Le problème de la résistance aux ATB a commencé à se poser presque en même temps que l’introduction de ces molécules en thérapeutique. Dès les années 1950, les premières mises en garde contre ce risque ont été lancées dans les publications scientifiques[23] . Il existait bien sûr des mécanismes naturels de résistance préexistant à cette introduction, mais des résistances sont apparues de novo, notamment vis-à-vis d’ATB entièrement synthétiques tels que les fluoroquinolones. Cette résistance est universelle et préoccupe de plus en plus médecins et grand public [24].
Paradoxe des ATB entre utilisation et utilité
Il peut s’énoncer par l’aphorisme : « Dès qu’on commence à les utiliser, ils perdent de leur activité», ou encore : « Plus on les utilise et moins ils sont utiles ». En effet, lorsque le niveau de résistance augmente, l’information suscite l’inquiétude des prescripteurs, qui élargissent le spectre des thérapeutiques empiriques et sélectionnent toujours davantage de résistances, globalement et pas uniquement chez le micro-organisme visé au départ. Par exemple, aux États-Unis, l’augmentation du pourcentage de SARM a entraîné une consommation accrue de vancomycine dans les hôpitaux et l’émergence de souches d’entérocoques résistantes à la vancomycine [25].
De la même manière dans un hôpital américain, le remplacement de l’utilisation de toutes les céphalosporines par l’imipénème a permis de contrôler une épidémie due à des Klebsiella multirésistantes mais au prix d’une augmentation de la résistance à l’imipénème chez P. aeruginosa [26].
La spirale de la résistance ci-dessous, empruntée à CARLET (Fig 1), est alimentée par la réponse de l’industrie pharmaceutique à l’inquiétude générale par le développement, la mise sur le marché et la promotion d’ATB nouveaux, toujours plus efficaces. Cependant, la rapidité de réaction de l’industrie pharmaceutique s’est fortement ralentie au cours de la dernière décennie [24] .
Preuves de la relation entre la résistance bactérienne et l’utilisation des ATB
Modèles biologiques de résistance bactérienne
Il a été possible de démontrer, dans un modèle animal, l’émergence, la sélection et la dissémination de souches d’Escherichia coli résistantes à la tétracycline chez des poulets recevant une alimentation supplémentée en oxytétracycline [27]. L’étude a de plus montré que les souches isolées chez les animaux étaient retrouvées chez les fermiers et dans leur famille. Il existe donc une dissémination démontrée de la souche résistante de l’animal à l’homme [28] . Ce qui est particulièrement démonstratif ici, c’est que la cause suspectée, à savoir l’utilisation d’ATB, précède l’effet étudié, c’est-à-dire la résistance .
Associations cohérentes entre la consommation des antibiotiques et les
résistances bactériennes
Ce sont des arguments de type épidémiologique. Lors des épidémies, on a pu montrer que les patients infectés ou colonisés par une bactérie résistante avaient plus fréquemment reçu une antibiothérapie préalable que les témoins. À l’échelon collectif, on observe aussi que les pourcentages de résistance sont généralement plus élevés dans les hôpitaux que dans la communauté, et dans les services de réanimation plus que dans les autres services hospitaliers. Il existe ainsi un parallélisme entre les résistances bactériennes et le niveau de consommation d’ATB généralement observé dans ces différents secteurs .
Relation dose-effet
Au niveau individuel, une posologie plus élevée et surtout une durée de traitement plus longue ont été identifiées comme pouvant conduire à une probabilité plus grande d’infections ou de colonisations par les bactéries résistantes [29]. Au niveau collectif, les services qui consomment le plus d’ATB doivent être aussi, et c’est bien le cas, ceux où le pourcentage de résistance est le plus élevé [30].
Variations concomitantes d’utilisation des antibiotiques et corrélations
temporelles avec la résistance bactérienne
Des modifications de la consommation d’ATB conduisent généralement à des variations parallèles de la résistance aux ATB, mais seulement après un certain délai. Une étude très démonstrative a été réalisée au centre hospitalier de Saint-Étienne [31]. Confrontés dans leur Unité de Soins Intensifs à une élévation du taux de résistance à la ciprofloxacine de Pseudomonas aeruginosa et du groupe KES (Klebsiella, Enterobacter, Serratia), les auteurs ont recherché une relation entre le niveau de résistance et le pourcentage de patients recevant une fluoroquinolone. Après mise en place d’un programme de restriction, on a vu la consommation diminuer, puis le taux de résistance diminuer à son tour. Fait remarquable, la diminution de la résistance ayant conduit à l’interruption du programme de restriction, la consommation a de nouveau augmenté et le pourcentage de résistance a suivi, plus rapidement chez Pseudomonas que dans le groupe KES.
