L’école en général
Depuis la déclaration de la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse Romande et du Tessin (2003), les finalités de l’enseignement public sont définies comme telles : « L’école publique assume une mission globale et générale de formation qui intègre des tâches d’éducation et d’instruction permettant à tous les élèves d’apprendre… » (CIIP, 2003, p.1). C’est donc à l’école que revient la charge de seconder les parents dans leur rôle d’éducateur. De plus, au travers d’une multitude de cours différents, l’école doit enseigner aux élèves à calculer, à lire, à écrire, à vivre en communauté, mais pas seulement. Nous le savons, l’école nous enseigne des savoirs généraux, mais elle est également une instance transmettant les normes et les valeurs de notre société. Nous constatons une nouvelle fois ce fait dans la déclaration de la CIIP (2003, p.2) : « L’école publique assume des missions d’éducation et de transmission de valeurs sociales.
En particulier elle assure la promotion :
. a) du respect des règles de la vie en communauté ;
. b) de la correction des inégalités de chance et de réussite ;
. c) de l’intégration dans la prise en compte des différences;
. e) du développement du sens de la responsabilité à l’égard de soi-même, d’autrui et de l’environnement, de la solidarité, de la tolérance et de l’esprit de coopération ».
Par le biais de cette déclaration, nous voyons très clairement que l’école n’est pas qu’un lieu de transmission de savoirs, mais également de normes, de valeur, de savoir-faire, de savoir-être… Ces caractéristiques nous montrent bien que l’école est un microcosme qui est vecteur de certaines traditions, mais qui peut également être acteur de changement. En effet, c’est par l’éducation que les mentalités et les croyances peuvent évoluer, ce qui prouve l’importance de l’école dans notre société.
Afin de permettre la transmission des savoirs, des valeurs… le système scolaire est organisé d’une manière très précise. Il est divisé en deux domaines qui sont les branches principales telles que le français, les mathématiques et les branches secondaires comme la musique et l’économie familiale. Comme leur nom l’indique, les branches principales revêtent une importance plus grande que les branches secondaires. Cette hiérarchisation pourrait-elle faire subir un déficit de motivation de la part des élèves pour les branches secondaires? En effet, certaines d’entre elles comme l’économie familiale qui sera au centre de notre recherche, ne sont pas directement liées à des objectifs de carrière professionnelle, mais plutôt à des compétences liées à la sphère privée, pratique pour la vie. De ce fait, nous aimerions voir si les élèves sont tout de même motivés pour cette matière, même si son utilité à long terme n’est peut-être pas toujours facile à voir pour les élèves.
L’économie familiale à l’école
L’économie familiale est donc une branche secondaire dispensée dans les trois niveaux du cycle d’orientation et dans les cantons du Valais, Fribourg, Neuchâtel, Jura et Jura Bernois. En effet, l’économie familiale telle qu’elle est enseignée dans ces cantons est une spécificité cantonale.
Les objectifs de cette branche sont liés à l’alimentation : « CM 35 : Détecter le caractère sensitif des aliments et utiliser un vocabulaire spécifique… CM 36 : Percevoir l’importance de l’alimentation… » (CIIP, 2014). Un d’entre eux est également lié à la consommation : « CM 37 : Opérer des choix en consommateur averti… » (CIIP, 2014). Dans les autres cantons romands, tels que Vaud et Genève, cette discipline est connue sous le nom d’éducation nutritionnelle et l’objectif CM 37 qui amène les élèves à réfléchir sur leur consommation n’est pas travaillé. Notre travail se limitera donc au canton du Valais, car nous prendrons en compte la discipline telle qu’elle est dans ce canton avec les trois objectifs du plan d’étude romand. L’économie familiale enseigne aux élèves les principes de base de la cuisine ainsi que des éléments liés à l’entretien d’une maison. L’époque où l’on apprenait à repasser et à coudre dans ces cours est maintenant révolue. Aujourd’hui, le domaine du textile (création) est laissé aux ACM et l’entretien des textiles est parfois travaillé dans certains cycles d’orientation lorsque les élèves sont appelés à réfléchir sur leur consommation de vêtements et textiles divers. Aujourd’hui, dans les cours d’économie familiale, les élèves apprennent, entre autres, à se nourrir de manière équilibrée et à pratiquer diverses techniques de cuisson afin de conserver les vitamines et les minéraux contenus dans les aliments (CIIP, 2014). En outre, nous pouvons voir dans le moyen d’enseignement en vigueur : Croqu’maison (Matzinger, Rigling, Imhof-Hänecke, Marti, Neidhart, et Somm, 2011) que les cours d’économie familiale dépassent le seul aspect de l’éducation nutritionnelle. Dans cet ouvrage, nous trouvons des notions sur le partage des tâches, sur l’organisation d’une journée de travail, l’organisation d’une maison, les tâches à effectuer dans un foyer… Il est donc important de savoir que l’économie familiale ne se limite pas simplement à des cours de cuisine et de nutrition, mais touche des éléments beaucoup plus vastes. Ces différents éléments enseignés dans ces cours nous permettent de comprendre leur importance qui ne cesse d’augmenter lorsque l’on voit les nombreux problèmes de santé alimentaire dont souffre notre société aujourd’hui ainsi que pour la sensibilisation des jeunes sur la problématique du genre.
L’économie familiale connaît également une deuxième spécificité. C’est une branche qui est enseignée un semestre sur deux durant les trois années du cycle d’orientation. Les heures annuelles sont regroupées sur un semestre pour pouvoir offrir des plages horaires plus longues aux enseignants. De ce fait, les élèves ont pendant un semestre deux heures d’économie familiale en 9e et 10e Harmos et trois heures pour les 11es Harmos.
En 10e et 11e Harmos, les activités sont majoritairement tournées vers la cuisine, la consommation responsable, le tri des déchets… Les élèves amènent leur panier d’ingrédients, pour ensuite ramener des plats confectionnés à la maison. En revanche, en 9 e Harmos le matériel est souvent fourni par l’école. Les élèves font également de la cuisine, mais les plats préparés sont souvent dégustés directement à l’école dans le cadre des activités proposées.
L’historique de cette discipline est très intéressant à investir. Elle a longtemps été enseignée uniquement aux filles au détriment de certaines branches principales et des travaux manuels alors réservés aux garçons. En 1972, la Conférence Suisse des directeurs intercantonaux de l’instruction publique émet des principes pour ne pas que l’enseignement ménager dispensé aux filles soit fait au détriment de branches dites de promotion. C’est une dizaine d’années plus tard, en 1981, qu’elle formule des recommandations visant à offrir les mêmes chances de formation aussi bien pour les filles que pour les garçons. Ces recommandations ont permis une égalité des genres dans les plans d’étude (Grossenbacher, 2006). À partir de cette date les mêmes chances de formation devaient être données aux deux genres comme l’indique cette citation de la recommandation de la CDIP de 1981 citées par Grossenbacher (2006, p.8): « garantir l’éducation complète des jeunes filles et des garçons, y compris dans les disciplines que sont les travaux à l’aiguille, les activités créatrices et l’économie domestique ».
Par ce petit aperçu de l’évolution de l’économie familiale au travers des années, nous voyons que c’est une discipline extrêmement touchée par les stéréotypes entre les filles et les garçons, leurs futurs rôles sociaux et leur place dans la société.
1 INTRODUCTION |