Les particularités de l’obsolescence des composants électroniques dans l’industrie aéronautique sont présentées dans cette section en passant en revue le concept d’obsolescence, les composants et systèmes concernés et enfin les différentes pratiques de gestion liées à l’obsolescence.
Contexte et définition de l’obsolescence dans le secteur aéronautique
L’obsolescence est définie dans la littérature par le fait qu’une technologie ne soit plus mise en œuvre et dont les composants ne sont plus disponibles (Rojo, Roy et Shehab, 2010). Cela se produit lorsqu’il n’y a plus de composants de rechange en stock ou que les composants ne sont plus fabriqués (Rojo et al., 2012). L’armée américaine utilise l’acronyme DMSMS (« Diminushing Manufacturing Sources and Material Shortage » en anglais) pour parler du nombre de fournisseurs qui diminue et de la pénurie de matériel. Dans l’industrie aéronautique, mais aussi dans les autres secteurs concernés comme l’automobile ou les télécommunications, l’obsolescence est due au fait que les fabricants se reposent de plus en plus sur les composants développés pour le marché des consommateurs, c’est-à-dire des composants commerciaux (Shen et Willems, 2014). Les avantages de ces composants commerciaux (acronyme anglais : COTS pour « Commercial Off The Shelf »), sont qu’ils incorporent les nouvelles technologies plus rapidement, que leur utilisation réduit les coûts de recherche et de développement ainsi que les coûts d’opérations et de maintenance qui peuvent représenter jusqu’aux trois quarts des coûts associées à un système militaire (Alford, 2000). Les désavantages des composants commerciaux sont qu’ils changent rapidement, aussi vite que le marché pour lequel ils sont destinés. Ainsi les composants deviennent vite indisponibles, ne faisant alors que reporter le problème de trouver une solution viable pour la maintenance d’un système.
Dans le domaine militaire, le principe de composant commercial s’oppose à celui de composant militaire gouvernemental, c’est-à-dire un composant dont le seul fabricant et le seul utilisateur est l’État (Alford, 2000). Dans le domaine aéronautique civil, le même principe s’applique. En effet, dans les années 1980, avant que l’obsolescence ne devienne un problème majeur, les constructeurs aéronautiques fabriquaient eux-mêmes leurs propres composants uniques. Pour les armées et les fabricants aéronautiques, la conception de composants uniques et sur mesure a fortement diminué lorsque le marché des composants électroniques a explosé, après 1990 (Bayruns et Koenig, 2002). La croissance exponentielle du marché des composants électroniques ainsi que les changements rapides de technologies se fait en accord avec la loi de Moore qui prévoyait que le nombre de semi-conducteurs doublait tous les 18 mois (Tomczykowski, 2003). La fabrication des composants électroniques coûtait trop cher aux constructeurs aéronautiques et l’utilisation de composants commerciaux correspondait avec leur politique de réduction des coûts de fabrication et de maintenance. La diminution drastique des coûts de fabrication liée à l’utilisation des composants commerciaux a entraîné la non-viabilité financière des composants uniques sur mesure (Konoza et Sandborn, 2014).
L’obsolescence est une fonction de nombreux facteurs. Dans leur article sur les meilleures pratiques de gestion de l’obsolescence, Romero Rojo, Roy et Kelly (2012) prennent en compte les facteur de nombre de sources par composant, la maturité technologique, le taux de consommation du stock et la criticité des composants. Bien sur la relation avec les fournisseurs influe aussi sur l’obsolescence, comme les normes et réglementations, l’état du marché et la concurrence.
Systèmes aéronautiques à longue durée de vie
En aéronautique, les systèmes sujets à l’obsolescence des composants électroniques sont les systèmes aéronautiques civils ou militaires qui ont une durée de vie très longue souvent supérieure à 30 ans. En anglais, on les nomme « sustainment-dominated systems »; littéralement, ce sont des systèmes où la maintenance domine, c’est-à-dire des systèmes dont le coût de maintenance est largement supérieur aux coûts de production. Ces systèmes sont produits en petites quantités et les fabricants n’ont donc que peu, voire aucun contrôle sur leur chaîne d’approvisionnement. Le cycle de conception étant très long pour ces systèmes, une grande proportion des technologies utilisées peut devenir obsolète avant même la mise en service de l’appareil (Nelson et Sandborn, 2012). Parfois cette proportion peut atteindre 80 % des composants électroniques (Rojo, Roy et Shehab, 2010).
Gestion de l’obsolescence
Il existe trois (3) grandes catégories de gestion de l’obsolescence documentées dans la littérature : la gestion réactive, la gestion proactive et la gestion stratégique.
Méthodes réactives
Les méthodes réactives, dites méthodes de résolution, consistent à résoudre le problème d’obsolescence une fois qu’il est apparu (Rojo, Roy et Shehab, 2010). Les approches réactives les plus classiques sont énumérées ci-dessous (Rojo et al., 2012). Parmi ces approches, seules les deux premières (utilisation du stock existant et « Last Time Buy » ) ne nécessitent pas de faire certifier les nouveaux composants.
➤ Stock existant : Utiliser des composants disponibles dans les stocks possédés par le fabricant.
➤ « Last Time Buy » (LTB) : Lorsque le fabricant de composant arrête la production, il en informe ses clients et annonce une date limite avant laquelle effectuer un dernier achat de composants.
➤ Récupération de pièces détachées : Les composants trouvés sur des équipements en surplus ou sur des équipements non réparables peuvent être utilisés s’ils ne sont pas endommagés. C’est la cannibalisation.
➤ Composant alternatif : Utilisation d’un composant dont la performance varie par rapport au composant de base, en termes de qualité, de tolérance ou de température par exemple.
➤ Composant équivalent : Utilisation d’un composant équivalent au composant de base, c’est-à-dire un composant de même forme, même fonction et même ajustement.
➤ Émulation : Lorsqu’un composant est introuvable, le fabricant peut décider de le concevoir lui-même. Il crée ainsi un composant avec les mêmes formes, ajustements et fonctions que l’original. Cette méthode est dispendieuse pour les constructeurs.
➤ Re-conception : Un composant obsolète et donc introuvable sur le marché est conçu à partir du système, en améliorant les performances et la fiabilité et en facilitant la maintenance. Les coûts de re-conception sont élevés. Il existe deux (2) catégories de re-conception : re-conception mineure (réagencement de circuits imprimés par exemple) et la re-conception majeure (remplacement de circuits imprimés).
– Méthodes proactives
Les méthodes proactives, appelées aussi stratégies de mitigation, sont définies comme des mesures prises pour réduire l’impact et la probabilité d’apparition d’un problème d’obsolescence (Rojo, Roy et Shehab, 2010). Ce sont des méthodes d’anticipation. Les méthodes les plus préconisées par les entreprises pour prévoir l’obsolescence sont l’utilisation de logiciels de prévision, l’emploi de modèles mathématiques de prévision combinés avec des algorithmes et enfin l’établissement de relations réciproques et de contrats de partenariat avec les fournisseurs.
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