La prostitution comme violence

Il est souvent dit que la prostitution est une forme de violence et qu’elle est un crime contre les femmes. Pourtant, une croyance s’est établie au sein de la société sur le fait que les prostituées ont choisi leurs conditions et qu’elles se font de «l’argent facile ». Cependant, si nous ne nous penchons pas sur le sujet, voire sur la problématique, nous ne pouvons pas connaître la raison pour laquelle elles exercent cette activité, ni les conditions dans lesquelles elles vivent et ce qu’elles doivent subir.

Nous avons trouvé une définition de la prostitution que nous donnent Ricci et al. qui mentionnent que l’engrenage de l’industrie du sexe piège de nombreuses personnes en son sein. Pour la plupart il est question de jeunes femmes. Puisque c’est une industrie violente tant physiquement que psychologiquement, il est évident qu’un statut de victime doit leur être reconnu. Ceci n’enlève en rien leur capacité de résilience et leur force intérieure. La pensée de victime, ici, ne représente pas l’idée de diminuer et d’amoindrir l’identité de la personne et ne tente en rien à la maintenir dans un statut d’immobilisme social (Ricci et al., 2014).

Dans les divers articles que nous avons lus, plusieurs témoignages poignants nous donnent des informations sur les différentes formes de violences auxquelles elles sont exposées notamment le vol et le viol.

Mathieu donne deux principales raisons à ces agressions : la haine envers les prostituées et l’homophobie. Nous constatons que les raisons sont diversifiées et que ces femmes peuvent subir des agressions sexuelles ainsi que des discriminations.

« Les coups et blessures ainsi infligés participent d’un « dressage » de la prostituée visant à lui faire intérioriser le respect d’un certain nombre de règles de conduites, lesquelles sont avant tout destinées à garantir les intérêts financiers du souteneur. » (Mathieu, 2002 : 50) En lisant cette phrase on se rend compte qu’il y a une certaine violence de la part des proxénètes. Les femmes se trouvent sous leur emprise, comme des esclaves. Elles sont forcées à accepter tous les clients et maintenues sous le régime de la peur afin qu’elles obéissent et ramènent un maximum d’argent. Cette violence est un outil d’entretien de la docilité. Il y a un rapport de domination de la part de leur proxénète, car pour eux la prostituée leur appartient.

Cet auteur explique aussi qu’une certaine violence est également installée entre les prostituées elles-mêmes. Cela est dû à la concurrence qu’il y a entre elles, qui peut prendre des formes démesurées. Il peut se produire des affrontements physiques dus au nonrespect des emplacements ou au fait de tenter de s’approprier la clientèle de l’autre, de baisser ses tarifs ou accepter des pratiques non protégées. Il est très étonnant pour nous, que ces femmes qui vivent le même cauchemar puissent être violentes entre elles. Nos supposons que c’est dû à la pression qu’elles subissent de la part de leur proxénète. De ce fait, elles sont dans l’obligation d’être rentables (Mathieu, 2002).

Les enjeux politiques

Bien que le problème de la traite des êtres humains à des fins sexuelles soit mondial, nous avons choisi, dans un premier temps, de cibler l’Europe.

L’article de Mathieu met en exergue trois principes politiques distincts en Europe. Chaque pays a sa propre conception de la prostitution. Il y a les pays comme la Lituanie et la Roumanie qui, à ce jour, l’interdisent totalement. Ils ont une politique dite prohibitionniste. En Suède par contre, l’idée est de démanteler l’industrie de la prostitution en pénalisant les clients. La politique dans ce cas est dite abolitionniste ; l’idée étant d’abolir une fois pour toutes cette activité en pénalisant le client. Cette mesure a aussi pour but de prévoir la réinsertion professionnelle et sociale des femmes. En revanche, aux Pays Bas, en Allemagne, en Suisse et en Autriche, la prostitution est reconnue comme une activité professionnelle. Les personnes concernées doivent se déclarer et payer des impôts sur leurs revenus, ce qui leur procure des couvertures sociales. La politique est réglementariste. On peut constater qu’au sein de l’Union Européenne, les opinions divergent sur la manière de concevoir la prostitution et les mesures politiques et légales sont propres à chaque pays (Mathieu, 2014).

