En quête de substances ayant un effet positif sur l’humeur, le comportement et la santé, l’homme a été séduit par la SPA depuis l’antiquité et tout le long de son histoire. Il a connu l’opium, SPA extraite du pavot, l’un des produits psychoactifs les plus anciennement connus. Des graines et des capsules de pavot à opium ont été retrouvées dans les habitats néolithiques européens datant de 5000 ans avant Jésus- Christ. [24,25] Les Sumériens le connaissaient près de 4000 ans avant J.C, et une de leurs tablettes d’argile, écrites vers 2100 ans avant J.C, comportait une référence au pavot à opium, le qualifiant de ‘’ plante de joie’’ou ‘’Hul-Gil’’ c’est DOUGHERTY (1877- 1933) qui a indiqué le premier, que les Sumériens avaient un idéogramme spécifique pour l’opium : il expliqua l’idéogramme comme étant composé de ‘’Hul’’, la joie et de ‘’Gil’’ qui servait à représenter les différentes espèces de la plante . En Asie mineure figure dès l’antiquité une ville, AFRORUM KARA HISSAR, dont le nom se traduit par ‘’Château noir d’opium’’.
La Chine l’a connu vers le VIIIème siècle, mais son usage y resta longtemps thérapeutique. L’habitude de le fumer ne remonterait qu’au début du XVIIème siècle, à la fin de la dynastie des Ming. Les Pharaons de la haute antiquité connaissaient l’usage de l’opium ainsi qu’en témoigne le fameux papyrus Ebers qui immortalise, 1600 ans avant Jésus-Christ, certaines formules utilisant l’opium pour soulager de l’insomnie, des maux de tête et pour atténuer les douleurs.[26] Les Grecs quant à eux, prescrivaient le pavot de façon courante dès la haute Antiquité. En 850 avant J.C., Homère, poète grec, le cite dans l’Odyssée comme « éloignant les peines ». Ainsi Homère rapporte qu’Hélène, pour soulager la douleur des guerriers blessés au combat, dissolvait dans le vin une SPA « qui endort douleur et colère en apportant l’oubli de toutes les souffrances ».
La Perse a aussi utilisé l’opium dans sa pharmacopie. Avicenne (980-1037) dans son poème de la médecine qui est un abrégé de son célèbre Canon a qualifié l’opium de remède engourdissant. [25] Le cannabis, quant à lui peut revendiquer une tradition séculaire.
Il est mentionné sous le nom de Bhang dans l’Athrava-veda, le plus ancien des textes sacrés hindous. A la fin du premier siècle de notre ère, il fait son apparition dans les légendes indiennes en tant que boisson favorite du Dieu Shiva. A la même époque, les chinois l’utilisaient comme anesthésique sous le nom de mafo-sam. Au moyen orient, les Assyriens le brûlaient comme encens dès le VIIIème avant J.C. On le retrouve un peu plus tard au nord de la Perse et il se répandit en Irak, en Syrie, en Egypte et chez les Romains. L’historien grec Diodore (Ier siècle avant J.C.) en parle comme un « remède magique contre la tristesse ». Sacré aussi pour les arabes, le haschich ouvrait les portes du paradis à Hassan SABBAH (le vieux de la montagne) et lui conférait un pouvoir absolu sur ses disciples.[27] Il semblerait d’ailleurs que les Arabes aient été à l’origine de l’introduction du cannabis au cours de leurs pénétrations, successivement en Egypte, Afrique du Nord et en Espagne. Utilisé d’abord pour des raisons thérapeutiques, le cannabis ne tarde pas à être recherché surtout pour ses propriétés énivantes et euphorisantes. Souvent fumé, parfois ingéré, associé à des pâtes ou à des friandises, il engendrait en quelque sorte « l’ivresse alcoolique » prohibée par l’Islam. C’est ainsi, que le cannabis se substitue sournoisement à l’alcool et se propage en Orient et au Maghreb. Ce qui incite de nombreux penseurs musulmans à en dénoncer l’usage ; IBN TAYMIA dans sont traité « Al Haschich » constata l’analogie suivante : « Si le vin est interdit en raison de ses méfaits sur l’esprit et le corps de l’homme, il devrait en être de même pour le haschich qui est encore plus néfaste et plus nuisible à l’individu et à la Société que le vin. Par conséquent, tout consommateur de l’un ou de l’autre s’attirerait la malédiction de Dieu et du prophète ».[28]
Il fallait attendre le XIXème siècle, pour voir apparaître l’opium et le cannabis en Europe. Une élite d’intellectuels se chargea de les faire connaître au public. Baudelaire les révèle dans ses « Paradis Artificiels » (1860) et dans sa traduction des confessions d’un mangeur d’opium de Thomas de Quincey qui datent de 1821.
Comme Baudelaire, Théophile Gauthier, le peintre Delacroix, Daumier, Moreau de Tours étaient des habitués des fameuses soirées de l’hôtel Pimodan. Mais cette délectation dans les manifestations instinctives de la recherche du plaisir toxicomaniaque devait heurter la conscience morale. C’est alors que survient la seconde phase de l’histoire des toxicophilies, celle de la réaction sociale, où moralistes et médecins philanthropes se dressent, souvent avec véhémence, contre ceux qui exaltent les plaisirs vicieux.[29]
Au Maroc,les oulémas s’opposaient depuis toujours à l’usage des SPAs de toutes sortes, notamment le Tabac, qui a été prohibé par plusieurs Fatwas dont la plus célèbre est celle destinée au Sultan El Mansour Dahbi vers 1602 ;qualifiant le Tabac de « plante du mal ».[30] De nos jours, bien que les connaissances sur la SPA aient considérablement évolué, comme en témoigne l’immense littérature parue sur ce sujet, l’addiction se présente comme un véritable problème de santé publique. Elle touche toutes les couches sociales ; elle devient un phénomène de société voire de civilisation. Elle apparaît de plus en plus comme une inadaptation sociale, et par conséquent, elle est vraisemblablement la grande pourvoyeuse de la délinquance avec tous ses corollaires.[31]
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