dans le cycle de vie et d’être capable d’échanger des informations avec les logiciels de conception pour pouvoir à la fois intégrer les requis de gestion d’actifs dès le début du projet et récupérer les informations nécessaires dès leur création. Il faut voir le défi à une grande échelle : intégrer la gestion d’actifs dans le cycle de vie permettra de l’intégrer dans la gestion de l’activité générale de l’entreprise et donc de réduire cette séparation activité générale/gestion d’actifs.
Échange de données entre phases du cycle de vie Comme Young (2007) le définit, l’interopérabilité est « the ability to manage and communicate electronic product and project data among collaborating firms ». On peut compléter cette définition avec les précisions apportées par Ibrahim (2013) au sujet de l’intégration. D’après ce dernier, l’intégration des pratiques est liée à deux grands thèmes qui sont l’intégration des équipes et des processus ainsi que l’intégration des systèmes. Selon lui, cette dernière est divisible en trois sous catégories : l’intégration de différentes disciplines (architecture et ingénierie par exemple), l’intégration du cycle de vie du bâtiment dès les premières phases du projet et l’intégration d’outils de collaboration. L’interopérabilité est donc un problème à plusieurs dimensions et lié à de nombreux domaines (techniques, culturel, organisationnel, etc.). Grilo (2010) complète cette vision en ajoutant le besoin de compatibilité entre les entreprises devant collaborer (Figure 1.3) et le rapport du NIST (2004, p.ES-1) comme « the ability to manage and communicate electronic product and project data between collaborating firms’ and within individual companies’ design, construction, maintenance, and business process systems ». Ce manque d’interopérabilité affecte principalement l’utilisateur final, c’est-à-dire le propriétaire ou le gestionnaire d’actifs (Gallaher et al., 2004). D’après le rapport du NIST (Gallaher et al., 2004) ce manque d’interopérabilité a plusieurs origines. Tout d’abord, les groupes formés pour un projet ne vont être amenés à travailler ensemble qu’une seule fois et ne veulent donc pas investir de temps et d’argent dans l’amélioration du travail collaboratif.
De plus, les bases de données utilisées peuvent être incompatibles en fonction de la version d’un même logiciel, rendant le partage difficile. Enfin, il arrive souvent qu’à l’intérieur même d’une organisation les échanges d’informations soient difficiles à cause de la multitude de logiciels utilisés et de l’utilisation simultanée du support papier et informatique. Un problème plus sérieux est l’absence d’un cadre intégré de gestion de l’information, cette dernière pouvant être distribuée sur une architecture de bases de données non connectées (serveurs ou ordinateurs personnels) ou même sur du support papier. Le format IFC (Industry Foundation Classes) a été créé en 1997 par l’International Alliance for Interoperability. Le but était d’offrir un schéma de données ouvert permettant de les échanger entre les diverses applications utilisées dans l’industrie de la construction et ce, quelle que soit la phase du cycle de vie considérée (par exemple entre ingénieurs et constructeur), donc d’atténuer ce problème d’interopérabilité (Aghazarian, 2012). Ensuite, le BIM (Building Information Modeling) visait entre autres à adresser cette problématique (Aghazarian, 2012) sous la forme d’une plateforme unique et partagée de création et d’échange d’information sur le bâtiment entre parties prenantes tout au long du cycle de vie et.
Grâce à la capacité des technologies BIM à représenter les bâtiments en 3 dimensions, c’est également un moyen de rendre les décisions plus efficaces car mieux documentées, simuler les performances énergétiques et la construction, réduire les problèmes sur le chantier et le gaspillage de matériaux et faciliter l’échange de données entre les parties prenantes (Gallaher et al., 2004). Le BIM est surtout implanté chez les architectes et les ingénieurs ainsi que chez les entrepreneurs généraux (conception et construction). Des cas d’implantations sont documentés, où le BIM est décrit comme porteur de meilleurs résultats, de projets livrés plus rapidement, avec une meilleure qualité et avec une réduction des coûts (McGraw Hill, 2014; GSA, 2011; Love et al., 2014). Certains grands propriétaires tels que GSA exigent des maquettes sous un format compatible IFC, où les informations nécessaires à l’opération et la maintenance des installations sont inclues dans le modèle numérique. La publication de leur série de guides sur l’utilisation du BIM (GSA, 2011) résume l’intérêt d’utiliser le BIM pour la gestion d’actifs après la livraison du bâtiment, mais aussi en prenant en compte les requis et le retour d’expérience des gestionnaires pour les choix en conception et en construction. GSA vise notamment : une simplification des opérations de maintenance grâce à des informations précises (localisations, planification et meilleure réponse face à l’urgence), une réduction des coûts grâce à un inventaire juste et précis ainsi qu’une meilleure traçabilité, de meilleures analyses grâce à la réunion de toutes les données du bâtiment sur une seule et même plateforme et enfin un meilleur confort général grâce aux points cités précédemment.
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