Pertinence du cadre conceptuel selon la vision McGill
D’après Formarier et Jovic (2009), les quatre grands concepts appliqués aux soins infirmiers, soins, personne, santé et environnement qui étaient déjà présents dans les écrits de Nightingale dès 1859 ont été repris par Fawcett (1984) sous forme de métaparadigme infirmier. Nous avons donc choisi les métaparadigmes selon la conception McGill élaborée par Moyra Allen (1977). En effet, ce modèle développé dans les années 1970 à l’université McGill évolue constamment. Il a pour but la promotion de la santé et est caractérisé par un processus d’apprentissage collaboratif basé sur les forces des personnes et des familles (Paquette-Desjardins, Sauvé, Pugnaire Gros, 2015).
La personne : personne/famille
D’après Gottlieb et Rowat (1987), le concept de personne est considéré dans le modèle McGill comme la personne/famille. Même si la famille ne fait pas partie du contexte dans lequel les soins vont avoir lieu, elle reste indissociable de la personne. La façon de voir et de comprendre la famille est guidée par l’approche systémique. De fait, comme le rappellent Pepin, Kérouac et Ducharme (2010), « […] l’individu et la famille sont des systèmes ouverts en interaction constante l’un avec l’autre et avec l’environnement et la communauté. Ainsi, les changements dans l’un ou l’autre des systèmes occasionnent des changements dans les autres systèmes et dans leurs interactions […] » (p.64).
La personne/famille possède des capacités d’apprentissage. Chaque personne apporte à la situation un bagage génétique différent, une histoire personnelle et ses caractéristiques physiologiques, psychologiques ou sociales (Gottlieb et Rowat, 1987). La prise en compte de la vision globale du patient IRC est donc cruciale. En mettant en lien notre questionnement avec le concept de la personne de McGill, nous devons être attentives au fait que nous ne pouvons pas prendre en soins le patient adulte indépendamment de sa famille même si notre accompagnement va être centré sur lui. C’est pour cette raison que nous considérons dans cette étude le patient comme personne/famille, partenaire à part entière pour l’infirmière et avons choisi une population adulte âgée de 18 ans ou plus quel que soit le stade de la maladie car c’est la population la plus touchée par l’IRC surtout que la fonction rénale diminue avec l’âge. En plus, Golshayan, Paccaud, et Wauters (2002) ont montré dans leur étude qu’un tiers des patients dialysés se situait dans la classe d’âge de 51 à 65 ans, qu’un autre tiers était âgé de 66 à 75 ans et qu’il y a un nombre non négligeable de patients âgés de plus de 75 ans, soit 14% en Valais (VS) et 15% dans le Canton de Vaud (VD) même si l’acceptation des patients très âgés en dialyse (> 80 ans) reste rare d’une manière générale. L’âge moyen lors de la première prise en soins en dialyse varie entre 55 et 57 ans selon ces auteurs. Le rapport des États Généraux du Rein (EGR, 2013) précise également qu’un quart des patients en dialyse a moins de 50 ans et un autre quart plus de 75 ans. En outre, nous estimons de même que c’est à l’infirmière d’adapter ses interventions à la personne/famille en fonction de ses besoins, de ses valeurs et des différents stades de la maladie où elle se situe.
Toutefois, nous excluons dans ce travail les patients transplantés (car ils sont un groupe particulier de patient IRC et suivi généralement par des centres de transplantation) et insuffisants rénaux aiguës parce qu’ils ne nécessitent que des dialyses transitoires (Ponte, Martin, Pechère, Guessous & Burnier, 2010). Au reste, les soins infirmiers doivent donc être au service de la personne/famille, ce qui nous amène ainsi à les expliciter .
Le soin : les soins infirmiers dans une relation de collaboration
De manière générale, « on entend par soins infirmiers les soins prodigués de manière autonome ou en collaboration [!]. Les soins infirmiers englobent la promotion de la santé, la prévention de la maladie ainsi que les soins dispensées aux personnes malades, handicapées et mourantes » (CII, OMS cités dans Formarier & Jovic, 2009, p.205). Parmi les rôles essentiels relevant du personnel infirmier, ces auteurs relèvent encore la défense, la promotion d’un environnement sain, la recherche, la participation à l’élaboration de la politique de santé et à la gestion des systèmes de santé et des patients ainsi que l’éducation.
Nous avons choisi le soin selon McGill car il est évident que la relation de collaboration qui constitue le pivot de l’approche des soins infirmiers comme le soulignent Paquette-Desjardins et al. (2015) est une nécessité voir une évidence. Elle en est même la pierre angulaire non seulement pour favoriser l’adhésion de la personne/famille aux soins mais aussi pour une prise en soins efficiente, pertinente et respectueuse des principes éthiques qui guident notre profession (autonomie, bienfaisance, non malfaisance, justice) d’après nous. C’est une relation « d’égal à égal » où le respect mutuel est essentiel car chacun apprend de l’autre.
De fait, « les objectifs des soins infirmiers sont d’aider les gens, dans une relation de partenariat, à augmenter leur capacité de résolution des problèmes de santé, à maintenir, à renforcer et à améliorer leur santé, par des initiatives de promotion de la santé. Il est primordial d’apprendre des comportements de santé ou des processus qui permettent l’acquisition d’un potentiel de santé » (Gottlieb & Feeley, 2007 cités dans Kozier et al., 2012, p.67).
Dans cette optique, l’infirmière reconnaît l’expertise de la personne/famille et l’accompagne en fonction de ses besoins, ses priorités, ses attentes et ses objectifs. Ensemble, l’infirmière et la personne/famille trouvent les buts et discutent des moyens d’y arriver en construisant sur les forces et les ressources de la personne/famille (Gottlieb & Rowat, 1987). L’infirmière doit donc évaluer en permanence où en est la personne/famille dans le vécu de sa situation de santé et ajuster ses stratégies ou interventions selon le rythme de celle-ci. Puisque nous sommes dans un contexte de maladie chronique et que les patients IRC se situent à différents stades, la relation de partenariat a donc tout son sens. Pour nous, il est important d’impliquer la personne/famille dans toutes les étapes de la démarche de soins et/ou du projet de soins et de la responsabiliser pour retarder autant que faire se peut son entrée en dialyse ou de l’aider à gérer au mieux son traitement de substitution une fois dialysée afin de pouvoir contribuer à améliorer sa QdV. Il s’agira certes de prendre connaissance de ses déficits mais il faudra mettre en avant ses forces et ses ressources pour l’accompagner dans ses projets. Il est judicieux d’axer nos interventions infirmières sur les forces de la personne/famille plutôt que sur ses carences. Nous partageons cette conception des soins infirmiers qui est au cœur du modèle McGill car la vision que l’infirmière se fait du patient va influencer le soin et même la manière de le prodiguer. Notre question de recherche intègre entièrement ce concept puisqu’il cible les soins dans lesquels l’infirmière à un rôle propre et médico-délégué à jouer, notamment via l’ETP en partenariat avec la personne/famille. Il est à cet effet judicieux de ne pas chercher à déterminer ce qui est bon ou mauvais pour le patient mais de « faire avec » lui.
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