Table des matières
CHAPITRE I.- INTÉRÊT DE LA QUESTION
1.- Introduction
2.- Problématique
CHAPITRE II.- PARTIE THÉORIQUE
1.- Quelques aspects réglementaires en rapport avec les infections nosocomiales
1.1.- Exemple de la France
1.2.- En Algérie
2.- Consommation d’antibiotiques et résistance bactérienne
2.1.- Paradoxe des ATB entre utilisation et utilité
2.2.- Preuves de la relation entre la résistance bactérienne et l’utilisation des antibiotiques
2.2.1.- Modèles biologiques de résistance bactérienne
2.2.2.- Associations cohérentes entre la consommation des antibiotiques et les résistances bactériennes
2.2.3.- Relation dose-effet
2.2.4.- Variations concomitantes d’utilisation des antibiotiques et corrélations temporelles avec la résistance
bactérienne
3.- Résistance bactérienne
3.1.- Définition de la résistance bactérienne
3.2.- Facteurs contribuant à l’émergence et à la propagation de résistance bactérienne
3.3.- Origine génétique de la résistance et modalités de transfert génétique
3.3.1.- Résistance naturelle ou intrinsèque
3.3.2.- Résistance acquise
3.4.- Mécanismes de résistance bactérienne
4.- Principaux germes multirésistants responsables d’infections associées aux soins
4.1.- Staphylococcus aureus
4.1.1.- Caractéristiques
4.1.2.- Facteurs de risque de portage
4.1.3.- Impact économique
4.1.4.- Staphylococcus aureus résistant à la méticilline d’origine communautaire
4.1.5.- Staphylococcus aureus résistant à la méticilline de sensibilité diminuée et résistant aux glycopeptides
4.2.- Pseudomonas aeruginosa
4.2.1.- Caractéristiques
4.2.2.- Particularités microbiologiques
4.3.- Acinetobacter baumannii
4.3.1.- Caractéristiques
4.3.2.- Facteurs de virulence
4.3.3.- Epidémies à Acinetobacter baumannii
4.4.- Entérocoques résistant aux glycopeptides (ERG)
4.4.1.- Facteurs de virulence
4.4.2.- Risques liés aux Entérocoques Résistant à la Vancomycine (ERV)
4.5.- Entérobactéries sécrétrices de bêta-lactamases à spectre élargi ou étendu (EBLSE)
4.5.1.- Enterobacter cloacae
4.5.2.- Klebsiella pneumoniae.
4.5.3.- Serratia marcescens
5.- Facteurs de risque d’acquisition d’une infection associée aux soins à Bactérie MultiRésistante (BMR)
5.1.- Pseudomonas aeruginosa multirésistant
5.2.- Acinetobacter baumannii multirésistant
5.3.- Entérobactéries sécrétrices de Bêta-Lactamases à Spectre Élargi (EBLSE)
5.4.- Staphylococcus aureus résistant à la méticilline
5.- Situation épidémiologique et profil de résistance des principales souches bactériennes multirésistantes
5.1.- Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM)
5.1.1.- Situation épidémiologique dans le monde
5.1.2.- Situation épidémiologique en Algérie
5.2.- Pseudomonas aeruginosa
5.2.1.- Situation épidémiologique dans le monde
5.2.2.- Situation épidémiologique en Algérie
5.3.- Acinetobacter baumannii
5.3.1.- Situation épidémiologique dans le monde
5.3.2.- Situation épidémiologique en Algérie
5.4.- Entérobactéries sécrétrices de bêta-lactamases à spectre élargi (EBLSE)
5.4.1.- Situation épidémiologique dans le monde
5.4.2.- Situation épidémiologique en Algérie
5.5.- Entérocoque résistant à la vancomycine (ERV)
5.5.1.- Situation épidémiologique dans le monde
5.5.2.- Situation épidémiologique en Algérie
6.- Surveillance des infections associées aux soins
6.1.- Efficacité de la surveillance des IN
6.2.- Qualités attendues d’un système de surveillance
6.3.- Intérêt de la surveillance en réseau
6.4.- Choix du système de surveillance
7.- Maitrise d’une épidémie d’infections nosocomiales
7.1. Contexte et définition
7.2.- Investigation d’une épidémie
8.- Mesures générales de prévention des infections nosocomiales
8.1.- Précautions standard
8.1.1.- Hygiène des mains
8.1.2.- Port des gants
8.1.3.- Masques
8.1.4.- Tenue professionnelle
8.2.- Prévention de la transmission croisée de BMR
8.2.1.- Prévention de la transmission croisée par contact
8.2.2.- Prévention de la transmission croisée par voie respiratoire « Air » ou « Gouttelettes»
8.2.3.- Environnement
8.2.3.1.- Impact de l’architecture sur les infections nosocomiales en réanimation
8.2.3.2.- Air en réanimation
8.2.3.3.- Eau en réanimation
9.- Mesures spécifiques de prévention des infections nosocomiales selon le site anatomique
9.1.- Infections urinaires
9.2.- Pneumopathies acquises sous ventilation mécanique (PAVM)
9.3.- Infections associées aux dispositifs intravasculaires (IADIV)
CHAPITRE III.- PARTIE PRATIQUE
1.- Hypothèse de travail
2.- Objectifs de l’étude
2.1.- Objectifs principaux
2.2.- Objectifs secondaires
3.- Population et méthodes
3.1.- Première partie : Etude à visée descriptive
3.1.1.- Type, lieu et période de l’étude
3.1.2.- Population d’étude
3.1.3.- Recueil de données
3.1.4.- Traitement des données
3.1.5.- Ratio d’Exposition aux Dispositifs Invasifs (REDI)
3.1.6.- Calcul des indicateurs d’incidence
3.1.7.- Indicateurs de résistance bactérienne
3.2.- Deuxième partie : Etude à visée analytique de type cas-témoins (patients atteints d’IN vs. patients non
atteints d’IN)
3.2.1.- Type d’étude.
