Afin de s’immerger un peu plus dans le monde singulier de la surdicécité, le handicap est défini ainsi que les causes et les effets qui en découlent. Cet approfondissement nous oriente tout naturellement vers un développement de la question de la communication, qui représentent, simultanément, le cœur de cette enquête. Une partie historique suivie de la description de la communication de même que les techniques utilisées sont également exposées. Pour finir, l’évolution de l’accompagnement des personnes sourdaveugles est retracée.
DÉFINITION ET CATÉGORIES DE LA SURDICÉCITÉ
C’est en France, dans les années 1800, que l’enseignement des personnes sourdaveugles débute réellement. Cela mène les chercheurs et les spécialistes à débattre sur le terme de la « surdicécité » puisque celui-ci va donner une direction précise quant aux outils et méthodes à utiliser pour répondre, de manière juste, aux besoins de cette population. D’après le psychologue Jacques Souriau, les individus sourdaveugles peuvent, selon le degré d’atteinte (partielle ou totale) d’un des deux manques, se retrouver dans des programmes éducatifs destinés soit à des enfants sourds soit à des enfants aveugles. D’où l’importance de trouver une signification appropriée qui prend en compte le double handicap. Cette définition, tirée de l’ouvrage « Enfance. Revue trimestrielle. Ce que les enfants sourds-aveugles nous apprennent sur la communication », semble la plus pertinente à avancer :
« Il est communément admis de regrouper sous le vocable « sourds-aveugles » des personnes qui présentent à la fois une déficience visuelle et une déficience auditive et pour lesquelles les approches ayant cours dans le monde de la surdité ou de la cécité ne sont pas adaptées. On trouve donc parmi celles-ci des personnes qui ne sont ni sourdes profondes, ni totalement aveugles. » (Souriau, 2000, p.6)
L’article « La Surdi-cécité », tiré du manuel de psychologie des handicaps, évoque également, l’importance de prendre en compte l’aspect singulier de ce handicap. Ne pas l’identifier à d’autres pathologies comme la surdité, le retard mental, les TSA ou encore la cécité, peut,sans aucun doute, éviter une mauvaise orientation pédagogique et un placement dans des structures inadaptées (Souriau, 2001).
En tenant compte des éléments précités, la notion de « surdicécité » peut donc se résumer ainsi : « Une personne est sourdaveugle lorsqu’elle est atteinte d’une déficience cumulée de la vue et de l’ouïe, partielle ou totale, qui affecte les situations de la vie et dont les besoins varient selon l’origine et la survenue du handicap, nécessitant des méthodes d’accompagnement spécifiques. »
Selon Jacques Souriau, ex-directeur du CRESAM, il y a quatre catégories de personnes sourdaveugles (Souriau, 2001) :
CELLES QUI NAISSENT SOURDAVEUGLES ET CELLES QUI DEVIENNENT SOURDAVEUGLES AVANT LE DÉVELOPPEMENT DU LANGAGE (D’ORIGINE CONGÉNITALE)
Dans ce cas, le développement de l’enfant, dans l’acquisition des habiletés sociales et de la communication est grandement parasité par l’absence totale ou partielle des deux sens. Ces enfants n’ont pas la possibilité d’explorer le monde avec leur vision ou leur audition, et par conséquent ont communiqué différemment avec autrui. Accompagner l’enfant dans son développement en s’appuyant sur l’ouïe et la vue se fait de manière « naturelle » chez le parent. Lorsque l’enfant en est dénué avant la mise en place du langage, il est compliqué pour l’entourage de soutenir le processus de communication, de motricité et d’affectivité, fondamental pour son développement.
CELLES QUI NAISSENT SOURDES OU MALENTENDANTES ET QUI DEVIENNENT AVEUGLES OU MALVOYANTES
La plupart de ces enfants ont pu développer, dans les premières années de leur vie, les compétences communicationnelles. Ils apprennent donc à s’exprimer à l’aide d’outils linguistiques particuliers comme la LSF. Ici, quand survient le déficit visuel, il importe surtout de les aider à préserver leurs acquis. Cependant, quand celui-ci s’aggrave, la communication devient de plus en plus difficile et il devient plus que nécessaire de réaménager leur environnement en les aidant à obtenir de nouvelles techniques de communication adaptées à leurs déficiences cumulées.
CELLES QUI NAISSENT AVEUGLES OU MALVOYANTES ET QUI DEVIENNENT SOURDES OU MALENTENDANTES
Dans ce groupe, les personnes ont, à l’ordinaire, la maîtrise de la langue orale et sont, de la sorte, comprises par leur entourage. Pour elles, il est impossible de percevoir naturellement la parole d’autrui. Pour cela, elles ont recours à des techniques facilitant la perception du langage par la voie auditive, notamment des systèmes d’amplification sonore. La perte de l’ouïe provoque, avant tout, des perturbations importantes au niveau de leurs repères identitaires et ceci, précisément par le manque d’accès à l’information dans les activités quotidiennes et dans leurs modalités de communication. De plus, ces désordres entraînent souvent de grandes souffrances psychologiques qui se traduisent par un état d’isolement. Il est donc essentiel de prévenir ces évènements en ajustant leur environnement et en favorisant l’accès à de nouveaux apprentissages.
CELLES QUI DEVIENNENT TARDIVEMENT, SOURDES ET AVEUGLES
Dans ce profil, il est question de personnes adultes qui perdent la vue et l’audition suite à un accident de la vie, comme une maladie ou un traumatisme. Leur accès au monde en est grandement perturbé et nécessite de nouveaux apprentissages au niveau de la mobilité, des actes de la vie quotidienne ainsi que dans la façon de percevoir la langue écrite et/ou parlée. À noter qu’il peut s’agir également de personnes dont la dégradation des systèmes sensoriels est causée par le vieillissement.
Cette première prise de contact avec le monde de la surdicécité illustre bien les difficultés dans lesquelles sont plongées les personnes sourdaveugles et leur entourage. Il est également intéressant de distinguer deux ensembles ; celui des sourdaveugles congénitaux et celui dont la surdicécité apparaît après l’acquisition du langage. Pour les personnes devenues sourdaveugles après la période du développement du langage, le problème majeur est le chamboulement que provoque l’arrivée de la deuxième carence dans leur vie. La priorité est de les aider à acquérir de nouvelles habiletés sociales et de ce fait, empêcher un état de solitude extrême. Alors que pour celles qui sont nées avec l’une ou l’autre des déficiences, voire les deux, l’accent est mis sur un accompagnement précoce afin de privilégier le développement de leurs compétences langagières, symboliques et communicationnelles, dans un objectif d’autonomisation. L’enfant sourdaveugle de naissance, à cause de sa double déficience sensorielle, évolue dans un contexte socialement différent où comprendre et être compris restent compliqués (Souriau, 2001).
1 INTRODUCTION |