Les politiques sociales sont en constante évolution, en lien avec le contexte socioéconomique. Il paraît donc important de comprendre de quelle manière les politiques sociales ont changé pour en arriver au modèle que nous connaissons aujourd’hui, ainsi que les enjeux que cela peut créer. De plus, comme le dit Castel (2009, p. 223) : « L’Etat social et le travail social ont déjà une assez longue histoire commune. {…} Je pars de l’hypothèse qu’il existe des correspondances assez étroites entre le développement de l’Etat social et celui du travail social. Il ne s’agit pas de relations de détermination mécanique, mais de participation à une dynamique commune. ». Il paraît donc clairement impossible de comprendre l’évolution du travail social et la mise en place d’un système passant par l’insertion sans comprendre l’histoire des politiques sociales.
Selon Cassiers et Reman (2007), l’Etat Providence naît au milieu du XIXe siècle. Il sera alors suivi de la création, en Allemagne en 1883-1889, par Bismarck, d’un système d’assurances obligatoires. Ce nouveau modèle sera ensuite repris à travers l’Europe, jusqu’après la première guerre mondiale. La crise des années 30, l’augmentation du chômage et de la pauvreté renforcent encore plus le pouvoir de l’Etat dans la gestion des assurances. Le concept de sécurité sociale ne tarde pas à apparaître, en 1941, dans la charte de l’Atlantique, signée par Roosvelt et Churchill. Durant la seconde guerre mondiale, une commission est créée au Royaume-Uni afin de mettre en place un nouveau modèle d’assurance sociale (Hill, 2010). Cette commission est présidée par William Beveridge. Elle propose un nouveau modèle qui a pour but de garantir une sécurité du revenu. Pour cela, Beveridge souhaite protéger tous les citoyens contre la maladie, le chômage ou lorsqu’ils atteignent un âge avancé. Ce modèle se doit d’être universel et de permettre à tout un chacun de vivre au-dessus du seuil de pauvreté.
Le contexte d’après-guerre et le nouveau modèle proposé par le bloc soviétique pousseront encore les Etats à augmenter leur présence. Les pays capitalistes continuent alors à renforcer le système des assurances sociales. Ce modèle permet non seulement aux défavorisés de conserver leur pouvoir d’achat, mais aussi à tout le système politico-économique de se stabiliser et de profiter d’une pleine expansion. Il semble alors que le modèle est « magique » et permettra de rester dans un cycle de croissance permanente.
Castel (2009, p. 226), le décrit en parlant « d’Etat social » et nous dit qu’il n’est pas un Etat effaçant les inégalités. Cependant, il a permis de développer le système des assurances sociales et de le généraliser, de développer le droit du travail et les conventions collectives. Il a permis de consolider une condition salariale, inégale certes, mais donnant un droit au salaire minimum pour les plus pauvres et surtout un accès aux mêmes droits sociaux fondamentaux pour tous. Cet Etat favorise donc principalement la mise en place d’une réelle politique de lutte contre la misère où chacun devrait avoir le minimum pour subvenir à ses propres besoins.
Le gros défaut de ce modèle est qu’il couvre les personnes « dans » le système (les salariés), mais qu’il laisse de côté les personnes « hors » du système (les personnes âgées ne pouvant plus travailler et n’ayant pas droit à la retraite et une frange de marginaux, par exemple). De ce constat va alors naître le mandat du travail social au milieu du siècle passé : s’occuper de cette frange de la population (Castel, 2009).
A la fin des années 70 s’effectue un tournant très important : l’économie commence à fléchir et il semble alors évident que l’Etat ne pourra continuer à subvenir aux besoins des personnes précarisées, de plus en plus nombreuses. Comme Castel (1995, p. 386) le décrit bien, la principale problématique n’est pas la fin du quasi plein emploi en soi, mais l’apparition de ce qu’il appelle le « travailleur sans travail ». En effet, puisque la valeur travail est elle-même devenue non seulement un facteur d’intégration, mais aussi un facteur de définition de soi, ne plus avoir de travail semble devenir une forme de désintégration totale de l’individu.
Castel parle aussi d’une double problématique (1995, p. 400 – 401) : l’explosion du taux de chômage, mais aussi une précarisation du travail. Il commente cette dernière en ces termes : « Les « formes particulières d’emploi » qui se développent recouvrent une foule de situations hétérogènes, contrats de travail à durée déterminée (CDD), intérim, travail à temps partiel et différentes formes « d’emplois aidés », c’est-à-dire soutenus par les pouvoirs publics dans le cadre de la lutte contre le chômage. ». Cette précarisation vient elle-même alimenter la fragilité des individus qui finiront par gonfler les chiffres du chômage et des personnes mises de côté par la société.
1 Introduction |