En introduction à ce concept, je tiens à spécifier qu’au fil de mes recherches, j’ai découvert toute la complexité de cette thématique et notamment de la terminologie utilisée pour parler des personnes marginalisées.
Cette complexité est due notamment à l’évolution de la société au fil du temps et des périodes, de la grande diversité de la population marginalisée et des différents auteurs qui utilisent des termes, des étiquettes variables pour parler de la problématique des personnes marginalisées ou exclues de la société. Et comme le dit Jacques Ellul (ELLUL, 2013, p. 17), derrière ce flou, ces incertitudes, réside une réalité inquiétante qui caractérise notre société actuelle. Mais dans les faits, nous parlons simplement d’êtres humains, hommes et femmes comme nous le sommes.
Ce concept s’est donc peaufiné tout au long de mes recherches, mes entretiens et mes questionnaires.
Pour ce projet de Bachelor, je me concentrerai sur ma propre définition de la personne marginalisée en m’appuyant sur certains auteurs connus.
Marginalisation
« La marginalisation, c’est le fait de s’écarter de la « norme » de la société, de s’en exclure ou d’en être exclu, avec une rupture parfois brutale des liens sociaux. » (LABHART, 2012, p. 2)
Cependant, toute définition de l’exclusion est en lien avec la société qui crée « ses exclus », selon l’importance donné au niveau de vie ou au travail par exemple. (PAUGAM, 1991)
La personne marginalisée
« Notre société est ordonnée de telle façon qu’elle ne supporte aucune inadaptation, aucune marginalité, aucune différence. Elle exige une parfaite conformité, une identité, une reproduction. Or, en même temps, elle développe des conditions de vie telles qu’elle produit l’inadaptation, elle marginalise, comme sans doute, aucune société avant elle. » (ELLUL, 2013)
Dans notre société occidentale, il y a plusieurs formes de marginalité et le terme reste flou. De ce fait, je présente ici différentes définitions qui se complètent et constituent la définition sur laquelle je m’appuie pour l’ensemble de ce travail.
Il s’agit de groupes sociaux aux conditions sociales particulières et qui occupent des espaces, des places spécifiques qu’ils se sont appropriés ou qui leur ont été donnés. La caractéristique commune de ces groupes réside dans le fait qu’ils évoluent en marge, à l’écart des autres, et ceci, consécutif à différents facteurs. (Revue Courants N°141 – Raph)
Les groupes se composent aussi bien de personnes sans domicile fixe pour qui la rue est un lieu de vie, de personnes alcoolo-dépendantes, alternatives ou marginales, toxicodépendantes, que d’autres personnes de la rue qui représentent un groupe social d’agrégation, qui investissent un lieu pour faire des rencontres. De plus, les personnes toxicodépendantes utilisent aussi ce lieu de rencontre pour s’approvisionner et distribuer des stupéfiants. (CHOLLET, et al., 2011)
Dans les personnes exclues des échanges sociaux « normaux », on retrouve différents types de personnes : des toxicodépendants, des sans-domiciles fixes, des indigents, etc… (CASTEL, La dynamique des processus de marginalisation: de la vulnérabilité à la désaffiliation, 1994)
Les marginaux sont déconsidérés à cause des différents échecs qui ont jalonné leur vie : une suite d’expériences douloureuses ou un parcours de vie particulier. De même, ils sont stigmatisés par leur entourage proche et font face à une réprobation sociale quotidienne. (PAUGAM, 1991)
Les besoins de la personne marginalisée
Besoins : Dynamismes dont est porteur tout être humain et dont la non satisfaction durable entraîne un mal-être croissant voire une mise en danger de la survie. (REY, 2015, p. 9)
Selon Maslow, certains besoins sont considérés comme vitaux (bas de la pyramide) et d’autres comme secondaires (haut de la pyramide). Dans cette logique, le besoin du palier inférieur doit être assouvi pour pouvoir accéder au niveau supérieur et ainsi de suite.
Il faut tout de même mentionner les limites de cette hiérarchisation des besoins, qui n’est pas universelle. Effectivement, lorsque Maslow a créé cette pyramide, il a seulement étudié la population occidentale et instruite.
De plus, ce modèle impose qu’un besoin supérieur ne pourrait pas être satisfait avant que les besoins inférieurs ne soient atteints. Or parfois, une personne ou un groupe peut chercher à satisfaire un besoin secondaire alors que les besoins inférieurs ne seraient pas satisfaits. Par exemple, pour respecter sa religion ou ses valeurs, une personne peut accepter d’être rejetée par ses collègues et même de perdre son emploi. (SCARPA, 2009, p.7)
Selon Monsieur Rey (REY, Théorie des organisation, 2014), tous les besoins de la pyramide de Maslow doivent être soignés. Il est important de réfléchir à toutes les dimensions de la pyramide et sortir de la logique inaliénable qu’il y aurait systématiquement des besoins qui ont plus d’importances que d’autres. Si un des besoins de la pyramide n’est pas satisfait, il devra être prioritaire devant les autres, il prend alors une place prépondérante.
Les individus ont des besoins qu’ils cherchent à satisfaire quel que soit l’activité dans laquelle ils sont engagés. Ils ont naturellement besoin d’appartenir à un groupe (importante pression psychologique pour être accepté, valorisé par le groupe). Ils recherchent l’estime, voire l’amitié de ceux qui les entourent et avec qui ils sont associés dans l’accomplissement de leurs tâches. Ils souhaitent pouvoir démontrer leur utilité et l’utilité de leur contribution (l’individu a besoin de mettre du sens au travail). Avec l’aide d’un collègue, nous avons réalisé une liste des besoins prépondérants des personnes marginalisées de la Place de la Riponne. Cette liste a été élaborée grâce à différents entretiens de professionnels et de personnes marginalisées dans le cadre d’un projet de la HES-SO (PAUL & FANKHAUSER, 2015). Voici ci-dessous les différents besoins en question :
– être considéré, valorisé et respecté ;
– avoir un lieu pour dormir, être en santé et avoir de quoi manger ;
– participer à la vie socio-culturelle ;
– se réaliser, s’accomplir et réussir des petits objectifs ;
– être actif ;
– établir des contacts sociaux, être entouré ;
– combler un sentiment d’inutilité ;
– retrouver confiance en soi et renforcer leur estime personnelle.
Je pense que c’est tout d’abord en se basant sur ces besoins qu’il est possible d’améliorer le niveau de vie des personnes marginalisées et de favoriser le lien avec la société dans laquelle elles s’inscrivent. Il faut tout de même rester conscient que ces besoins ne peuvent pas être généralisés à chaque personne marginalisée du fait de leur singularité.
2 Introduction et présentation de la recherche |