3.2.2.- Critères d’éligibilité
3.2.3.- Calcul du nombre de sujets nécessaires (NSN)
3.2.4.- Analyse des données
3.3.- Troisième partie : Etude comparative (infections à bactéries multirésistantes vs. infections à bactéries
sensibles du même genre)
3.3.1.- Type d’étude
3.3.2.- Définition de la population d’étude
3.3.3.- Analyse des données
CHAPITRE IV.- RÉSULTATS
1.- Caractéristiques des patients surveillés
1.1.- Caractéristiques générales
1.2.- Durée de séjour hospitalier selon les caractéristiques des patients
1.3- Description de l’exposition aux différents dispositifs invasifs
2.- Infections nosocomiales en réanimation adulte des Urgences Médico-Chirurgicales
2.1.- Taux d’incidence cumulée des principales infections nosocomiales
2.1.1.- Taux d’incidence d’IN pour 100 patients exposés aux différents dispositifs invasifs
2.1.2.- Densités d’incidence d’IN pour 1000 jours d’exposition aux différents dispositifs invasifs
2.1.3.- Délai d’apparition des infections nosocomiales par rapport au début de séjour hospitalier
2.1.4.- Délai d’apparition des infections nosocomiales par rapport au début de l’exposition aux différents
dispositifs invasifs
2.1.5.- Répartition des décès selon le type d’infection nosocomiale
2.2.- Germes responsables d’infections nosocomiales
2.2.1.- Principaux germes identifiés par famille
2.2.2.- Principaux germes identifiés par espèce
2.2.3.- Germes responsables de pneumonies nosocomiales
2.2.4.- Germes responsables d’infections urinaires
2.2.5.- Germes responsables de bactériémies nosocomiales
2.2.6.- Germes responsables d’infections liées au cathéter veineux central (ILC)
2.3.- Indicateurs de la résistance aux ATB pour les principaux micro-organismes concernés
2.3.1.- Staphylococcus aureus
2.3.2.- Enterococcus faecalis et faecium
2.3.3.- Entérobactéries
2.3.4.- Acinetobacter baumannii
2.3.5.- Pseudomonas aeruginosa
3.- Principaux facteur de risque liées à l’acquisition d’infection nosocomiale en réanimation adulte
3.1.- Etude des facteurs de risque d’infections nosocomiales (toutes localisations confondues)
3.2.- Etude des facteurs de risque de pneumopathie nosocomiale
3.3.- Etude des facteurs de risque d’infection urinaire nosocomiale
3.4.- Etude des facteurs de risque de bactériémie nosocomiale
3.5.- Etude des facteurs de risque liés à la survenue d’infection liée au cathéter veineux central
4.- Etude des facteurs pronostiques liés à la survenue de décès
5.- Facteurs de risque liés à l’infection par une bactérie multirésistante
5.1.- Facteurs de risque liés à l’infection par le Staphylococcus aureus résistant à la méticilline
5.2.- Facteurs de risque liés à l’acquisition de souches d’Entérobactéries sécrétrices de bêtalactamases à
spectre étendu
5.3.- Facteurs de risque liés à l’acquisition de souches d’Acinetobacter baumannii résistantes à
l’imipénème
5.4.- Etude des facteurs de risque liés à l’acquisition de souches de Pseudomonas aeruginosa résistantes à
l’imipénème
6.- Relation entre l’infection par une bactérie multirésistante et la survenue de décès
CHAPITRE V.- DISCUSSION
CHAPITRE VI.- CONCLUSION
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