Selon ce même article, l’industrie du sexe est tellement rentable que cela incite la mafia à enlever ou acheter ou encore piéger des femmes en les mettant sur le trottoir pour leur propre compte. Il relève encore un constat qui inquiète les autorités pour trois raisons majeures : la première est que les femmes ne sont pas protégées, ensuite que les réseaux criminels sont prospères grâce aux failles de l’état et que l’immigration non autorisée afflue de l’Est. C’est la raison pour laquelle la commission Européenne s’est mise en marche pour lutter contre ce fléau.

Nieuwenhuys et Pecoud expliquent que l’organisation internationale des Migrants (OIM), dont le siège est basé à Genève, est depuis les années huitante active dans la lutte contre la traite des êtres humains, notamment grâce aux campagnes d’information qu’elle organise dans l’Europe centrale et l’Europe de l’Est. Son but est essentiellement d’informer sur les dangers liés à l’immigration illégale ainsi que les divers pièges qui se cachent derrière les petites annonces.

Ces mêmes auteurs disent que les Nations Unies ont aussi manifesté leur volonté de lutter contre la traite et le trafic sexuel des êtres humains dans les années 2000. Il existe deux traités internationaux, dont l’un sur le trafic illicite des migrants, qui consiste à faire traverser les frontières illégalement, ceci concerne directement les passeurs. Quant à l’autre, sur la traite, qui se réfère au passage illégal de la frontière et à l’exploitation du migrant ; celle-ci concerne en général des femmes et des enfants qui sont perçus comme des victimes (Nieuwenhuys & Pecoud, 2008).

Selon Raymond, une étude mondiale a été faite et estime que l’industrie du sexe rapporte entre cinq et sept billions de dollars américains par an et qu’il y a, en moyenne, quatre millions de personnes par an qui migrent à l’intérieur d’un pays ou qui traversent des frontières à des fins de prostitution. Cette étude comprend à la fois les femmes et les enfants. L’ampleur du phénomène est effrayante et démontre que les criminels ont réussi à globaliser l’illégalité. Les Nations Unies doivent maintenant réfléchir sur une manière de globaliser la légalité. Ce qui est un vrai défi, surtout quand on voit qu’au sein même de l’Europe tous les pays n’ont pas la même vision et la même approche de la prostitution. Cependant, comme cité plus haut, un traité a été fait à Palerme. C’est un traité d’envergure internationale qui vise l’échange d’informations entre pays et cherche en même temps à combler ce que certaines législations internationales ne peuvent traiter seules. Ce traité cherche d’une part à punir la criminalité transnationale et d’autre part à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes (Raymond).

Dans l’article de Raymond, on peut comprendre que l’une des difficultés dans l’élaboration de ce traité a été, pour les différents pays, de se mettre d’accord sur l’utilité de différencier les femmes dûment informées et enclines à pratiquer une activité qui est en lien avec la prostitution ; des autres jeunes femmes qui ignorent tout du travail qui les attend dans leur pays de destination. En effet, avant ce traité cette différence avait son importance dans la manière dont les policiers répondaient à leurs éventuels dépôts de plaintes ou dans la perception même de la femme qu’ils avaient en face d’eux, car ils avaient dans l’idée que finalement elles étaient de « fausses » victimes. Les faits ont été démontrés qu’il y a traite dès qu’il y a exploitation et ces femmes qui ont dit oui n’ont cependant pas accepté les violences, extorsions et différents abus qu’elles peuvent subir. Un autre fait a été distingué c’est celui d’être une femme migrante ou autochtone ; il a été observé que des femmes peuvent être victimes de traite au sein même de leur pays et ceci même dans les pays riches (Raymond).

Il y a beaucoup de cas d’abus de faiblesse dans les pays d’Europe comme par exemple les working poor. Il n’y a en apparence, personne pour forcer ces jeunes femmes ou ces jeunes mères à se prostituer pour gagner leur argent. Pourtant, avec la pression du système économique et leurs faibles revenus, il y en a qui n’arrivent plus à trouver une autre solution que de se prostituer pour parvenir à payer leur loyer ou pour réussir à nourrir leurs enfants. Dans ce cas, on peut se poser des questions sur la responsabilité qu’a ce système qui a été construit sur des principes patriarcaux.

