Les concepts de fatigue et de qualité de vie
Fatigue
Définie comme un sentiment subjectif, la fatigue est perçue différemment d’un individu à l’autre et peut varier en durée, en intensité et en pénibilité. [traduction libre] (Doran, 2011, p.145) La Ligue suisse contre le cancer (2012) distingue la fatigue normale de la fatigue liée au cancer. La fatigue normale est définie comme une sensation passagère et cyclique qui informe que notre corps a besoin de repos. Régulée par nos horloges internes, la fatigue qui survient au cours de la journée nous préserve de tout surmenage et nous invite à nous reposer et à dormir. La fatigue normale peut être accompagnée de calme et de satisfaction et n’est pas problématique en soi : une nuit de sommeil ou du repos permet à notre organisme de renouveler l’énergie dont il a besoin. En revanche, la fatigue liée au cancer est définie comme une « fatigue continue, difficile à surmonter, qui laisse un sentiment de total épuisement, d’un point de vue émotionnel, psychique et physique » (Ligue suisse contre le cancer, 2012, p.7). Une telle fatigue n’est pas soulagée par le repos ou le sommeil et elle perdure dans le temps.
C’est cette fatigue pathologique que nous avons étudiée dans notre travail de recherche. Elle est nommée « cancer related fatigue » (CRF) dans la littérature scientifique en anglais, et nous avons utilisé également les termes de fatigue liée au cancer pour la mentionner. Doran (2011) parle de cette fatigue comme d’une expérience qui se manifeste tant physiquement, émotionnellement, cognitivement que dans les attitudes et les comportements. [traduction libre] (p.146) En effet, si la fatigue se ressent dans le corps, elle affecte également les émotions, les facultés cognitives, les comportements, etc.
Selon la Ligue suisse contre le cancer (2012), les étiologies de la fatigue liée au cancer sont multiples. La maladie cancéreuse en elle-même peut entraîner une modification du métabolisme très coûteuse en énergie. De plus, les cancers nécessitent souvent des opérations chirurgicales entraînant alitement et limitations physiques, et par conséquent une fonte musculaire. En outre, les traitements anti cancéreux tels que les chimiothérapies, associées ou non à la radiothérapie, sont lourds en termes d’effets secondaires fatiguant le patient. En effet, certaines chimiothérapies altèrent le fonctionnement de la moelle osseuse et provoquent une baisse de la production d’érythrocytes, de leucocytes, de plaquettes, causant de fait une anémie, mais aussi un risque accru de saignements et d’infections. De plus, la polymédication nécessaire pour traiter les effets indésirables des chimiothérapies, comme par exemple l’utilisation d’antiémétiques, a elle aussi un lot d’effets secondaires péjorant la fatigue. Pourtant, comme le précise la Ligue suisse contre le cancer (2012), tout traitement médicamenteux n’induit pas nécessairement de la fatigue.
Les cancers sont le plus souvent associés à des carences alimentaires sousapprovisionnant l’organisme, qui affaiblissent le corps et diminuent la force, ainsi qu’à des douleurs chroniques qui ont d’importantes répercussions sur l’organisme et sur le psychisme du patient. Les causes psychologiques de la fatigue sont également notoires chez les patients diagnostiqués d’un cancer et il ne faut pas les négliger. En effet, le cancer peut influer fortement sur le moral et être la cause de dépression et d’insomnie, sapant l’énergie des patients (Ligue suisse contre le cancer, 2012). Par conséquent, les enjeux de la fatigue pathologique sont de taille. Comme l’affirme Doran (2011), en plus de sa haute prévalence, la fatigue est un symptôme pénible qui a un impact indésirable sur les patients. Elle limite les capacités des patients à maintenir un mode de fonctionnement normal ; elle limite l’accomplissement des activités quotidiennes et des activités d’auto-soins, réduit le sens de bien-être émotionnel, perturbe la vie de famille et professionnelle, et finalement influence la qualité de vie. [traduction libre] (p. 144)
Qualité de vie
L’enjeu central derrière la fatigue semble être la qualité de vie. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS, 1997) la définit comme la perception des individus de leur position dans la vie dans le contexte de la culture et des systèmes de valeur dans lesquels ils vivent et en relation avec leurs objectifs, leurs attentes, leurs normes et leurs inquiétudes. [traduction libre] (p. 1) Le concept de la qualité de vie se greffe à la définition de la santé de l’OMS entrée en vigueur en 1948 qui comprend la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, et [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » (OMS, 2003). Ainsi, la santé et la qualité de vie s’intéressent à la notion du bien vivre. Une telle notion prend tout son sens pour des patients souffrant de maladies chroniques, car elle invite à penser le soin avec une vision holistique. En effet, selon Formarier & Jovic (2009), la qualité de vie est « un concept complexe qui relève autant de la philosophie que de la psychologie ou de la sociologie » (p.234). Si ce concept a été l’objet de nombreuses recherches depuis les années soixante et qu’il est de nos jours couramment utilisé dans le domaine des soins, il reste difficile à cerner. Néanmoins, les auteurs s’accordent pour affirmer que le patient est la seule personne à pouvoir définir son niveau de qualité de vie, selon des critères subjectifs qui lui sont propres (Formarier & Jovic, 2009).
Leplège & Coste, quant à eux, mentionnent quatre dimensions principales qui permettent d’explorer la qualité de vie auprès du patient. Ils retiennent :
1. l’état physique du sujet (autonomie, capacités physiques),
2. ses sensations somatiques (symptômes, conséquences de traumatismes ou de procédures thérapeutiques, douleurs),
3. son état psychologique (émotivité, anxiété, dépression),
4. ses relations sociales et son rapport à l’environnement familial, amical ou professionnel (2001, p. 21).
Comme vu précédemment, la fatigue liée au cancer peut avoir des répercussions tant sur le domaine physique, psychologique, émotionnel que social et professionnel et chacun de ces domaines nécessiterait d’être investigués auprès du patient.
1. INTRODUCTION |