Cependant, la majorité des cas sont des migrantes sans papiers. Ce qui questionne la surveillance de nos frontières, car selon Dreswki en Europe la pauvreté qui frappe les pays de l’Est peut être comparée à celle des pays du sud. La vie et les conditions de vie sont si dures que pour certains la seule issue envisageable est de partir vers les pays du nord et l’ouest de l’Europe. Ces questions font débat, car les pays d’accueil sont peu enclins à accueillir des personnes pauvres devant déjà lutter contre la pauvreté à l’intérieur même de leur pays. La tendance est donc de refouler les demandes de personnes peu instruites et peu formées. La conséquence est que les textes de lois sur l’immigration continuent de se durcir, ce qui fait proliférer les activités criminelles. D’un autre côté, nous sommes surprises de nous apercevoir que certains pays font de leurs prostituées une attraction touristique au travers de laquelle l’espace urbain a été réfléchi et conçu de manière à être connu mondialement, comme par exemple Ayutthaya en Thaïlande et Amsterdam en Hollande. Par ailleurs, nous avons compris que pour les abolitionnistes la prostitution est perçue comme une atteinte à la dignité humaine et comme une violence qui est plus exactement exercée par les hommes sur les femmes. Dans cette idée, les clients doivent être punis par la loi, c’est ce qu’appliquent actuellement la Suède et la Norvège. Au travers de cette loi, on peut supposer que les trafiquants d’êtres humains ne vont pas faire transiter des femmes, pourtant d’un autre côté, on peut soupçonner que la prostitution existe mais est cachée. Enfin, nous ne pouvons pas parler de prostitution sans toucher un mot sur les femmes qui se disent prostituées par choix et le revendiquent comme un métier à part entière. Celles-ci ne peuvent pas entrer dans le cas de figure que traite l’ONU sur son traité fait à Palerme. Pour ces dernières, le problème à résoudre se trouve au niveau de leur reconnaissance et de leur sécurité, car elles sont nombreuses à subir diverses formes de violences. Mais, pour ce travail, nous allons garder notre focus sur les femmes victimes de l’esclavage moderne (Dreswki, 2006).

Table des matières

1 Introduction
1.1 La traite un sujet pertinent pour le travail social
1.2 Construction de l’objet de recherche
2 Problématique
2.1 La traite
2.2 La prostitution comme violence
2.3 Les enjeux politiques
2.4 La victimisation
2.5 Spécificité du travail social
2.5.1 Les personnes mobilisées par cette problématique
2.5.2 Moyens et actions mis en place
2.6 Question de recherche
3 Concepts théoriques
3.1 Contexte dans lequel la traite se développe
3.2 Contexte Économique
3.2.1 Pays en guerre
3.2.2 Migration
4 Contexte personnel
4.1 Profil des victimes
5 Patriarcat
5.1 Société patriarcale
6 Violence faite aux femmes
6.1 Explication freudienne
6.2 Appropriation généralisée du corps des femmes
6.3 Vie domestique, prostitution et traite, la barrière peut être floue
6.4 Violence légale
6.5 Violence politique
6.6 Violence sociétale
6.7 Reconnaissance de la violence
6.8 Vivre en tant que femmes « trafiquées » dans l’industrie du sexe
6.8.1 Dissociation émotionnelle
6.8.2 Activité tabou
6.8.3 Peur au ventre constante
6.8.4 Problèmes de santé
6.8.5 Risque de développer des troubles psychiques
6.8.6 Violence institutionnelle
7 Prise de conscience politique
7.1 Les différents pensées politiques
7.1.1 Organisation intergouvernementale
7.1.2 Décision de l’ONU
7.1.3 Politique européenne
7.1.4 Politique en Suède
7.1.5 Protocole de Palerme et institutions gouvernementale
7.1.6 Effets pervers
7.1.7 Opinion publique partagée
7.1.8 Politique en Suisse
7.1.9 Le conseil fédéral en réflexion
7.2 Le rôle du travailleur social
7.2.1 Organisations gouvernementales ou non gouvernementales
7.2.2 Travailleurs sociaux spécialisés
7.2.3 Spécificités du travailleur social
7.2.4 Expériences des travailleurs
7.2.5 Qu’en est-il en Suisse ?
7.2.6 Modèle d’intégration
7.2.7 Obstacles à une insertion réussie
7.2.8 Solutions proposées
7.2.9 Créer de nouveaux projets de vie
7.2.10 Création d’un outil de travail
7.2.11 Les limites de l’outil
8 Conclusion

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